1833 ÉTUDES
SUR L'HISTOIRE DU XIIIe SIÈCLE. RECHERCHES SUR LA PART QUE L'ORDRE DE
CITEAUX ET LE COMTE DE FLANDRE PRIRENT A LA LUTTE DE BONIFACE VIII ET DE
PHILIPPE LE BEL; PAR M. KERVYN DE LETTENHOVE. (Présenté à
l'Académie royale de Bruxelles le 4 avril 1853. — Extrait du tom. XXVII des Mémoires.) Poichè la carità del natio
loco Mi strinse, raunai le fronde sparte. (DANTE)1833A Si le règne de Philippe le Bel occupe une place à part dans
l'histoire de la France au moyen âge, c'est qu'à ce règne appartient la
tentative à la fois la plus astucieuse et la plus hardie, pour s'affranchir de
toutes les lois et de toutes les règles, soit qu'elles reposassent sur des liens
sacrés, soit qu'elles dussent leur origine au droit traditionnel de la nation.
En d'autres temps, la royauté avait noblement groupé autour d'elle tous les
éléments de la vie politique, s'élevant et se fortifiant ellemême, en même temps
qu'elle présidait à leur développement régulier et pacifique. Par une conduite
toute différente, à la fin du XIIIe siècle, il semble qu'elle ne
puisse être grande et forte qu'en s'isolant et en s'entourant de ruines. C'est
ainsi que nous la 1833B verrons lutter contre la papauté pour ne
reconnaître rien au-dessus d'elle, fût-ce un avertissement donné au nom de Dieu,
puis combattre les grands vassaux, afin de ne plus trouver d'égaux à ses côtés,
dût-elle rester seule pour défendre la France; et si elle protége le tiers état,
c'est qu'elle ne craint point d'y chercher l'instrument de ses passions et de
ses haines. Gui de Dampierre, comte de
Flandre, fut le représentant le plus éminent et le plus illustre de la 1834A résistance des grands vassaux. Celle de l'autorité religieuse
fut revendiquée en France par l'ordre de Cîteaux; mais les phases diverses
qu'elle traversa sont restées enveloppées de ténèbres profondes. Avant de citer
comme objet principal de ces études, les nombreux documents inédits qui
serviront à préciser les détails de cette double lutte, il faut s'arrêter un
moment pour rappeler les relations qui, depuis longtemps unissaient la maison
des comtes de Flandre, et la Flandre elle-même à l'ordre de Cîteaux. Ces relations étaient placées dans tous les souvenirs sous le
patronage du grand nom de saint Bernard. C'était saint Bernard qui était venu en
Flandre choisir Robert de Bruges, comme le seul qui 1834B fût
digne de le remplacer lorsqu'il aurait terminé sa féconde carrière: c'était saint
Bernard qui avait proclamé qu'entre tous les grands vassaux le comte de Flandre
était le soutien du royaume de France. Les Flamands avaient répondu à son appel,
ceux-ci en se retirant dans le cloître qu'il avait fondé, ceux-là en mourant dans la croisade qu'il avait
prêchée. Les princes eux-mêmes étaient entrés, sur les pas de l'abbé de
Clairvaux, dans l'une ou l'autre de ces voies. Tandis que 1835A Thierri d'Alsace prenait la croix, un de ses neveux, nommé
Albéron, devenait religieux dans l'ordre de Cîteaux. Ce fut à l'abbaye de Clairvaux que furent
ensevelis le comte Philippe, mort au siége de Ptolémaïde, et sa femme, l'altière
Mathilde de Portugal, qui ne lui survécut que pour voir les malheurs de la
Flandre. Dans des temps plus
glorieux, Baudouin offrit à l'ordre de Cîteaux le gonfanon impérial conquis sous
les murs de Constantinople. Sa fille, la comtesse Jeanne, éleva un monastère du
même ordre pour obtenir du ciel la fin de son veuvage, et ce fut sous l'humble habit des vierges de Cîteaux qu'elle
rendit le dernier soupir. Ses aumônes avaient été si abondantes que,
pendant sa vie, on commençait les travaux de la moisson à 1835B l'abbaye de Clairvaux, par de solennelles prières pour elle: son exemple fut imité par sa soeur Marguerite et
par Gui de Dampierre, qui, prêt à partir pour Tunis, croyait ne pouvoir mieux
appeler sur lui la protection du ciel. Les grandes abbayes cisterciennes avaient
rendu à la Flandre les bienfaits qu'elles tenaient de la générosité de ses
princes. La laine de leurs troupeaux enrichissait le tisserand flamand, et en même temps elles imprimaient
un rapide essor aux travaux de l'agriculture. C'était dans les
dunes arides, dans les marais insalubres, comme l'indiquait le nom même de la
plupart des monastères, qu'elles avaient fertilisé le sol et créé des sillons
1835C couverts de moissons. La science elle-même allait, sous la
protection de l'ordre de Cîteaux, puiser aux sources fécondes de l'université de
Paris, dans ce collége de Saint-Bernard, fondé par Etienne, 1836A abbé de Clairvaux, avec le concours de Marguerite de
Constantinople, où la Flandre compta de
célèbres docteurs qu'entouraient des disciples aussi zélés que nombreux. Avant
tout, les moines de Cîteaux étaient frères du peuple par leur charité et leur
dévouement. C'était
à la porte de leurs monastères que se pressaient les
pèlerins, les orphelins et les pauvres, et lorsque la sentence d'interdit
descendait d'Arras ou de Tournay sur les villes et les campagnes désolées,
c'était aussi au pied de leurs autels que les populations, gardiennes fidèles de
la liberté politique, venaient chercher les consolations de la liberté
religieuse et se préparer au combat par la prière. Au mois d'octobre 1285, date de
l'avénement de 1836B Philippe le Bel, nous sommes encore loin du
moment où le roi de France confisquera violemment le comté de Flandre, et
conduira au bûcher de la porte Saint-Antoine les chevaliers du Temple, agrégés à
l'ordre de Cîteaux; mais déjà nous voyons poindre sur le trône cette insatiable
avarice qui, selon le vers du poëte florentin, éteint dans le coeur de l'homme
l'amour de tout bien. Parmi les nombreux priviléges des
monastères de l'ordre de Cîteaux, il en était plusieurs qui leur assuraient
l'immunité des charges extraordinaires. Le Pape Innocent II les avait dispensés,
à la prière de saint Etienne, troisième abbé de Cîteaux, du payement des dîmes
ecclésiastiques, et ils avaient 1836C également obtenu la
même exemption pour la dîme saladine. Leurs prières nous suffisent, disait
Philippe-Auguste, prêt à s'embarquer pour la troisième croisade, puisqu'ils nous
sont plus utiles par leurs 1837A prières que d'autres par leur or
ou par leurs armes; néanmoins ce ne fut là qu'une exception.
L'ordre de Cîteaux contribua généreusement, en d'autres occasions, au payement
des taxes établies par le siége pontifical pour la délivrance de la terre
sainte. Fidèle aux souvenirs de saint Bernard, il s'efforçait de réveiller le
pieux enthousiasme de l'Europe, tandis qu'il envoyait des religieux encourager
les derniers croisés en Syrie. A peine Philippe le Bel
était-il monté sur le trône qu'il reçut du Pape Honorius IV une dîme de quatre
ans pour la guerre d'Aragon. La même dîme avait déjà été accordée
à Philippe le Hardi, et il ne paraît pas qu'elle ait donné lieu à quelque
plainte. Sous Philippe le Bel, il n'en est plus de même, et 1837B un sentiment de crainte et de méfiance qui semble s'inspirer de
l'avenir, domine dans la lettre que l'abbé de Clairvaux adresse, vers le mois de
janvier 1285 (v. st.), aux principaux monastères de l'ordre. Il'y raconte que
l'abbé de Cîteaux et l'abbé de Pontigny se sont rendus près du roi, et qu'ils
ont composé (composuerunt) relativement au chiffre de la
dîme. Cette composition a été faite ad vitandum futura
pericula, animarum dispendia, conscientiarum naufragia; mais, bien que fort
onéreuse, elle n'a été obtenue qu'avec beaucoup de peine, non
sine magnis laboribus et difficultate non modica; et l'abbé de Clairvaux en
l'annonçant craint lui-même ne forte hujus, impositionis
aliquatenus vos terreat tanta summa. La part d'un seul monastère (celui
1837C des Dunes), dans cette dîme, atteignait huit cents livres
tournois, c'est-à-dire une somme quatre-vingts fois plus
considérable que celle qui avait été demandée aux plus riches monastères de
Flandre pour la croisade de Tunis. La dernière année de cette
dîme se leva en 1289. De 1289 à 1291, la confiscation des biens des marchands
lombards, et d'autres mesures conçues dans le même but, occupèrent Philippe le
Bel. En 1292, il se souvint qu'une bulle de Grégoire X avait accordé, dix-sept
ans auparavaut, une dîme à son père, et il en prit prétexte pour adresser à
l'ordre de Cîteaux des réclamations aussi vives que menaçantes. 1838A Les abbés de Cîteaux et de Clairvaux se rendirent à Paris, et y
firent lire au collége de Saint-Bernard, en présence de deux docteurs flamands,
Jean de Werden et Siger de Gulleghem, une protestation qui se terminait par un
appel au Pape: Supponentes ipsos et ordinem suum et subjectos
suos et bona sua beatorum Petri et Pauli et sanctae romanae Ecclesiae
protectioni. Cet
appel contre les usurpations de Philippe le Bel mérite quelque attention, parce
qu'il fut interjeté dans la capitale du royaume: nous ne tarderons pas à en
trouver un plus mémorable exemple. En 1294, la guerre éclata
entre le roi de France et le roi d'Angleterre, et une flotte ennemie vint semer
la terreur depuis La Rochelle jusqu'à 1838B Bayonne. Cette fois,
Philippe le Bel s'adressa humblement à l'ordre de Cîteaux (humiliter fecit supplicari), pour obtenir de sa libéralité
une dîme de deux années, destinée à préserver ses monastères et ses biens des
horreurs de la guerre. L'ordre de Cîteaux l'accorda, et il existe une charte de
Philippe le Bel ainsi conçue: Philippus, Dei gratia, Francorum
rex, notum facimus universis quod, cum Cisterciensis, de Firmitate, de
Pontiniaco, de Claravalle et de Morimundo monasteriorum abbates, pro se ac
personis aliis monasteriorum et locorum aliorum Cisterciensis ordinis regni
nostri, decimam suorum ecclesiasticorum proventuum nobis ad biennium integrum,
in subsidium pro defensione et felici statu regni nostri, sub certis modis et conditionibus duxerint 1838C liberaliter concedendam, prout in eorum litteris inde confectis
continetur, quarum tenor talis est: Excellentissimo principi domino suo
Philippo, Dei gratia, Francorum regi illustrissimo, devoti ejus fratres Robertus
de Cistercio, Rufinus de Firmitate, Symon de Pontiniaco, Johannes de Claravalle
et Dominicus de Morimundo monasteriorum abbates Cisterciensis ordinis,
Cabilonensis, Autissiodorensis, et Lingonensis dyocesum eorumque monasteriorum,
etc., cum incrementis pacis et concordiae, successus prosperos ac felices. Ad
publicam mundi notitiam a priscis temporibus jam pervenit, quod benedictum
regnum Francorum prae caeteris mundi regnis hactenus extitit orthodoxae fidei
munimentum et invincibile praesidium catholicae puritatis, in quo quidem regno
vestro semper pax viguit, fides crevit catholica, et religio christiana, auctore
Domino, 1839A felicia suscepit incrementa, et, exulata extra
vestri regni terminos discordia, quae palmites suos tetendit usque ad maris
terminos, suscipiet in futurum: ad cujus extirpationem sive exilium, necessarium
fore credimus subsidium omnium, quibus dicti regni vestri tranquillitas maxime
pacem reddat statum parum tranquillum ac securum. Hinc est quod nos abbates
praedicti, regni vestri pacem et tranquillitatem affectantes, apud Divionem
propter hoc specialiter congregati, diligenti deliberatione praehabita,
providimus a nobis et ab omnibus monachorum monasteriis nobis subjectis,
duntaxat in dicto regno vestro existentibus, fore subveniendum vobis ad dictae
discordiae exulationem, prout necessitas evidens id exposcit, partem decimam
omnium reddituum et proventuum omnium monasteriorum monachorum nostri ordinis in
regno vestro existentium, propter dictam necessitatem, reddituum et proventuum
duntaxat quae dicta 1839B monasteria in vestro regno percipiunt
et consueverunt percipere et habere, et quae ab ipsis monasteriis percipi
contigerit et haberi, sub certa tamen forma quam sedes apostolica hactenus
observavit, vobis hac vice, per biennium et nomine nostri ordinis Cisterciensis,
de speciali gratia concedentes, quae quidem pars decima per unumquemque nostrum,
sive successores nostros, in generatione cujuslibet in regno vestro existente,
infrascriptis terminis, in conscientiis nostris ac subditorum nostrorum, absque
dolo vel fraude fideliter colligetur, cui fidei nostrae stabitur absque alia
retractatione, penitus et expresse, ita quod medietatem ipsius in instanti
Resurrectione Domini, et aliam medietatem in festo Omnium Sanctorum proximo
subsequente quilibet abbas solvere teneatur . . . Nec vos, domine rex, per vos
vel per alium de hoc aliquem compelletis . . . . . Et si, Domino inspirante, cui
non est difficile disjuncta conjungere, pax regno vestro 1839C benedicto reddita fuerit, ex toto cessabitur a solutione partis
decimae supradictae; si vero dicto tempore treugam super dicta discordia iniri
contigerit, pro illo tempore quo treuga duraverit, antedicta solutio totaliter
suspendetur: ita tamen quod propter solutionem hujusmodi vos dicere non
possitis, nec debeatis, vobis jus acquisitum esse in futurum super
subventionibus et subsidiis aut aliis, faciendis vobis aut concendendis a nobis
aut nostris, quod per praesentes non intendimus concedere ullo modo. On reconnaît aisément la rédaction
des conseillers de Philippe le Bel dans le préambule de cette pièce: il manque
entièrement dans le texte qui fut adressé aux abbés de l'ordre de Cîteaux, et
les lignes qui le remplacent font mieux comprendre que cette concession fut
volontaire, et que l'ordre e Cîteaux 1839D en dicta les
conditions: Venerabilibus et in Christo karissimis coabbatibus
suis salutem, et cum sincera in Domino caritate, patientiam in adversis. Cum
nuper ex parte excellentissimi principis Philippi, Dei gratia, Francorum regis,
lamentose fuerit expositum, benedictum regnum Franciae inimicorum graves
sustinere molestias et incursus, propter quos omnium nostrorum et subditorum
nostrorum tranquillitas impugnatur, nobisque et nostris monasteriis minatur
periculum 1840A ac ruinam, nisi dictis molestiis et incursibus
occurratur, ad quae dicti regni vires parum sufficiunt, propter quod nobis fecit
humiliter supplicari quod nos auxilium et consilium eidem adhibere curaremus ad
extirpandas dictas molestias et incursus, quatenus, exulatis dictis molestiis et
periculis, nos et subditi nostri pacis testamento, sicuti hactenus freti fuimus,
frueremur: nos vero, attendentes dicta pericula imminere nobis et generaliter
omnibus dicti regni, attendentes insuper per jacturam mercium dicti regis, quas
quidem merces necesse habet exponere propter pericula supradicta, nostras salvas
existere et personas, propter quae, secundum naturalis aequitatis rationem et
sanctiones legitimas, debemus de bonis nobis a Deo collatis ad supportandum
tantae molis pondus subvenire; quocirca apud Divionem specialiter congregati, de
bonorum consilio, duximus ordinandum quod, etc.. Lorsque les Anglais eurent été repoussés, lorsque
1840B Gui de Dampierre, conduit prisonnier au Louvre, y eut
laissé, comme ôtage, sa fille déjà fiancée au fils d'Edouard
Ier, Philippe le Bel changea de langage. Ce n'était point
assez qu'il eût promulgué comme loi somptuaire une ordonnance qui portait que
quiconque possédait moins de six mille livrées de terre, serait tenu de remettre
le tiers de sa vaisselle d'or et d'argent au roi, qui en déterminerait le
prix. Ce n'était point assez qu'il eût
proclamé lui-même l'alteration des monnaies, en chargeant ses successeurs
d'indemniser ceux qui auraient à en souffrir. Tel était le besoin d'argent qui le pressait, comme il le dit
lui-même, qu'il
prescrivit la levée du centième, puis du cinquantième 1840C de
tous les biens meubles et immeubles, sans aucune distinction entre les biens des
cleres et ceux des laïes. Toute la France s'en emut, et le nom de maltôte, donné
à cet impôt universel, est resté comme une énergique protestation de ceux qui le
subirent. Tandis que les
évêques hésitaient, les uns parce qu'ils devaient tout à la faveur du roi, les
autres parce qu'ils craignaient sa colère, ou parce qu'ils se voyaient réduits à
des réclamations isolées, l'ordre de Cîteaux prit le premier la défense des
immunités ecclésiastiques. Dans toutes les provinces, les abbés répondirent par
un refus formel aux ordres des officiers royaux, et lorsque quelques évêques,
requis par le roi, les menacèrent de les 1840D contraindre en
vertu de leur autorité ecclésiastique, ils répondirent par une déclaration dont
le texte nous a été conservé dans de diocèse de Tournay: Coram
vobis, reverende pater domine, Dei gratia, Tornacensis episcope, propono et dico
quod, licet toti Cisterciensi ordini a sede apostolica sit indultum quod ipse
ordo vel aliqui de ordine non teneantur ad onus alicujus repentinae ac
extraordinariae decimae seu alterius exactionis, inhibitumque 1841A existat, per easdem indulgentias, monasteriis, personis et bonis
ipsius ordinis de caetero hujusmodi decimam et exactionem, quocumque censeantur
nomine, imponi seu exigi, sub quavis forma vel expressione verborum, ab eisdem,
aut ipsum ordinem vel aliquos de ordine super illis aliquatenus molestari, ac
per eandem sedem decretum, omnes suspensionis, interdicti seu excommunicationis
sententias in dictum ordinem, monasteria, personas vel bona eorum propter hoc
quacumque auctoritate latas, irritas et inanes ac viribus omnino carere, etiam
si exactiones, collectae vel subsidia quaecumque a sede apostolica vel legatis
ejusdem essent impositae, nisi per litteras sedis ipsius seu legatorum ejus,
facientes plenam et expressam de indulgentia hujusmodi mentionem, quaeque
personae ipsius ordinis aut ordo ipse vobis non subsint per sedis praedictae
privilegia, etiam ratione delicti, nisi pro fide dumtaxat, absque mandato sedis
apostolicae speciali: nichilominus tamen vos personas 1841B Cisterciencis ordinis praedicti, abbates videlicet, abbatissas
et quascumque alias personas per vestram dyocesim monuistis seu moneri fecistis
de facto, cum de jure non possitis, super solvenda centesima, contra supradictas
indulgentias indebite veniendo, in quam centesimam, vel quotam quamcumque aliam,
dicti Cistercienses, sicut ad ejusdem impositionem auctoritate vestra vocari non
poterant nec erant vocati, ita nec consenserant nec consentire poterant: quare
ego, cum praedictos Cistercienses dominos meos in praemissis omnibus et singulis
sentiam esse indebite pergravatos, timens etiam, ex probabilibus causis et
verisimilibus conjecturis, ne contra Cistercienses dominos meos, eorum ecclesias
atque loca, et adhaerentes eisdem et quoslibet adhaerere volentes, aliquo modo
procedatur indebite et de facto, ob praemissa gravamina omnia et singula, et ne
contra ipsos indebite et de facto procedatur in aliquo, ut 1841C est dictum, contra vos, domine reverende pater, Dei gratia,
Tornacensis episcope, et omnes et singulos quos tangit vel tangere potest
praesens negotium, nomine procuratorio et nomine praedictorum Cisterciensium
dominorum meorum, ecclesiarum suarum seu locorum, et adhaerentium seu adhaerere
volentium eisdem, ad sedem apostolicam, prout possum et debeo, in hiis scriptis
provoco et appello, et appellationes, prout debeo, cum instantia qua convenit
michi dari et concedi peto, supponens ipsos Cistercienses dominos meos, eorum
ecclesias, loca atque bona, adhaerentes seu adhaerere volentes eisdem, et
ipsorum omnem statum et bona, protectioni sedis apostolicae. Que l'ordre de Cîteaux ait compris
la gravité de la situation en s'opposant ouvertement aux volontés de Philippe le
Bel; qu'appelé à choisir entre le devoir 1841D qui parlait à sa
conscience et le péril qui menaçait ses personnes et ses biens, il ait
courageusement préféré le péril, on ne peut en douter: il trouvait dans sa
propre histoire de mémorables exemples auxquels il ne pouvait qu'être
fidèle. Lorsqu'en 1128 le roi Louis VI persécuta injustement
l'archevêque de Sens, l'abbé de Cîteaux 1842A convoqua une de ces
saintes assemblees de l'ordre d'où s'élevait, disait-on, une colonne de lumière
jusqu'à Dieu, et tous les abbés, apposant leurs sceaux à une lettre qui avait été
rédigée par saint Bernard, supplièrent le Pape Honorius III de faire entendre sa
voix pour la liberté de l'Eglise. En 1296, la même marche fut
suivie. Un chapitre général fut convoqué. Saint Bernard eût pu y répéter: Alter Herodes Christum jam non in cunabulis, sed in ecclesiis
invidet exaltatum. On répondit d'abord à la monition qui avait été adressée
par un prélat ami du roi, que nous croyons avoir été Pierre Barbet, archevêque
de Reims: dans ce mémoire, qui mérite d'être reproduit, l'ordre de Cîteaux,
après avoir déclaré qu'il est prêt à se soumettre 1842B à toutes
les taxes qui seraient établies à raison de ses biens ou pour la défense de la
patrie, repousse énergiquement les impôts extraordinaires que le siége
pontifical n'a pas approuvés: Jura, dicunt, maxima dona Dei
hominibus a superna clementia sunt collata: sacerdotium videlicet et imperium.
Istud praeest divinis, imperium autem humanis praesidiis. Alibi vocantur duo
luminaria magna, sicut sol et luna, et sicut aurum est pretiosius plumbo, et sol luna nobilior, ac
divina terrenis nobiliora seu digniora, sic sacerdotalis dignitas excedit
regalem, et minor non habet judicare majorem nolentem et invitum. Rex ergo
sacerdotes invitos et renuentes, cum suo imperio non subsint, ad subventionem
compellere non habet, cum res ecclesiasticae sint mortificatae et a temporali
jurisdictione exemptae et dicta subventio 1842C naviter sapiat
decimae, de quibus rex se non habet intromittere. Pro hiis inducuntur jura in
Authent. collat. 1a circa pr. extra. De major. et obed.; extra. de dec.
tua, ff. De jurisdictione omnium judicum; lege Est receptum. Praeterea filius magis tenetur patri quam
subditus principi, sicut lex dicit quod filius non tenetur patrem alimentare, si
pater in bonis habeat unde possit alimentari, cum tamen alimentatorem causa sit
valde favorabilis. Ergo minus tenetur subditus principi, nisi prius facultatibus
principis excussis: propter hoc inducatur lex ff. De lib.
agricolarum, lege Si quis alimentatorum. Praeterea
viri ecclesiastici ad impositionem non sunt obligandi, quia id possumus quod
commode possumus; sed, si tantum onus impositum a domino rege subire tenerentur,
nec incurrerent transgressionem juramenti, quia multis creditoribus tenentur
religionis juramento quibus satisfacere non possent et lex dicit: Si dominus in perjurium incidit, quia dare non valeat quod
juraverat, si vassallus eum sua 1842D pecunia liberare possit et
non faciat, feodum amittere debet: et sicut vassallus tenetur domino, ita
dominus vassallo. Rex ergo suos feodales saltem a vinculo juramenti, quo sunt
constricti, sua pecunia liberare debet cum possit, aliter jura subjectionis
amittere debet. Ad hoc inducuntur jura ff. de consilio et ob.
si nepos 22, q. 5, De for. competent, extra. Nisi. Praeterea, si ad dictam subventionem 1843A tenerentur sacerdotes et clerici, conferrentur caeteris
hominibus deterioris conditionis, et sequeretur expugnabile vitium quod sub rege
christianissimo sacerdotes durius tractarentur quam sub rege Pharaone, sub quo,
omnibus servituti subjectis, soli sacerdotes et eorum bona erant libertate
donati, extra. de immunitate . . . Praeterea, si talis
exactio nova debeatur et posset fieri aliquo modo, nullatenus posset fieri summo
pontifice inconsulto. Probatur lege quae dicit: Si adeo tenuis
sit patria quod auxilio extraordinario indigeat, praeses provinciae, diligenter
audiens utilitatem communem, referet principi auctoritate cujus auxilium
extraordinarium debet ordinari, sic in rebus ecclesiasticis nova exactio
statuenda non est inconsulto summo pontifice, c. Nova
vectigalia institui non posse lege prima, extra. de
immunitate ecclesiae; cod. adversus, etc. Si ad
talem subventionem per angariam ecclesiae teneantur, pauperes erunt desolati.
Praeterea cum munera quaedam sunt sordida, quaedam honesta, 1843B ab omni sordido immunis est ecclesia. Honestorum quaedam sunt
ordinaria, quaedam extraordinaria. Ad ordinaria munera ratione rerum vel
patrimoniorum tenetur ecclesia. Ab istis nemo se excusat, c. A
quibus muneribus vel praestationibus nemini liceat se excusare, lege
secunda libro decimo. Alia autem personalia vocantur angaria vel parangaria, ad
quae personae ecclesiasticae non tenentur nisi ad murorum vigilias, c. De episcopis et clericis, lege Omnis
qui . . . Ad extraordinaria, quaecumque sint illa, sive pertineant ad
publicam utilitatem, sive pietatem vel voluntatem, non tenetur ecclesia, nisi
auctoritate summi pontificis sint indicta, quia ista sunt supradicta, quae
semper sunt prohibita nisi accedente principis voluntate, c. De superindictis lege prima libro decimo, extra. De immunitate ecclesiarum, l. Adversus. Quaedam tamen munera necessitatis et pietatis
excipiunt legistae ad instructionem bonorum, redemptionem captivorum, et dicunt
quod 1843C ad hoc tenetur ecclesia. Haec tamen videntur immutata
per capitulum 16, q. 1. Ab hiis omnibus subventio ecclesiis auctoritate regia
imposita multum est aliena. Quibus rationibus et aliis, quas suppleat vestra
paternitas reverenda, petimus et supplicamus nos abbates, nostro et ecclesiae
nostrae nomine, quatenus supplicetis magistratibus regis, cui semper fuit magnum
studium unitatem apostolicae sedis et sanctarum Dei ecclesiarum custodire, ut a
tanto onere superinducto ecclesiis nostris desistat penitus et quiescat, nec nos
ad id compellatis, sed totaliter desistatis, quia sine auctoritate et mandato
summi pontificis, cujus sunt penitus bona nostra, monitioni et petitioni vestrae
parere non possumus, nec debemus, nec etiam consentimus, imo, in quantum de jure
possumus, contradicimus, ne de negligentia, perjurio et inobedientia valeamus
dampnabiliter reprehendi. 1843D Le chapitre de Cîteaux osait dire à l'archevêque
de Reims que Philippe le Bel se montrait plus dur que Pharaon: il le répéta dans
la mémorable protestation qu'il adressa à Rome. Le pape
Alexandre IV avait autrefois rendu un pompeux témoignage du zèle religieux des
abbés de lordre de Cîteaux et de leur dévouement au siége pontifical: Inter innumeras mundani turbinis tempestates, quas contra
ecclesiam Dei et nos ipsos ferventis prosecutionis procella commovit,
disait-il dans 1844A une bulle qu'il leur adressa, magnum nobis est praestitum, Deo providente, remedium, cum
universitatis vestrae ferventissima charitas nec pericula timuit, nec adminicula
denegavit. Meminimus plane et cum omnium gratiarum actione recolimus quam
inviolabili firmitate fluctuantem Petri naviculam fidei vestrae anchora servavit
in turbine. Les premières lignes du manifeste de l'ordre de
Cîteaux, en reproduisant la fin de cette bulle, rappelaient les services qu'il
avait rendus à Alexandre IV, et la reconnaissance que le Saint-Siége en avait
exprimée. Sanctissimo patri ac domino Bonifacio, Dei gratia,
summo pontifici, abbates, abbatissae, conventus, canonici, presbyteri ac totus
clerus regni 1844B Franciae pedum oscula
beatorum et feliciter sancti Petri naviculam in maris fluctibus gubernare. Cum secundum apostolum omnes stabimus ante tribunal superni judicis,
qui latentia producet in lucem et illuminabit abscondita tenebrarum, vitae
aeternae aut dampnationis perpetuae praemium recepturi, in cujus praesentia non
solum homines, sed etiam angeli trepidabunt, quod memoriae cujuslibet debet
occurrere christiani, multi tamen principes, hujus mundi dilectores, praedicti
judicii memores non existunt, rebus mundanis nimium inhaerentes; quod patenter
apparet, cum ipsi non solum personis secularibus quibus praesunt, sed etiam
ecclesiis et ecclesiasticis personis, quas defendere totis viribus et non regere
interest laycorum, cum eis super hiis nulla sit attributa facultas nec
auctoritas imperandi, tot gravamina et onera imponunt, quod deterioris
conditionis factum sub eis sacerdotium 1844C videatur quam sub
Pharaone fuerit, qui legis divinae notitiam non habebat: ille quidem, omnibus
aliis servituti subactis, sacerdotes et possessiones eorum in pristina libertate
dimisit ac eis de publico alimoniam ministravit; moderni vero principes onera
sua fere imponunt ecclesiis universa, et tot angariis clericos affligunt ut eis
quod Jheremias deplorat competere videatur: Princeps
provinciarum facta est sub tributo; sive quidem decimas seu alia quaelibet
sibi attrahentes de bonis ecclesiarum, clericorum et pauperum, Christi usibus
deputatis, jurisdictionem etiam et auctoritatem eorum taliter evacuantes ut eis
videatur nihil potestatis super ecclesiis vel personis ecclesiasticis
remansisse, quod de jure facere non deberent, ubi laycorum etiam non suppetunt
facultates, cum ipsi humiliter et devote recipere debeant cum gratiarum actione,
quae eis pro communi utilitate de bonis ecclesiae conferuntur, prius tamen
interveniente romani pontificis consilio, cujus interest 1844D communibus utilitatibus providere, quod minime faciunt, sed quod
eis per potestatem concessum est, in cleri injuriam ac in pauperum penuriam
faciunt redundare. Et cum multi consules principum, tam clerici quam alii,
propriae prudentiae innitentes et humanam amittere gratiam formidantes, eis
recta loqui libere pertimescunt, qui quoque similitudinem quamdam potius quam
veritatem discernunt, magis utilia reticentes, cum similitudinarium sit
expressivum veritatis, et quasi sicera inebriati et uvam acerbam comedentes,
minus cauta discretione exponunt illud quod dantur omnia servitio principis et
ei omnes obediant subditi et 1845A clerici, et qui principi non
obedierit morte moriatur, sensum alienum extrinsecus et extraneum requirentes,
non considerando quod tanta inter reges et pontifices quanta inter solem et
lunam distantia cognoscatur, et constitutiones principum constitutionibus
ecclesiasticis non praeeminent, et imperiali judicio non possunt jura
ecclesiastica dissolvi, cum ipsi non solum personas ecclesiasticas seculares,
sed etiam Domino Deo dedicatas, in venea Domini Sabaoth laborantes, decimis ac
aliis diversis exactionibus nunc affligunt, bona Crucifixi pauperibus et Domino
servientibus deputata suis usibus applicantes, ita ut bona ecclesiae victui
Domino servientium non valeant providere, cum denario fraudari non debeant in
vinea Domini operantes, postpositis etiam eleemosynis pauperibus erogandis, cum
non debeant officere qui hujus iniquitatis participes non existunt, et quia
praedicti consules pseudoprophetae dici possunt, cum scripturarum verba aliter
accipiunt 1845B et exponunt, quam sacra Scriptura sonat, qui
conjectura mentis suae cuncta futurorum quasi vera pronuntiant absque divinorum
verborum auctoritate, illa consideratione non servata ut in hiis quae dubia
fuerint aut obscura, id noverint exequendum quod nec evangelicis praeceptis
contrarium, nec decretis sanctorum Patrum invenietur adversum, et cum tales qui
praeeunt propter favorem principum excaecati fuerint et aliis ducatum praestare
coeperint, ambo in foveam dilabuntur, unde Psalmus: Obscurentur oculi corum ne videant, etc., dorsum eorum semper incurva, etc., et quia, pater
sanctissime, nullus pro justitia hodie martirizari desideratur, sed potius
labore postposito triumphari, cum tutius sit in tempore occurrere quam post
carnem vulneratam remedium quaerere. Hinc est quod sanctitati vestrae, de qua id
quod sumus et erimus cognoscere volumus, supplicamus, cum omni affectione qua
possumus et desiderio puri 1845C cordis, quatenus huic morbo
pestifero vestrae gratiae ac potestatis subsidia porrigatis, sine quibus status
diu stare non poterit clericalis, qui nunc per mundum titubando graditur
universum, cum nullus audeat pro defensione ecclesiae voce libera hujus mundi
potestatibus contraire, licet pastoribus recta timuisse dicere nihil aliud est
quam terga tacite praebuisse ac pugnam pro domo Israel in praelio Domini
evitasse, quos Dominus increpat per Isaiam: Canes muti non
valentes latrare. Vivat ac valeat 1846A vestra sanctitas
reverenda, nobis et Christi pauperibus in praedictis aliquod remedium salubre
conferendo cum libent Domino prospera, qui ab afflictis pellit adversa, ut sub
ala vestrae protectionis possimus, ut cupimus, respirare, ac umbram sentiamus
gratitudinis et quietis, ut in pace viventes pacis auctorem laudemus, una voce
dicentes: Gloria in excelsis, etc., qui per suam gratiam
manum porrigit lapsis, indigentes fovet et afflictos moestitia consolatur. Un ancien religieux de
l'ordre de Cîteaux, le cardinal Simon de Beaulieu, évêque de Palestrine,
remplissait alors en France les fonctions de légat du Pape. Il requit, en vertu
des pouvoirs dont il était investi, les archevêques de Reims, de Sens et de
Rouen, de convoquer un concile à Paris, le 22 juin 1296. 1846B Les archevêques de Reims, de Sens et de Rouen, n'osèrent pas,
quel que fût leur zèle pour la cause du roi, désobéir à un ordre aussi solennel
que s'il fût émané du Pape lui-même, et ils reproduisirent dans les lettres de
convocation du concile les paroles non moins tristes qu'amères que Simon de
Beaulieu avait insérées dans ses propres lettres. Cependant, l'influence
des trois primats de la France septentrionale s'exerça sur les évêques dont la
plupart étaient leurs suffragants. Les députés qui furent choisis dans
l'assemblée qu'ils présidaient, pour porter à Rome les plaintes du clergé,
étaient les évêques de Nevers et de Béziers, qui soutenaient avec le même zèle
les intérêts du roi, et une lettre écrite dans le diocèse de Bourges, qui avait
alors 1846C pour archevêque le célèbre Giles Colonna, l'auteur du
traité De regimine principis, nous apprend que le 28 août les deux
prélats n'avaient pas quitté la France. Avant que les évêques de Nevers et de Béziers
fussent arrivés à Rome, Boniface VIII, qui occupait depuis un an le siége
pontifical, fit droit aux 1847A plaintes de l'ordre de Cîteaux, en frappant d'interdit
l'archevêque de Reims, et en publiant, le 18 août 1296, la célèbre bulle: Clericis laicos, que nous trouvons reproduite dans le livre
des priviléges de l'ordre de Cîteaux. On sait que Boniface VIII y prononçait l'excommunication des clercs
qui payeraient les dîmes sans l'assentiment préalable du Pape, et la bulle Clericis laicos fut confirmée par la bulle: Ineffabilis amoris, où Boniface VIII reprochait au roi de
France d'avoir perdu un bien précieux, c'est-à-dire l'amour de ses sujets, et annonçait qu'il était prêt à souffrir les
persécutions, l'exil et même la mort pour la liberté de l'Eglise. La réponse de Philippe le Bel commençait par 1847B ces mots: Antequam essent clerici, rex
Franciae habebat custodiam regni sui, et ce
qui suivait était digne de la violence de cet exorde: Dare
histrionibus et neglectis pauperibus expensas facere superfluas in robis,
equitativis, comitativis, commessationibus et aliis pompis secularibus
permittitur eisdem, imo conceditur ad perniciosae imitationis exemplum. Quis
judicaret licitum sub anathemate cohibere ne clerici, ex devotione principum
incrassati, impinguati et dilatati, eisdem principibus assistant? L'ordre
de Cîteaux, à qui semble se rapporter cette véhémente attaque, aurait pu
rappeler que lorsque des famines cruelles désolèrent la France, les pauvres,
loin d'être abandonnés, avaient dû la vie aux généreuses 1847C aumônes des abbayes cisterciennes. Du reste, Philippe le Bel ne se reposait pas uniquement sur ces
diatribes. Ses intrigues étaient allées réveiller les discordes assoupies de
l'Italie, et à quelques jours de distance, l'on vit Frédéric d'Aragon expulser
les légats du pape de la Sicile, et les Colonna avouer hautement le projet de
chasser le Pape lui-même de Rome. Si Boniface VIII avait jadis
appelé de ses voeux ambitieux le jour où la tiare passa du front de Célestin
1848A V sur le sien, il expia sévèrement des fautes antérieures à son
pontificat par toutes les épreuves qu'il dut subir pour le conserver.
L'inquiétude et la crainte s'étaient emparées de cette âme naguère si fière: un
langage faible et incertain, dicté par la politique, avait succédé à des
protestations qu'une foi intrépide rendait si éloquentes. Il faut le dire
tristement: Boniface VIII était réduit, pour ne pas voir son autorité renversée
en Italie, à l'abaisser et à l'humilier en France, et dans
cette réconciliation avec Philippe le Bel, conclue comme une nécessité, les
médiateurs qu'il acceptait étaient précisément ces évêques que l'acte d'appel de
l'ordre de Cîteaux appelait · Clerici, consules principum,
humanam amittere gratiam formidantes, 1848B et qu'il avait
flétris à son tour en les nommant dans la bulle Clericis,
laicos: nonnulli praelati plus timentes majestatem temporalem offendere quam
aeternam. Vingt-trois prélats dévoués à Philippe le Bel
(le premier était l'archevêque de Reims, qui venait de reprendre possession de
son siége; les autres étaient les archevêques de Sens, de Narbonne, de Rouen,
les êvêques de Beauvais, de Laon, de Châlons-sur-Marne, de Langres, d'Amiens, de
Tournay, de Térouane, de Senlis, d'Auxerre, de Troyes, de Chartres, de Nevers,
d'Avranches. d'Evreux, de Lisieux, de Coutances, de Dol et du Mans) avaient
écrit au Pape pour lui faire connaître qu'ils étaient tenus la 1848C plupart par l'hommage, et presque tous par serment, de défendre
l'honneur du roi. Ils avaient
choisi entre eux des députés chargés de lui exposer qu'ils voyaient le roi
obligé par le soin de son honneur et la conservation de son royaume à de grandes
dépenses, et qu'ils désiraient lui venir en aide en lui accordant une
subvention. Boniface VIII s'empressa d'y consentir par la bulle: Coram illo fatemur, où il se plaignait vivement de la
défection du comte de Flandre, et où il offrait pour la défense des droits du roi
de France les biens de 1849A l'Eglise et sa propre personne. Une autre bulle, la bulle: Romana mater, adressée à Philippe le Bel, lui annonçait que
rien ne s'opposait à ce que le clergé lui accordàt librement un subside. Le subside
étant permis, on comprend aisément qu'il fut offert et accepté, et, de son côté,
Philippe ne défendit plus d'envoyer à Rome l'argent recueilli en France pour
l'entretien de la chambre apostolique, argent dont Boniface VIII avait grand
besoin. Dès ce moment, la réconciliation du pape et du roi
de France est compléte. Le 15 mai 1297, Boniface VIII permet
aux évêques dont nous avons déjà cité les noms de lever, au profit du roi, aux
fêtes de la Pentecôle et à la Saint-Remy, une double dîme de tous les revenus
1849B ecclésiastiques, auctoritate ecclesiae,
non invocata potentia bracchii secularis, et voici quel est le préambule de
cette bulle que nous croyons inédite: Pridem
ad nostram notitiam pervenit, vestris referentibus litteris, quas nobis
communiter destinastis, quod, nephanda hostis antiqui procurante nequitia, qui
quaerit ut noceat, semper circuit ut offendat, christianissimi regis Francorum
status turbationis multiplicis jactabatur fluctibus et intestini criminis gravi
turbine quassabatur, tanto nos arctius doloris proinde aculeus pupugit, majorque
turbatio nostri pectoris archana commovit, quanto regnum ipsum specialius
gerimus in visceribus caritatis, et potiori desiderio ducimur ut illud prosperis
successibus affluat finat et votivis eventibus fulciatur. 1849C Le pape permettait
l'emploi des censures ecclésiastiques pour contraindre au payement de cette
dîme, et elle fut, en effet, exigée dans le diocèse de Tournay sub poena suspensionis et excommunicationis. Boniface VIII va plus loin
encore, le 31 juillet 1297, dans la bulle: Etsi de statu
regni, où il déclare que rien ne s'oppose à ce que le roi de France réclame
des subsides ecclésiastiques sans l'assentiment préable du pape, s'il s'agit de
la défense du royaume: quin rex possit a praelatis et personis
ecclesiasticis petere subsidium vel contributionem, inconsulto romano pontifice,
non obstantibus constitutione praedicta seu quolibet previlegio; et une 1849D bulle spéciale désigne l'archevêque de Rouen, l'évêque d'Auxerre
et l'abbé de Saint-Denis comme exécuteurs de la dîme, en permettant cette fois
l'intervention de l'autorité séculière contre les prélats et les personnes
ecclésiastiques qui ne se soumettraient 1850A point: quatenus praelatos et ecclesiasticas personas ad hujusmodi
subsidium exhibendum auctoritate nostra, spiritualiter et temporaliter, prout
utilius expedire videritis, appellatione postposita, compellatis, invocato ad
hoc, si opus fuerit, auxilio bracchii secularis Enfin, le 9 août 1297, une bulle qui commençait par
ces mots: Meruit sincera devotio quam karissimus filius noster
Philippus rex Francorum illustris erga romanam ecclesiam gerit, accorda au
roi de France une année du revenu de tous le bénéfices vacants. Philippe le Bel
reconnut ces importantes concessions de Boniface VIII, non-seulement en
abandonnant à ses propres forces la faction des Colonna, 1850B mais aussi en permettant qu'on ajoutât aux dîmes prélevées pour
lui, une dîme réservée au pape, afin de l'aider dans sa guerre contre Frédéric
d'Aragon. Un document important de cette époque a été conservé
dans le manuscrit des Dunes: c'est un appel adressé par le doyen et le chapitre
de Tournay, afin que la générosité des fidèles soutienne les efforts du pape
pour pacifier l'Italie. Un Colonna, Matthieu, prévôt de Saint-Omer, était l'un
des chefs de cette croisade dirigée contre sa famille: G. decanus et capitulum ecclesiae Tornacensis
universis et singulis abbatibus, abbatissis, prioribus, priorissis, praepositis,
decanis, etc., salutem in Domino sempiternam. Piscatoris
navicula, suo exordio semper pacifica, 1850C Christi sanguine
rubricata, mare navigans, procellis variis ventorum agitata, nunc fluctuat,
sicut hactenus dampnatae memoriae Frederici quondam imperatoris temporibus
fluctuavit, quae nusquam defecit, testante Veritate quae ait: Ego pro te rogavi,
Petre, ut non deficiat fides tua . . . Fidelium quemque latere non credimus
qualiter Fredericus, natus regis Arragonum, furtivae dominationis invidia, ex
qua Arragonum, furtivae dominationis invidia, ex qua mundi tota duobus fratribus
non sufficit latitudo, dampnatae Ceciliae gentis, in qua vetustae caecitatis
remansit infamia, inflatus astutia, seu ultro excessum quaerens et visum in luce
perdens, insulam Ceciliae, quae est sanctae romanae ecclesiae specialis, viginti
jam annis elapsis, armata manu, proditionis nota non carens, invasit hostiliter,
et invasam, saeviente malitia, praviora quaerens consilia, in apostolicae sedis
et illustris regis Ceciliae praejudicium, adhuc detinet occupatam, qui, licet ab
eo qui salutem omnium incessanter zelatur, ipsius errata corrigere nonnunquam
blandis, quoque duris, 1850D quoque monitis, paterno saepedictum
Fredericum fuerit interpellatus affectu, ipse tamen, velut aspis surda obturans
aures suas, non exaudit monita, non movetur blandis, non terretur acerbis, ut
verificetur in eo illud propheticum: Peccator cum venerit in
profundum malorum, contempnit. Audiat 1851A quoque gens
electa, gens Deo dedicata, quanta et innumerabilis christianorum strages cum
corona martirii, refricatis guerris, diem propter ea clausit extremum, ad quorum
et futurorum regimen et cautelam sanctissimus pater noster Bonifacius thesaurum
substantiamque romanae ecclesiae in tribulationibus et diversis guerris, nunc
per montes et maria, plerumque per littora invia et devia, sic exhausit, ut de
sumptuoso exercitu quem erga scismaticos et exules Columpnenses, perditionis
filios, seditionis rectores, romanae sedis alumpnos venenosos, serpentes
genimina viperarum, ingratissimos viros indixit, subtaceamus, ad praesens pro
celeri et pleno subsidio ad perfectionem indiget inceptorum, qui, licet ex
plenitudine potestatis decimas ubique ecclesiarum imponere quantas et quotas
valeat, quia tamen, cum gratiose aguntur, gratiosius acceptantur, monemus vos,
etc.. Nous savons
qu'aux fêtes de l'Assomption 1298, 1851B l'ordre de Cîteaux paya
une nouvelle dîme, et une lettre écrite à Compiègne,
le 25 février 1299 (v. st.), par Jean de Sancy, abbé de Clairvaux, annonce la
levée de deux autres dîmes, en joignant au récit des menaces du roi les plaintes
les plus vives sur la triste situation de l'ordre de Cîteaux: Venerabilibus et in Christo karissimis coabbatibus suis J. abbas
Claraevallis, salutem et cum consolatione Sancti Spiritus septiferi, fructum
obedientiae salutarem. Crebre profunda traximus et adhuc
trahimus suspiria cum anxio gemitu cordis, videntes diebus nostris ordinem
nostrum propter guerras, subventiones, contributiones et decimas intolerabiles,
nisi subveniat divina potentia, subjici servituti. 1851C Vos
siquidem latere non credimus qualiter et sub qua forma verborum vocati fuerint
et citati per litteras regis Franciae apud Parisius, in octavis nuper
praeteritae Purificationis B. Mariae, praelati, abbates, exempti et non exempti,
capitula et collegia dicti regni, ad praestandum propter guerram Flandriae
subsidium dicto regi. Verum reverendo patri in Christo, karissimo domino
Cysterciensi, et quatuor primis abbatibus et quibusdam aliis abbatibus, ibidem
dicta die existentibus, coram domino 1852A rege expositum fuit
periculum et eminens necessitas dicti regni, ac etiam a dicto rege fuimus cum
magna instantia requisiti, quamquam posset, si vellet, virtute
regia et privilegialiter fecisse quod forte nobis fuisset intolerabile et
dampnosum. Unde nos, consideratis his omnibus et tractatu diligenter
habito, factum sequentes praelatorum non sine cordis angustia, domino Philippo
regi concessimus duas decimas duobus annis continuis persolvendas, pro nobis et
pro universo nostro ordine Cisterciensi in regno Franciae constituto. De
reverendi in Christo patris domini Cisterciensis et primorum ac plurimorum
aliorum abbatum consilio et assensu, auctoritate paterna, in generali capitulo
praedicto patri et nobis primis commissa, in talibus arduis negotiis, in quibus
non possit dictum capitulum expectari, sub poena exponendi bona vestra manibus
regalium compellentium ad solvendum, et contrahendi vestris sumptibus ad 1852B sarcinam usurarum et sub poena trangressionis et inobedientiae,
praecipiendo mandamus, etc.. Tel était le degré d'affliction
dans lequel se trouvait cet ordre naguère si puissant et si illustre, mais déjà
réduit à ne plus espérer d'autre protection que celle de Dieu. Le comte de Flandre voit également la main de Philippe le Bel
s'appesantir sur lui. En vain s'est il prêté complaisamment aux exactions
royales: la saisie du comté de Flandre est prononcée à deux reprises, et Gui
lui-même, invoquant le texte formel des établissements de saint Louis, se déclare délié du serment
d'hommage, parce que le roi lui refuse le jugement de ses pairs, en l'accablant
«d'injures, de duretez et d'oppressions.» 1852C Au moment où les abbés de Floreffe et de Gemblours portaient à
Paris le défi de Gui de Dampierre, le sire de Blanmont et le sire de Cuyk se
rendaient à Londres pour hâter la conclusion d'une alliance étroite entre le roi
d'Angleterre et le comte de Flandre. Voici quelle était la
teneur des instructions qui leur avaient été données: 1853A Che sunt les paroles ke on doit dire au roy
d'Engleterre, u à ses gens, de par le conte de Flandres. Au commenchement, on doit dire ensi: Sire, on désire ke vous sachiés
ke messires de Flandre et medame de Flandres et tout li enfant de Flandres, et
tout chil ki les aiment, ki le cuer k'il ont à vous ont conneu et connoiscent,
vos ont moulte bon cuer portei toute cheste wière, et l'ont monstrei par oevre,
si avant ke par loialtei l'ont peu faire. Sire, voire est ke li rois de Franche
a moulte pressei et moulte de injures fait à monsigneur de Flandres, et moulte
plus, puis ke les convenenches de monsigneur Edoard, vostre fil, et de
medemiselle Philippe furent faites, ke devant, et pour ce ausi ke mesire de
Flandres ne vot mie faire en vous grevans ce ke li rois de France li faisoit
mettre avant, et k'il li faisoit requerre, et li cuens s'est adès moult
débonairement et moulte humlement portés 1853B enviers le roy, en
requérant adès k'il fust maintenus en raison et en droit. Bien est voirs ke li
dus de Braibant, ki niés est à monsigneur de Flandres, et li cuens de Bar, ki
cousins germains est à medame de Flandres, et ki sunt, sire, loyet à vous, et
pluiseur autre gent ki vos aiment et ki aiment ausi monsigneur de Flandres, ont
mis avant à monsigneur de Flandres de piechà k'il rewardast à son afaire, et
k'il s'aidast et confortast, et se mesist encontre le roy de Franche avoeques
vous. Et pour che ke bien savoient et bien sèvent ke messires de Flandres pooir
n'a de lui et se terre mettre encontre le roy de Franche, pour les mises ke
mettre convient, bien disent adès et affermèrent moulte aciertes ke, se faire le
voloit, k'il aroit de vous che k'il vorroit. Aucun reportoient nombre d'argent,
et aucun parolle moulte grande, sans mettre nombre d'argent, sire, et aucun de
ki à vous sunt, disoient à aucunes gens ki sunt à monsigneur de 1853C Flandres ke, se li cuens le voloit faire, k'il aroit de vous che
k'il vorroit d'argent, et mariages ausi pour ses enfans. Sire, toute si faites
paroles et moulte d'autres furent reportées à monsigneur de Flandres. Sire, il
ki teus est, comme vous bien le connoisciés loials et prudom, convient k'il vos
amast de bon cuer, pour warder se loialté en tous poins, ne volt onques rendre
response certaine, juskes adont k'il eust le roy de Franche trouvei en défaute
parfaitement envers lui et summei de tout, et del roy sommer se travella-il; car
les injures ke li rois de Franche li soloit faire, il les contrestoit plus
asprement k'il ne soloit, en requérant ke drois et raisons li fuscent fait, sans
faire parler par moyen, ne par moyène, en espéranche ke, s'on li eust fait droit
et raison, k'il le presist, et s'on ne li fesist, k'il se peust aherdre à chou
ki dit li estoit, sire, de par vous, laquèle choze il cuidoit trover moulte
preste, quant la chose à ce se donroit, selonc 1853D che ke on li
avoit dit. Sire, ore est ensi avenu ke li cuens de Flandres a tout summei le roy
de Franche et mis parfaitement en défaute: par quoy clerc de droit et de
divinitei ont dit et dient ke li roys de Franche a tant meffait envers le conte,
ke li cuens est desloyés de homage, de serviche, de féauté et de toute
redevanche k'il li devoit u pooit devoir. Et quant li cuens eut chou ataint de
savoir, à vos gens il envoia por eaus certefyer de se response sour che dont
autre fie il avoit estet de par vous aparleis, et k'aucun de ses gens lui
avoient ausi raportei de vos gens. Sire, demandes fist li cuens de Flandres
telles, en oquoyson des alliances par lesquelles il peust soustenir mius
l'emprinse encontre le roy, lesquèles demandes ne furent mie ensi oys, comme on
se fioit par les paroles ke on avoit oyes devant. Nequedent vos gens parlèrent
1854A moult courtoisement, et disent k'il n'avoient autre pooir,
et ke vous, s'on voloit tant atendre, feriés plus courtoisement k'il n'avoient
pooir de faire, ne ke faire n'oseroient. Et li cuens de Flandres, sire, ki
devant che ke vos gens veniscent à Cambray un peu de tans, avoit le signeur dé
Blanmont et le signeur de Kuc esli et ordeneis à venir à vous de par lui, et mis
à voie s'estoient, mais parvenir n'i peurent mie, par l'empêcchement dou tans,
et ki ausi rewardoit k'il avoit tant fait et tant contrescivé contre le roy de
Franche, puis ke dit li fu ke desloyés en estoit, ke plus atendre ne voloit,
s'assenti en chou ke vos gens faire li voloient, sauve che k'il se mist adès dou
sourplus, en le franchize de vostre conniscance en lequèle il se fie sour toutes
riens. Et pour parfaire, sire, toutes les besognes et metre en certainitei de
chou ke fait est par vos gens, et ke vous ferés par vo grasse, dont on se fie
bien tant et plus ke de che ke fait est, li cuens 1854B de
Flandres a envoyet à vous le signeur de Blanmont et le signeur de Cuk et son
recheveur de Flandres, soufisantment warnis de par lui, liquel vos requièrent
pour Diu k'il soient hastéement et tost délivrei, car il est grans besoins k'il
soient tost dëlivrei, car, sire, savoir deveis ke li cuens de Flandres, quant il
envoia chi à vous, envoia d'autre part au roi de Franche dire et nuncher de par
lui par deus abbeis, ch'est à savoir l'abbei de Floreffe et l'abbei de Jemblos,
ke li cuens de Flandres estoit desloyés à lui par ses mesmes défautes, et chel
nunchement fait, ki orendroit est fait, li cuens de Flandres ostera de tout sen
pays, et par terre et par mer, tous cheaus ki de par le roy i sunt, et ensi sera
guerre commenchié, et ne cuidens mie si tost venir en Flandres ke le viert
commenchie. Un
traité fut, en effet, signé peu de jours après dans la chápelle de Notre-Dame de
Walsingham, 1854C Edouard Ier y annonçait
qu'il soutiendrait Gui de ses trésors et de ses armées, et s'engageait à ne
jamais traiter sans lui: promesse solennelle qu'Édouard refusa toutefois de
confirmer par son serment, attendu, disait-il, «ke de usage avons k'en propre
personne ne jurons mie.»
Enfin, le 25 janvier 1296 (v. st.), le comte de Flandre fit lire, dans l'église
de Saint-Donat de Bruges, un acte solennel d'appel au pape, où se trouvaient
reproduits tous ses griefs contre le roi de France. Cum vir
nobilis, Guido comes Flandriae, more progenitorum et antecessorum suorum
Flandriae comitum, ratione comitatus Flandriae, pro parte de regno Franciae
existentis, unus de paribus regni existeret, et eumdem comitatum a rege
Franciae, 1854D in feodum teneret, idem comes pro eodem feodo
regi Franciae Philippo qui nunc est, fidelitatem fecit et homagium, prout alias
clarae memoriae Ludovico et Philippo, progenitoribus ipsius regis, fecerat, et
ipse rex ad fidelitatem et homagium eumdum comitem in sua fide recepit. Deinde
idem rex pro suae voluntatis arbitrio, et excluso prorsus rationis judicio,
licet eumdem comitem sibi, prout debuit, jure fidelitatis et homagii tanquam
domino et regi obedientem adversus quoscumque, in jure suo, et maxime in hiis
quae pertinebant ad feodum, defendere deberet et regere, impugnavit eum, et jura
ipsius comitis ad ipsum ratione ipsius feodi et aliorum pertinentia occupavit,
et contra statum et honorem ipsius comitis machinatus est, et in jure eidem
faciendo defecit, et expresse sibi jus facere recusavit, et dampna plurima ei
dedit, et corpori 1855A suo violentiam intulit, et cum inimicis
comitis in laesionem ipsius confoederationem fecit, et cum aliquibus subditis
comitis de terra sua de confoederatione adversus comitem tractavit, et ipsos
visus est seducere, et eos adversus comitem dominum suum commonivit, et
sollicitavit eos super hiis per se et suos. Conventiones etiam de modo tractandi
ipsum comitem per jus et pares suos, de hiis quae rex ei debet facere, et comes
versa vice regi, ab olim inter reges et comites, eorum praedecessores habitas,
et de regibus in reges et comitibus in comites successivis temporibus, et per
ipsum regem qui nunc est et eumdem comitem renovatas et jurejurando firmatas,
violavit et fregit, et fide per eumdem rupta, ipse rex in praemissis, non solum
semel sed etiam pluries, quasi infinitis vicibus, et in aliis quasi
innumerabilibus, eumdem comitem prosecutus est, multiplicatis contra Deum et
justitiam gravaminibus, incessanter, cumque ipse comes 1855B frequentissime supplicaret regi quod jus ei faceret, et ab
hujusmodi injuriis abstineret, nunquam ab eo exaudiri potuit, et cum per pares
suos peteret jus sibi fieri, quod de jure et de consuetudine et per conventiones
praedictas facere debebat eidem, ipse rex, se per hoc offensum reputans,
indignationis aculeos committit in ipsum, et quanto humilius ipse comes, propter
Deum et justitiam et hororem suum conservandum, et pacem quam semper desiderabat
cum rege habendam, et ejus acquirendam benevolentiam et gratiam, obedivit eidem,
tanto asperius tractavit eum, et per injurias molestavit per haec et alia, de
quibus non solum terribile est loqui, sed horrendum etiam cogitare, et
execrabile hominum in auditu; et ad ultimum comes, cui haec amplius pati non est
possibile, sentiens culpa ipsius regis vinculum fidelitatis et homagii,
conventionum et pactionum, juramentorum et fidei, subjectionis et obedientiae et
alterius cujuscumque 1855C confoederationis et obligationis, quod
inter regem et ipsum extiterat, penitus dissolutum, et se ab hiis prorsus
absolutum et liberum, quia rex ipse superiorem non recognoscit in terris, ad
protectionem et auxilium omnipotentis Dei confugit. Verum quia comes ipse, qui
amodo ipsi regi obedire non debet nec intendit, cum ad id non teneatur de jure,
probabiliter et verisimiliter, maxime etiam cum praesumendum sit de praeteritis
ad futura, timet sibi et timere debet, ne rex ipse vel alius, occasione
praemissorum, per injuriam ecclesiasticorum judicum seu executorum aliquorum,
seu alias, vel alius aliquis ipsum comitem gravet et molestet indebite contra
jus et justitiam, et ipse comes paratus est et offert stare juri super
praemissis et aliis coram domino papa seu quocumque alio judice competenti, si
rex ipse aut alius contra eumdem comitem in aliquo voluerit experiri: ego
Johannes dictus Brantin, praenominatus, procurator ejusdem comitis, nomine
ipsius et pro ipso, sub testimonio praesentium 1855D virorum a me
ad hoc rogatorum, ipsum comitem, statum, sibi adhaerentes et suos, terram suam
et sibi subditos et sua, protectioni curiae romanae supponens, ad eamdem curiam
romanam appello seu provoco in hiis scriptis contra praedictum regem, et contra
quoscumque qui sua crediderint interesse, et contra judices seu executores et
alios injuriatores quoscumque, et si quis in praemissis aut aliis ipsum comitem,
sibi adhaerentes et suos, et sibi subditos in personis aut terris aut
possessionibus aut rebus suis vel aliis gravet, turbet, inquietet, molestet, aut
vexet, seu quodcumque faciat injuste vel indebito, in figura judicii vel extra,
in praejudicium ipsius comitis, sibi adhaerentium aut subditorum suorum, et
instanter apostolos peto et protestor de appellatione seu provocatione hujusmodi
facienda et innovanda 1856A loco et tempore, et prout fieri
debebit de jure. Et quia dominus comes praedictus, seu ego aut alius procurator,
seu ex parte ipsius aut pro ipso, propter metum ipsius regis et suorum qui in
constantem virum cadere debet, in praesentia ipsius regis aut suorum super
praemissis appellare seu provocare non possumus nec audemus, protestor nomine
quo supra de appellando seu provocando, et de renovando seu innovando
appellationem seu provocationem praedictas super hiis, et de notificando haec
ipsi regi, dum cessaverit hoc impedimentum, et dum commode facere poterimus, et
prout de jure fuerit faciendum. Cet acte d'appel, renouvelé à plusieurs reprises,
au mois de mars et au mois de mai, reçut l'adhésion des abbés de Saint-Pierre,
de Saint-Bavon, de Marchiennes, d'Eenhaem, de Saint-André, d'Oudenbourg, de
Grammont, des Dunes, d'Eeckhout, 1856B de Saint-Nicolas des Prés,
de Saint-Nicolas de Furnes, de Tronchiennes et de Ninove; des doyens de Bruges,
de Furnes, de Cassel, de Seclin, de Douay, de Courtray et d'Harlebeke; des
prévôts de Gand, de Thourout, de Watten, de Loo et d'Éversam . Une lettre du 22 juin 1297,
annonça au Pape que le comte de Flandre avait choisi Michel As Clokettes, Jean
Beck et Jean de Tronchiennes, pour soutenir cet appel. Gui de Dampierre se confiait dans l'alliance de
l'empereur Adolphe de Nassau et du roi d'Angleterre, Édouard
ler. Adolphe de Nassau lui écrivait le 31
août 1297. Adolphus, Dei gratia, Romanorum rex, semper 1856C augustus, spectabili viro, Gwidoni comiti Flandriae, fideli suo
karissimo, gratiam suam et omne bonum. Litteras sinceritatis tuae nostro culmini
noviter destinatas solita affectione recepimus, et contenta in eis pleno
concepimus intellectu. Sane scire te volumus quod super tuis turbationibus non
minus afficimur quam de nostris. Unde, licet rebellio aliquorum praecipuorum
imperii principum et machinationes eorum perversae, quibus crimine laesae
majestatis se polluere non formidant, desideriis nostris tibi celeriter
succurrendi contra regem Franciae hactenus obstiterint, et adhuc non mediocriter
impediunt nostrae propositum voluntatis, quod quidem sub fiducia fidelitatis
tibi praesentium serie declaramus, indubitanter tamen teneat tua fiducia quod
absque morae periculo, cum viribus armatorum quas admittet praesentis
necessitatis instantia, debeamus consolabiliter te videre, juxta quod nobilis
vir Johannes de Kuic, affinis noster dilectus, latius tibi poterit expedire, cui
statum praemissorum, et 1856D exinde nostram penitus expressimus
voluntatem. Juxta hoc siquidem volumus quod, spiritum consolationis et animum
fortitudinis assumens, amicos tuos et subditos debeas fiducialiter consolari,
sciturus certissime quod, si quos cum praedicto rege Franciae contigerit haberi
finales tractatus, tibi per omnia cavebimus, quantum possibile nobis erit. De
adventu etiam illustris Edwardi regis Anglorum nuper nobis fuerunt aliqua
intimata, cujus revera adjutorium tam nobis quam tibi crederetur plurimum
opportunum: qui sive veniat, quod multum nostris desideriis arridet, sive non,
quod satis esset contrarium votis nostris, de adjutorio tamen nostro
certitudinem omnimodam volumus te habere. Datum in Slectstad, II Kal.
septembris, regni nostri anno sexto. 1857A Adolphe de Nassau succomba dans la lutte contre
Albert d'Autriche, et Edouard Ier, qui s'était engagé à ne
point quitter les armes sans avoir vaincu Philippe le Bel, l'oublia pour
conclure une trêve, en acceptant Boniface VIII pour arbitre. Le sort de la
Flandre allait se décider à Rome. Philippe, fils de Gui, devenu prince italien,
et connu sous le nom de comte de Thiette, depuis qu'il avait épousé Mathilde de
Courtenay, s'y rendit sans délai, et il y fut bientôt rejoint par ses deux
frères, Robert de Béthune et Jean de Namur, qui avaient quitté la Flandre pour
défendre les intérêts de leur père près du pape. Boniface VIII,
avant de monter sur le siége pontifical, avait été, dans un célèbre procès
contre les 1857B usuriers d'Arras, l'avocat de la commune de
Bruges, qui, à l'occasion de son avénement, lui avait offert deux riches pièces
d'écarlate, pro honore suo quod fuerat advocatus causa
praedictae; et c'était également à
Boniface VIII, qui n'était alors que le cardinal Benoît Gaetani, que Gui de
Dampierre s'était adressé pour écarter Gui d'Avesnes de l'évêché de Liége, en
invoquant des sentiments de bienveillance et de protection qui ne lui avaient
jamais manqué. Mais la situation n'était plus la même au commencement
de 1298, et c'était au Pape, devenu l'allié de Philippe le Bel, qu'il fallait
faire accepter un acte d'appel, qui émanait d'un vassal armé contre son seigneur
suzerain. Rien n'est plus important que la série des pièces
1857C diplomatiques de cette époque relatives aux négociations de
Gui de Dampierre à Rome, et on nous saura quelque gré de les reproduire pour la
première fois d'une manière complète. Le 2 avril 1297 (v. st.),
Michel As Clokettes et Jacques Beck annoncent au comte de Flandre que le Pape
leur a fait bon accueil, en leur parlant de l'affection qu'il avait toujours eue
pour la maison de Flandre. En ce moment, Boniface VIII faisait assiéger le
château des Colonna, et multiplait les précautions pour se mettre à l'abri de
leurs tantatives. Très-chiers sires, nous Mikius, vo
chapelains, et Jaques Beck, vos clers, vous faisons assavoir que nos chiers et
amés sires mesire Philippes vos fiesus, 1857D conte de Thiette et
de Loreth, et madame la contesse se fame, estoient en court de Romme, quant je
Mikius venoie en ledite court, et avoient jà parlet à nostre sengneur le pape,
et principalement de vostre besoingne, de qui il avoit bonne response, et puis,
sire, que jou Mikius estoie venu, le meisme jour de me venue fui-ge en le
présence de nostre seigneur le pape et lui présentoie vos lettres, en la
presence doudi vostre amé fil et de maistre Jacquemon, vo clerck desusdi, et lui
monstroie par paroles, soulant chou que Dius le me ministra, vo
besoingne, qui moult bonnement me oï. Et me respondit moult avenanment, sir,
pour vous, et 1858A recitoit, sir, le grand affection et l'amour
qu'il avoit de lons tans à le maison de Flandre et à vous, et disoit que
bonement il feroit, se Diu plaist, que vos besoingnes revenroient en bon point,
puisque li estat des besoingnes des rois de France et d'Engleterre venroient en
sa main pour ordener. Et il ne cuide mie qu'il se doivent partir de lui sans
bonne pais, et moult bonement il se maintenoit, envers monseigneur Philippe
vostre fils. Et, très chier sire, nous visitames puis chest di tous les
cardenaus, et leur présentames vos lettres, et leur disimes vostre besoingne
pour vous, en reccomandans à eaus, dont chascun, à part lui, nous a moult
bonnement respondu pour vous, et nous ont promis de conserver vostre estat et
vostre honneur et le honneur de vostre maison de Flandre, à leur pooir, et,
devant che, les avoit vissités lidis vos chiers fis, qui nous dist que moult
convenable response il avoit d'eaus. Or doinst Dius que la besoingne vienne 1858B à bonne fin et honnerable, ensi comme nous en avoins grand
espéranche. Et, très-chiers sirs, sachiez que mesir Philippe, vosdis fius,
s'estoit partis de court, quand ces lettres furent faites, avoec le duc de
Calabre, fil au roy Charles, qui estoit venus à court au mandement le pape, et
est retournés en ses païs, et revenra aussitost qu'il saura les novèles de la
venue de nos seigneurs, qui pour vous venront à court. Et on ne savoit encore
auquel liu li court sera en estei. Et il convient, sire, que chil qui viènent de
par vous viègnent bien enfourmei et bien pourveu; car pour le partie adverse
venront moult grand gent. Et, sire, savoir devés que li cours de Romme est moult
désirans et qui besoingner vielt, il convient qu'il fache moult de
dons, de promesses et de obligations, et meismement en teil besoingne qui si
grans est que vous savés, en laquèle il ne convient mie, quand à ore,
espargnier. Et nous avons pourvus, sire, pour vous en la court les miudres
advocas de le court, mais grandement 1858C voelent estre servi de
leur saleire; non pourquand nous les avons retenus. Et boin est que vous envoiés
à court les transcripts de toutes convenances et de tous les priviléges dont vos
volés aidier, escriptes par mains de tabellions publics. Et d'endroit les apiaus
qui fait furent, sire, pour vous et pour les vos, ai-jou Jaques Beck vos clers,
envoiés pluiseurs lettres à vous baillées par pluiseurs mésages, ch'est assavoir
par Gérard Hac, qui est de vo terre d'Alost, et par Jean Denis de Lille. Et dou
remanant vous ai-je escript comment li papes l'a retenu en parties, spéciaument
les apiaus encontre le roy de France, pour ordener, et comment il a commist la
besoigne encontre le archevesque de Rains et le évesque de Senlis à monseigneur
Gérard de Parme, cardenal, et bon est, sire, s'il vous plaist, que on face faire
les citations par les juges des apiaus, qui là sont pour perpétuer leur
juridictions, comment que la besoigne voise, et il ont pooir de 1858D vous rasaure à cautèle et cheaus qui à vos apiaus se tiennent.
Et, très-chières sire, li estas et les novèles de court, quand à ore, sont teus
que nostres sires li papes fait continuer sa guerre contre les Colompnois, et
estoit encore ses os
devant un castel, que on apièle la Colompne, et il se tient plus continuellement
sour se warde qu'il ne soloit, et se fait moult près warder et pau ist, mais à le fie fait-il célébrer en sa capelle, et là se fait moult
grandement warder. Et on dist, sire, que Frédris, qui encore tient Sesile, a
fait moult grand armée de galées, et à l'encontre li rois Charles et li dux et
li princes si fil ont fait et font ausi grand armée, 1859A pour
coi on quide que grans wuerre sera entre eaus en ches parties, se Nostre Sire
n'i met pais. Et encore est en court li évesques de Chaalons; mais mesire Jehans
d'Apremont, évesques, et il primichiers de Verdun se sont parti de court. Et
nostre sires li pape a fait moult de nouvèles constitutions, ensi, très-chiers
sires, que je vous ai autrefois escript. Et, très-chiers sires, voelliés estre
avertis que la court soit si pourveue que par défaute de pourvéance autres
défautes n'aveignent; car à che sera grandement vos honneurs et li avancemens de
vos besoingnes. Et miels vaut que on manche un pau dou sien en
aventure que on perde le grand pour le petit. Et nous avons fait assavoir par
lettres à no très-chier seigneur monseigneur Robert, vostre fil, que, se chis
mésages lui venist à devant, que il ouvrist ches lettres et les leust et
reclausist sour son seel, et sour che, sire, vous fesist assavoir sa volontei.
Sire, s'il vous 1859B plaist, vostre volontei nous mandés, et
nous sommes prest de le faire. Et Nostre Sire vous soustiene en bonne et longe
vie, à honneur et joie, et vous ward à l'âme et au cors. Donnei à Rome, II jours
el mois d'avril. Dans une lettre écrite dix-huit jours après, Michel As Clokettes et
Jacques Beck pressent l'arrivée de Robert de Béthune, et lui recommandent de ne
rien faire sans connaître exactement la situation des choses: Très chier sire, nous Mikieus As Clokètes, vo capelains, et Jaques
Beck, vos clerc, demorans en court de Rome, vous faissons assavoir que nous, le
mardi en Pasqueres, envoiames un message vers no trés haut et trés chier
signeur, men signeur le conte, vo très amé signeur et père, par lequeil nous li
faissons savoir le estat et les novèles de court 1859C de Rome.
Et li baillames lettres pour vous baillier et pour vous enformeir de ce que nous
faissons savoir à nodit très haut signeur. Et sachiés, cher sire, que li papes
et autre vo ami se marvellent assés que nus de vos messages n'est encore à
destant de vous venus en court pour enformeir et aviser de la vostre volentei.
Et nous n'avons encore nul osteal retenu pour vous, et pour vostre gent à Rome,
ne en autre lieu, ne nulle porvéance faite: car nous ne poons savoir où la court
sera, ou à Rome ou ailleurs. Nepourquant avons-nous fait no pooir del savoir; et
nous dist-on que, en quiel queconque lieu que li court sera, li papes fera
pourvoir as parties de la besoigne pour quoi vous venez de osteus à sen
ordenance: et autre response ne poons encore avoir fors que ensi en général. Et
pour ce, sire, s'il vous plaist, est-il bon que vous envoiés à devant vous un
message, VIII jours ou X, pour noncier sour ce et sour autres choses vostre
volentei. 1859D Et si vous fuissiés si près comme à Gêne, et vous
vousissiés repouseir pour un pau de tens, nous venrièmes à vous, ou li uns de
nous, pour dire de ces besoignes, à l'avis que nous porrons avoir que à faire en
est: car il ne se fait mie bon soudainement traire en court. Et nous créons que
nient plus de certainne response n'ont cil qui sont et ont estei en court pour
les messages des rois. Et sour ce, nous faites assavoir, s'il vous plaist,
vostre volentei et vostre comandement. Et, sire, se vous volez reposeir à Gêne,
ainsi que dist est, plaise vous de prendre vostre repos ès maisons de ceaus de
le compagnie de Restorrimente, et faite demander doudit Restor et de Truphin,
qui sont chief de le compagnie, et qui moult se sont offert pour vous aisier
1860A et honoreir. Et Nostre Sire vous soutienne en bonne et
longue vie, à honneur et joie, et vous wart à l'ame et à corps. Donné à Rome, XX
jours en mois d'avril. Dès que Robert de Béthune et Jean de Namur
eurent rejoint à Rome Philippe de Thiette, ils adressèrent au pape un mémoire où
ils réclamaient la liberté de leur soeur, et celle du sire de Blanmont et des
autres prisonniers faits à la bataille de Furnes, qui eussent dû être relâchés
d'après une clause de la trêve du 31 janvier 1297 (v. st.). Ils insistaient principalement
surl'importance qu'avait pour la Flandre l'alliance de l'Angleterre. Sanctitati vestrae supplicant devoti vestri, Robertus primogenitus,
Philippus et Johannes filii nobilis viri comitis Flandriae, quatinus honorem et
statum 1860B ipsius comitis conservantes, de quo in vobis
incommutabiliter confidunt, causam ipsius contra regem Francorum, cum ea
celeritate, qua fieri poterit, terminare velitis, et securitatem in pace vivendi
procuretis eidem. Et, si res ad praesens terminari non valeat, supplicant ex
nunc sibi restitui filiam suam quam rex detinet, et incarceratos et captos quos
rex detinet, scilicet dominum de Blanmont et alios, occasione guerrae dicti
comitis, liberari secundum formam conventionis habitae in concessione treugarum
seu induciarum inter ipsum regem et regem Angliae, et sibi confoederatos et
adhaerentes, saltem durantibus treugis. Item supplicant super
sententiis excommunicationis et interdicti, quae de facto latae sunt contra
comitem, universitates et singulares personas eidem adhaerentes, paterna
benignitate provideri ut revocentur, quatinus de facto processerunt, vel saltem
quod omnia sint in eo statu in quo erant tempore 1860C appellationum ad vos emissarum; ita etiam quod praelati, non
obstantibus dictis sententiis, admittantur ad praesentandum, et clerici et
personae ecclesiasticae ad beneficia et dignitates et ad ordines, et ad caetera
omnia agenda et facienda recipiantur, et facere possint tam laici quam clerici,
in judicio et extra, praecipue cum dictas excommunicationum et interdicti
sententias nullas dixerint et dicant, quae facere et agere poterant ante dictas
sententias et appellationes emissas, et quod refutatis occasione
excommunicationis seu interdicti, post appellationes seu sententias praedictas,
praejudicium nullum fiat. Item supplicant ecclesiis et
ecclesiasticis personis sui comitatus comiti adhaerentibus provideri, ne
cogantur bona sua tribuere regi, in laesionem et destructionem ipsarum, cum rex
ipse et sui, insurgentes adversus comitem et terram suam, plures ecclesias et
sacra loca igne concremaverint et destruxerint 1860D per injuriam
et violentiam. Item sollicite provideri quod treugae serventur
comiti et suis, et quod attemptata adversus treugam praeteriti et futuri
temporis, cum restitutione dampnorum, occupatorum et ablatorum, et emendatione
injuriarum, in statum debitum reducantur, et super hoc executorem ydoneum
vestrum, vel plures, sibi concedi. Et quia quandiu rex tenebit illam partem
terrae comitis, quam per violentiam et injuste occupavit, parari non potest
comiti et suis treugarum seu induciarum securitas, supplicant quatinus terram
illam de manu regis in manu vestra poni procuretis, donec negotium fuerit
terminatum. Pater sancte, devotus vester filius, comes
Flandriae, 1861A gravatur et laedetur in subsequentibus, si
matrimonium, quod inter filium regis Anglorum et filiam comitis Flandriae
sperabatur, ex conventionibus inter parentes habitis et jurejurando vallatis,
debere contrahi, non procedit. Magnum enim erat ei et generi suo, habere filium
regis Anglorum et regem futurum sibi affinem et amicum, et prolem regiam ex
matrimonio, et filiam reginam, de quo sperandum erat, Domino disponente. Item magnum erat ei et subditis suis, habere pacem et amicitiam inter
terram Angliae et Flandriae, inter quas frequenter fuit turbatio et guerra, cum
dampnoso personarum et rerum dispendio. Terrae enim vicinae sunt invicem, et
frequenter consueverunt habere communionem negotiationis et commercii, praecipue
lanarum de Anglia et pannorum de Flandria, et aliarum rerum infinitarum quae
inveniri consueverunt utrobique. Et quia patria Flandrensis haec et alia plura
commoda ex dicto matrimonio 1861B sibi profutura sentiebat,
obligavit se ad dandum ducenta milia librarum turonensium, quae rex Angliae
habere debebat sub ea conditione, si matrimonium procederet. Et erat res ad hoc
disposita, quod comes de suo nichil dare deberet pro matrimonio praedicto.
Postmodum ex causa convenit inter regem Anglorum et comitem praedictum, quod rex
praedicta ducenta milia librarum comiti dedit, et jus quod in ais habebat cessit
eidem. Quae omnia comes amisit si matrimonium non procedit, nec alias fuerunt
obligati illi de patria ad dandum, nisi sub ea conditione, si matrimonium
procederet. Quae conditio matrimonii si deficiat, Pater sanctissime, sicut
scitis praecedentia dampna, etiam alia subsequentur. Haec
autem, Pater sanctissime, ad informationem vestram ostendunt devoti vestri filii
comitis, ut comitis in hoc negotio sentiatis dampnum et jacturam . 1861C Une lettre de Gui de Dampierre, écrite au château de Peteghem.
le 23 juillet 1298. donne des détails pleins d'intérêt sur ce qui se passant
alors en Flandre: Guis, cuens de Flandre et marchis de Namur, à
ses chiers et ameis fius Robert, Philippe et Jehan, 1862A demourans en le court de Roume, salut et amour de père. Sachiés,
chier fil, ke as octaves de Saint-Pière et Saint-Pol nous recheumes vos lettres
en Pethenghem, ke vous nous envoiastes, et entendimes diligeanment che ke eles
contenoient: premièrement, de vo estat; en apres, comment li apostoles vous
rechent honnoravlement et courtoisement, à vo entrée, quant vous li fesistes
reverense, et à l'autre fois, quant vous li monstrastes nos besoignes et nos
nécessités, pour lesquèles vous y estes venut: dont nous loons Diu, en priant
k'il vous doinst, sour che commenchement, boin moyen et milleur fin, par quoi,
nos besoignes délivrées à se sainte volenté, vous puissiés retourner à joie et à
honneur. De nostre estat vous faisoms-nous savoir ke nous
estièmes en resenavle point de le santei dou cors, quant ches lettres furent
données; mais de cuer mout estièmes greviet, et sommes souvent, et priessei pour
les griés, les despis et les damages 1862B ke les gens le roi de
Franche font à nos et à no gens, k'il molestent et travaillent chascun jour, en
faisant et venant contre le teneur de la souffranche ordenée et jurée par les II
rois en pluseurs cas, et sour che point spéciaument en le souffranche expressei,
ki tient se tiègne: car nos houmes et leur biens, qui
devant leditte souffranche ne furent pris, saisi ne arriestei, ne durant le
souffranche dusques à hore, il arriestent, saisissent et prendent en plusieurs
lius, à volentei et sans raison, et dient, puis k'il tiènent les chiefs-lius des
castelleries, si comme de Bruges et de Courtray, il voelent avoir et tenir tout
che ki ésdittes castèleries est hors des forterèches, qui prises ne furent en
tans de wière, et voelent afermer et maintenir par leur legistres, ke li membre doivent suiwir le chief. Laquèle chose est
apertement contre les paroles deseuredittes, escrites en le souffrance: ki tient se tiègne; et se il, par leur cavillations et plus
par leur forche, de che venissent à leur entente, ke ja n'aviegne, nous 1862C pierderiens à pau priès tout che ke remeis nous est ès castelleries de Bruges et de Courtray, et grant part ès
ballies d'Ippre et de Cassiel, qu'il nous ont mis en calenge. Et pour ches débas
acorder, qui trop nous appèrent damageus et périlleus, dont li doi mareschal,
mesire Simons de Melun, de par te roy de Franche, et mesire Joffrois de
Jenville, 1863A de par le roi d'Engletière, n'ont peut iestre en
acort, par le importunitei des Franchois qui nous sourquièrent de toutes pars,
non contrestant le souffrance jurée des II rois, et pendant le traitié des
besoignes devant le pape, il nous a convenut prendre journée, si comme par
forche et por pis eskiuwer, contre eaus, à Arras, as octaves de le Magdelaine.
Là nous devons avoir VI chevaliers et IIII clercs de par nous, et li autre tant
de chevaliers et de clercs par eaus, pour enfourmer lesdis marischians dou
droit. Laquel chose nous est moult griés, quant de che ki nos drois est, et
assés déclareis par le teneur de le souffrance, nient saisis, nient arriesteis
ne maiiés de par eaus dusques à hore . . . nous convient à forche et mettre en
déclaration de leur gens. Et dou débat de Rosnais, entre nous et nostre neveu de
Henau, oïes les raisons d'une part et
d'autre raportées par enqueste, li marescheaus le roy d'Engleterre, sire
Joffrois devantdit, a donnée sentence pour nous, et mesire Simons de Meleun,
marischaus 1863B d'autre part, a donnei sentence en descort pour
nostre neveu de Henau, lequele, par le auctoritei dou seigneur de Neele, qui
commandères et faisières
est de tous ches griés ke om nous fait, si comme entendut avoms, nos niés de
Henau met à exéqution à sen pooir, ensi ke se li doi marischal eussent donneit
sentence por lui et en acord. Et puis ches II sentences ensi donniées, nous,
pour mal eskiuwer, requesimes et offrimes ke les besoignes fussent en le main
des II marischiaus, liquel exploitassent ou liu, et fesissent prendre et lever
de par eaus toutes les rentes et les revenues, et les tenisent en sauve main,
dusques à tant ke drois en fust déclareis et sans préjudice de le partie ki
droit avoir i doit. Lequèle offre et requeste lidis mesire Simons et ses consaus
ne vorrent mie rechevoir, ains usent de leur sentence au content de mon signeur Goffrois devantdit et en no préjudice, et font à
Rosnais leur bans et leur mandemens, si k'il 1863C leur plest et
contre raison. Item, sachiés ke li évesques de Tournay, nos contraire à sen
pooir, non contrestant nos appiaus, dont juge sunt empétré et plait pendant sour
icheaus à Cambray, et ses sentences telles quèles fait publier et renouveler ès
églizes de Tournay, de Bruges et de Courtray, et ailleurs, si comme lui plaist,
en le diffamation de nous et des nos, et non mie sans escandèle de pluseurs:
laquèle chose nous est moult griés. Item, vous faisons-nous savoir, si comme
nous avons entendut, ke li rois de Franche fait prendre tous les biens des
personnes de sainte Eglise qui se tiènent à nous et à nos apiaus, par tout là où
il les puet avoir en ses destrois, et a jà fait saisir les fruis de cet aoust,
et cheaus qui mainent desous nous, quant il viènent ès destrois le roy, en prent
et emprisonne, por II chiuncismes k'on leur demande de tous leur biens, et pour
che k'il se tiènent à nos appiaus; et meesment, les bénéfices de nos clercs,
1863D de l'an présent et à venir, les gens le roy ont pris et
saisis, par quoi il n'en pucent goïr, jasoit che k'il aient, par no privilége ke
li pape nous a donné, gracie qu'il en puissent goïr en no serviche; mais
chevaleir ne leur puet coutre le forche le roy, qui ensi nous griève et
fourmaine de toutes pars. Cher fil, si vous mandoms, prioms et
volons ke de ches griés deseuredis et de mout d'autres que ke li 1864A rois et li évesques de Tournay font a nous et a no gent, en
pluseurs manières, vous enfourmés le pape, et en fachiés plainte à lui de par
nous, et li soupplyés ke par pitié et par droiture il i mette remède,
spéciaument contre le fait l'évesque de Tournay qu'il a en le main, pour
corriger et punir, douquel nous vous envoierons prochainement tout le prochès.
Et de ches griés ke li rois nous fait, parleis au comte de Savoie et à
monsigneur Othe de Gransson, et les enfourmeis comment on nous priesse contre
raison. Et à che travilliés ke vous les aiiés avoech vous, ou l'un de eaus,
quant vous en parlerés au pape. Dou prévost de Braine-le-lein vous mandons-nous
ke de s'accointance et son repair, puist k'il n'est en le gracie dou pape,
ouvreis sagement, par qoi en l'occoison de lui li papes ne puist de riens iestre
meus contre vous Item, chier fil, par cest message nous vous envoioms lettres à
le compagnie des Mages, par lesquèles vous prenderés en 1864B court IIIIm florins d'or. Et volentiers, se nous
peusciens, orendroit vous en envoissiens plus grant somme de monnoie; mais li
rois d'Engleterre nous a falli de XXVm libvres de tournois qu'il nous
doit de tans passei, dont no boine gent d'Yppre et de Douay, asquels nous sommes
obligié, devoient iestre payé, et pour l'occoison de ceste faute, il en sont
grevei et nous aussi. Et si avons nous no gent daleis le roy, qui, pour ce paiement avoir, out là-endroit awardé longhement et
awardent encore. Si nous samble boin ke li cuens de Savoie et mesire Othes de
Gransson sentent par vous ke nous sommes en anui et en damage, pour défaute de
ce paiement, lequel se no eussièmes à tans eut, vous fussiés plus largement
pourveut. Item, chier fil, de che ke vous n'avés mie baillié au pape nos lettres
ke vous emportastes, et ke vous iestes bien souvenant des paroles, ke nous vous
desimes au partir de nous, sour le matère dont ches lettres parlent, bien nous
plest, et n'avons mie encore no propos cangié 1864C de che ke
nous vous en desimes. Voirement, se li pape vous requiert de demorer et mettre
les besoignes sur lui, couvertement et sagement li respondés, et vous en passeis
sans lui mouvoir. S'ensi ne fust ke li rois de Franche del autre part ne se
mesist sour lui, adonc ne le poriés-vous mie refuser; mais, avant ke vous le
fesissiés, nous vorrièmes ke vous sentissiés de lui, par raisons et priieres
inductives, ke il nous sauveroit no yretage ke li rois a entrepris, et ke nous
ne fussièmes par lui fourmenei, ensi ke nous avons estei dusques à-hore. Item,
chier fil, des avenues de nos parties vous faisons-nous savoir ke li rois
Ayous d'Allemagne jadis, le second jour de julé, entre Mayenche et
Oppenem, fu desconfis et ochis en bataille dou duch Aubert d'Osteriche, et se
gent aussi. Et dient li pluseur ke lidis dus a grant faveur des éliseurs, et
tient-on k'll doie iestre rois d'Allemagne, et k'il aproche vers Ais, et trait
les gens dou pays 1864D à sen accord, et commenche à faire
allianches. Et pour che nous avoms jà envoié vers lui pour traiter et ordener
avoech lui amistei, selonc che ke boin samblera pour no pourfit au signeur de
Faukemont, ki de par nous i est aleis, selonc les avenues des besoignes ki sont
au tans de hore, et fumes fondei en partie sour le teneur d'une lettre le
signeur de Kuk, dont nous vous envoions chi-dedens le transcrit , et d'une autre lettre ke nos niés, li dus de 1865A Brebant, nous en envoia, liquels a envoié audit duch pour faire
alliance et amistié; et avons-nous et nosdis niés de Brebant sour cheste matère
envoié au roy d'Engleterre. Nonpourtant si n'avons-nous encore autre certain
entendut se il venra au royaume d'Allemagne; car jasoit che chose k'il ait, si
comme on dist, les esliseurs de sen acord, sans le duch de Bauwière et
l'archevesque de Trièves, si sanle-il à aucuns ki sont nient de raison, se li
pape se voet meller de ceste besoigne, k'il pora faire roy, ensi comme à se
volontei; car li archevesque de Couloigne et de Mayenche s'accorderont
plainement là où il vorra, che tiènent aucune gent. Et licuens de Savoie, ki en
court est présent, si comme nous entendons, est moult bien dou pape, et li sien
ont en aucun tans le pape moult honnourei et avanchié, quant il fu en meneur
estat: dont il sanle ke par ceste voie ki bien poroit avoir bonne fin, li pape
doie et puist les gens dou roy de Franche amener 1865B à raison.
De che volons-nous ke vous soyés avisei, pour plus discrètement aler avant en
vos besoignes. Ches lettres monstrés à Jehan de Menin et à vostre secreit
conseil; et soilés, pour nostre honneur et pour le vostre, songneus et diligent
en le poursuite de vos besoignes. Encore volons-nous que vous sachiés ke, par le
faute dou paiement dou roy d'Engleterre, ensi que vous poreis monstrer à ses
gens, il nous a convenut à Yppre et à Douway faire paiement à diverse manière de
gent, là ù nous estiémes obligié, et plus teneuement en iestes pourveu de
monnoie. Chier fil, nous vous faisons savoir ke, sour le point
ke ches lettres furent faites et li messages se devoit mettre en chemin, le
semmedi devant le Magdeleine, nous recheumes vos lettres à Gand, par lesquèles
vous nous aveis fait savoir comment dou pape vous aveis estei requis et priesset
à che ke vous mesissiés nos hesoignes en se main, et comment, 1865C oïe se requeste et entendues ses paroles, à le fie dures, à le
fie moles, et eut conseil sour che avoech les gens le roi d'Engleterre, et
délibération entre vos et vo conseil, et rewardées d'une part les raisons ki
vous mouvoient à che non faire, et del autre part les causes ki mouvoient et
devoient mouvoir, selonc l'estat dou tans et des besoignes ki ore sont, en le
fin vous iestes enclinei, pour le plus seure partie, à se volentei, et vous
iestes mis en lui de toutes nos besoignes, sauve nostre honneur et nostre estat,
et sauves les allianches faites entre nous et le roy d'Engleterre; et de che a
li pape fait faire un publike instrument. Laquel chose, puis ke ensi faire l'a
convenut, nous acceptons, pour pis eskiuwer, meesment pour che ke nous avons
aussi entendut ke les besoignes dou roy de France et d'Engleterre sont en se
main pour tout acorder; car, ensi ke nos besoignes sont et vont aujourd'hui,
nous n'arièmes pooir de vivre ne de 1865D durer. Si vous mandons,
chier fil, ke vous, pour nostre estat et nostre honneur sauver et maintenir, et
le vostre aussi, penseis, songniés et procurés, de nuit et de jour, par qoi
ceste besoigne ait bonne fin, ke Dius par se gracie nous otroie. Nous vous
envoions les II procurations saielées, et le lettre close au pape, ensi ke vous
les mandastes, sans rien avoir mis, ne ostei. Item, chier fil, dou mariage de
nostre fille au fil le roi d'Engleterre songniés et travilliés à vo pooir à che
k'il soit sauvies, ensi k'il est ordenei et formei entre nous et le roi
d'Engleterre; car, se autrement il en avenist, vous poeis veoir et savoir ke
nous pierderièmes CCm livres de tournois que nous devièmes donner
avoech 1866A no fille, lesquels li dis rois nous a pardonneis et
quiteis. Item, aiiés remembrance des
usures empétrer dou pape, ke li Crespinois d'Arras vorroient avoir de nous, se
nous restièmes en no estat, asquèles nous soumes si fort obligié ke vous saveis,
par qoi li pappe les nous relaist; et soient lidit Crespinois contemps de leur
costeit à venir à boin conte de che k'il ont eut dou no, et ke nous leur devons;
car, selonc che ke nos avons despendu en ceste guerre, nous n'arièmes pooir de
ches usures payer; et, si comme vos saveis, nous ne les devons mie payer de
raison. Item, chier fil, penseis se nous sommes de notre
yretage restavli, si ke nos seroms, se Diu plest, par qoi li pape nos pourvoie,
là nos trairièmes se li rois nous faisoit fort: par qoi matère de descorde et de
riote soit ostée entre nous et lui. Item, ke li rois ne nous ait pooir de
destraindre à che ke toutes monoies ne puissent courre en no tiere: 1866B mais ke eles ne soient pieurs de chèles ki sont faites au piet
de le monoie le roy, et ke nous puissiens nos monoies faites ès terres ke nous
tenons del empire faire courre, sans le contredit dou roy, par toute Flandre,
puis k'ele est aussi souffisans et plus ke li monnoie le roy. Item, chier fil,
ayés en remanbrance ke li privilége et les frankises ke nous avons données, ensi
comme par nécessitei, au tans de ceste wierre, à nos boines villes, pour aquerre
leur bénivolense, ki pau nous a valut, soient cassei, meesment en tous les poins
desdittes francises ki sont et seront trouvez contre droit et contre raison, par
qoi, pour l'occoison de cheaus, toute matère de discorde soit ostée entre neus
et nos hoirs et les boines villes devantdites Et sour toutes autres besoignes,
chier fil, soiiés diligent et curieus de imfourmer le pape et cheaus ki bien de
lui sont, par vous et vos amis, à che ke nos yretages nos soit sauvés. Item,
souviègne-vous de pourveoir, 1866C se faire le poeis, ke nous
puissiens faire en Flandre, en le partie dou royaume, monoie au piet de le
monoie le roy, et milleur, liquèle puist avoir son cours au royaume; car à no
grand damage, à tort et de lonc tans, si comme vous saveis, li rois nous a
cassei nostre monoie ke nous devoms avoir de no droit, ki cours ne pooit avoir
au royaume, par la forche le roy et le legièreté de se monoie. Encore vous
envoions-nous, par un autre escrit, griés ke nos gent nous ont fait savoir k'on
a fáit à nous et à no gent, chi-dedens enclos. Et sachiés ke mesire Joffrois de
Genville et Willaume vos frères et no gent ont requis au connestable et à cheaus
ki sont de par le roy, ke chil grief et pluseur autre ke nous ne vous envoions
mie, fait à nous et à no partie, fussent en sauve main des II mareschiaus ki le
triuwe doivent warder, duskes à dont ke li déclaration fust faite, là où il
deust demorer par droit, tant soit nos drois clers; mais 1866D nous n'en pooms finir, ains est refusei et prendent à suer, et
che meisme ke nous avièmes en no mains par-devant de le triuwe, de nos hommes ki
mauvaisement nous ont laissiés et se sont trait par-devers le roy, nous pierdoms
par le forche le roy, ki le fait prendre et lever apertement et les fait
retraire sour le leur. Item, n'ouvliiés mie ramentevoir au conte de Savoie et à
monsigneur Othe de Gransson, au traitié de ches besoignes, k'il avisent
l'apostoile, ke se li rois avoit plain piet de tière en Flandre, légier est
assavoir ke li remanans vaurroit pau à nos et à nos hoirs, quant il, as tant
k'il n'i avoit riens, et il ne nous haoit nient, ne devoit haïr, riens ne nous
pooit demorer; et 1867A sour cest article mesire Willaume de
Mortagne parla au comte de Savoie, desdont k'il fu en Flandre, si comme vous li
ramenteverés. Donnei à Pethenghiem, l'endemain de la
Magdeleine. Cette
lettre ne trouva plus Robert de Béthune à Rome. La mission qu'il avait reçue
avait été terminée, au mois de juin, par la sentence arbitrale du pape Boniface
VIII. On sait qu'en rétablissant la paix entre les rois de France et
d'Angleterre, elle annulait toutes les conventions relatives au mariage du
prince de Galles avec Philippine de Flandre, pour lui faire épouser une fille de
Philippe le Bel. Philippine de Dampierre mourut de douleur dans sa prison:
Isabelle de France devait la venger du parjure du jeune prince anglais, qui 1867B fut depuis le roi Édouard II. Boniface VIII
s'était fait remettre une déclaration par laquelle les fils du comte de Flandre
lui reconnaissaient le droit de prononcer souverainement sur leurs réclamations
et sur leurs griefs. Ils n'avaient osé la lui refuser, quoiqu'ils n'y
consentissent qu'à regret et pour éviter de plus grands malheurs, et, en ce
moment même, ils multipliaient leurs démarches près des ambassadeurs anglais,
pour qu'ils ne les abandonnassent point. Quatre lettres,
écrites à Rome, offrent sur ces négociations les détails les plus
complets. Dans la première, les fils du comte de Flandre
racontent comment, après avoir pris l'avis des 1867C ambassadeurs
anglais, ils ont consenti à se soumettre à l'arbitrage du Pape: Très-chiers sires, nous vous faisons savoir que le jour
Saint-Barnabé nous venimes devant le Pape, à relevée, à
sen commandement; et là furent les gens le roy d'Engleterre: c'est à savoir li
archevesques de Duvelines li évesques de
Winciestre, li cuens de Savoie, li cuens de Bar, mesires Ottes de Granson. Et nous
donames au pape l'escrit del information des griés que li roys de France vous
avoit fais, qu'il avoit oïe de nous. Et li monstrames encore un estrument
publique des paroles que li évesques d'Amiens et li évesques dou Puy avoient
apportei à vous à Courtray, ouquel estrument il est contenu que, après le dénuntiation que vous
aviés faite au roy de ce que vous vous teniés délivré et desloié de toute
obéissance et de toute subjection, il offrirent, de par le roy, à faire droit à
vous par vos pers des meffais que vous 1867D aviez meffais envers
le roy, ne n'i avoit mie contenu qu'ils vous offrissent droit à faire des griés
et des injures dont vous vous doliés dou roy, ne d'autre cose. Par quoi on
monstroit encore le durtei et le défaute dou roy. Et fu chis estrumens monstrés
au pape, al information de lui, pour ce que li message de France, par fauseté et
par mençoigne, quant ils virent que raisons ne leur pooit aidier, donnèrent à
entendre au pape que de toutes vos besoingnes 1868A li roys vous
avoit adiès offiert à faire droit par vos pers, et que vous l'avies adiès
refuset. De quoi li papes fu auques meus encontre vos besoingnes, tels fois fu
et en parla à auchuns cardenaus. Et nous li monstrames au contraire, et par le
devantdit estrument, que tant de raison n'aviés-vous mie trovei ou roy, que,
après ce qu'il vit que si grandement et en tant de cas vous vous plaingniés de
lui, il vous euist offert droit de ce, ne d'aultres coses. Et bien desimes au
pape que, ou fait que li roys vous grevoit d'estat et de honneur et de hiretage,
et si grandement que la cose appartenoit à le cognissance et au jugement de vos
pers, vous le requesistes humelement qu'il vous en fesist raison, et l'en
poursuivistes par maintes fois, et n'y trouvastes ne raison, ne mesure. Et puis
vous li demandastes le droit de vos pers; et ce, ne autre cose qui à droit ne à
raison appertenist, vous ne peuistes onques traire de lui, ne trouver, et en
avoit-il et ses consaus si grant indignation, et en 1868B prendoit si grant félonnie envers vous, que adiès vous faisoient
pis que devant. Li message le roy de France sont li archevesques de Nierbone, li
dux de Bourgoingne, li cuens de Saint-Pol, mesires Pières Flote, maistres Jehans
de Chevery, archediaques de Roem, et mestres Jehans de Menterolles , cantres
de Raims. Après, li apostoles nous mist avant une parole, et nous requist que vo
besoingne nous li mesissiens en main, et il i rewarderoit vo honneur et vo
estat, et dist que autrement il ne véoit mie qu'il vous peuist aidier. Et ce
faisoit-il pour ce qu'il peuist avoir entrée et voie de vous aidier encontre les
François. Sire ceste parole nous sanla de moult grant pois. Et nous li desimes
que li roys d'Engleterre et vous estiés par boine cause alloié, et que là
estoient se message, sans lesquels nous ne poiens, ne voliens, ne ne deviens
riens faire, et qu'il li pleuist que nous nous peuissiens consellier à eaus et à
nos 1868C gens qui estoient avoec nous. Et il le nous otria
jusques à l'endemain à le relevée. Le matinée, sire, nous venimes al hostel
l'archevesque de Duvelines, et monstrames à lui et as autres dou consel le roy
d'Engleterre le besoingne et ce qu'il en avoient oï, et leur requisimes consel,
comme à chiaus qui devoient estre tout un avoecques nous. Sour ce, sire, il se
consellirent à par eaus, et nous respondirent, sire, ne mie comme li consaus le
roy d'Engleterre, mais chascuns à par lui comme amis: que périlleuse cose estoit
dou faire le requeste l'apostole, et périlleuse dou laissier, et qu'il n'en
savoient que consellier pour le mius; et dist premiers li cuens de Savoie, pour
lui meismes, et tout li autre l'ensuiirent en ceste fourme: «Li roys de France,
qui priès de vous est, et a grant haine sour vous, et est poissans hom, a prins,
et tient pardevers lui, moult grant partie de vo terre, et cil qui demouré sont
avoecques vous, 1868D ne vous sont mie tous bien certain. Et vo
ami de dehors, si comme li dux de Brebant et li autre, sont bien kierkiet et
ensoingniet, et vous n'iestes mie moult warnis de gent, ne d'avoir. Et li roys
d'Engleterre, parmi ce qu'il a à faire en Escoche, en Gascoingne et en
Engleterre meismes, là où tous ne s'accordent mie bien à se volentei, ne se
partira jamais d'Engleterre, ne ne vous envoiera jamais, ne ne porra faire
secours tel qu'il vous 1869A «puist aidier, ne cil de Gand, ne de
vo pays ne recheveront jamais volentiers les Englès, Et se vous ne faites
le volentei l'apostole, vous perderés le graze de lui et de le court de Rome,
qui est grans cose et lequèle vous avez bien à tenir, et tout ce vous pora
tourner à grant meschief.» Ne plus ne nous vaurent dire, et tout ce
rewardons-nous en vo besoigne, et d'autre part grant péril peut avoir à mettre
si grant cose en volentei d'autrui. Sour ce nous partismes d'iaus, et euismes
consel des chevaliers et des clers que nous aviens adonc avoec nous. Et à
relevée nous venismes devant le pape, et li monstrames le grant fiance que vous
aviés en lui, et comment vous vous asseuriés bien de vo droit, et comment il
estoit en lieu de Dieu en terre, et souverains dou roy de France, en espirituel
et en temporel, et li demandames qu'il nous fesist droit contre le roy de
France. Et, pour droit avoir et droit faire, li offrimes-nous à mettre votre
besoigne en main, 1869B comme en main de juge et de souverain. Et
dist le parole Phelippes, nos frères, bien et biel. Li papes respondi tantost
tèle response, que c'estoit à lui mettre ou content contre le roi de France,
dont il n'estoit mie prins orendroit, mais bien estoit voir que souvrains
estoit-il dou roy de France, en espirituel et en temporel. Et ne li pleut mie
ceste response que nous feismes, et dist que nous n'estiens mie bien conselliet
d'ensi respondre, et nous dist encore que nous nous consellissiens mius, et que
nous nous consellissiens autrement, se nous quidiens que boin fust. Et dist
encore que, quelque nous desissiemmes, pour ce ne demouroit mie que il ne fesist
le pays entre les deux rois, et que l'aliance il desromperoit, et le pooit bien
faire. Et quant li roys et vous jurastes l'aliance, chascuns de vous se parjura
ce faisant, et li roys de France ausi, quant il le jura, et bien le dist à leur
mesages. Sour ce nous euismes encore consel as gens le roy 1869C d'Engletière; après nous euismes consel à vo gent et à le nostre
qui là estoient. Et a grant prière nous pourcachames délay dusques à l'endemain.
Et li papes le nous ottria à relevée l'endemain, c'est à savoir le venredi après
le jour Saint-Barnabé. Après nous assamblames vo consel avoec nous trois frères:
c'est à savoir le prévost de Losane, monseigneur Bassian, le seigneur
d'Escornay, monsr Gerart dou Verbos, le castellains de Douay,
monsr Jehan de Menin, monsr Gillon de Renne,
monsr Ponchart de Florence, monsr Watier de Ways,
monsr Robert de Lieurenghien, monseigneur Rasson Mulart, le prévost
de Biéthune, monsr Michel As Clokètes et maistre Jaque Bieck. Et
rewardames moult diligianment le besoingne, à grant mésaise et à grant meschief
de coer que nous estions. Et nous sanla tous que li menres perius estoit de
mettre toute le besoingne ou pape, sauve vostre honneur et vostre estat, comme
en le main de celui 1869D qui estoit en lieu de Dieu en tière, et
en le grant fiance que vous aviés en lui, et ou boin droit que vous aviés. Et ce
meisme nous loêrent li cuens de Savoie et mesire Ottes de Gransson, asquels nous
en parlames derechef, ce meisme jour devant mengier. Et ensi le fesimes-nous à
relevée, présens les gens le roy d'Engleterre qui deseure sont nommei, et par
leur otroy, et sauve l'aliance dou roy d'Engleterre et de vous, et présent
monseigneur G'érart de Parme et monsr Mathieu d'Aigue-Esparsse et
monsr Néapolion, cardenaus. Et dist li papes
moult larguement et de grant volentei, que 1870A vo droit et vo
honneur il vous warderoit, et là où drois vous fauroit, ou la cose scroit en
doute, il vous aideroit de se graze, et en toutes aultres manières à sen pooir,
et avant il vous donroit une ausi boine contei comme la vostre, ainsçois qu'il
le donnast au roy de France; car trop avoit de tière li roys de France. Et de
ces coses li papes a fait faire un publique estrument. Sachiés, sire, nous nous
aidons bien de Philippe no frère, et nous en aiderons encore mius, si Dieu
plaist. La seconde
lettre développe les motifs qui ont guidé Robert de Béthune et ses frères dans
la détermination qu'ils se sont vus réduits à prendre, sans pouvoir consulter
leur père. Sire, quant li papes nous mist avant que nous
mesissiens en se main vo besoigne, nous en fumes moult esbahi; car il convenoit
à force se requeste refuser ou otrier. Et pourquoi il le fesist boin refuser,
1870B nous et tous nos consaus rewardames les raisons qui
s'ensuient. Premiers, que grans perius estoit de mettre si grosse chose en
volentei d'autrui, se ne fust en homme de qui on se peuist assurer autant comme
de lui-meisme; après, que li papes vous estoit estraingnes hom, et tant savoit
que, s'il vous voloit grever, il saroit bien trouver cause et ocquison de quoi
il s'escuseroit et deffenderoit; après, que par lui vous et vos églises estiés
moult grevés, par les subventions et dismes qu'il avoit otriés au roy de France,
et le faveur ke il li avoit; après, que li papes, si com on dist, est uns hom
convoiteus, et que li roys sans comparison avoit plus grant pooir de lui servir
dou sien propre, et, s'il ne l'avoit, des biens des églises que vous. Et de
l'autre partie que nous devissiens ottrier se requeste, nous rewardames les
raisons que li cuens de Savoie et les gens le roi d'Engleterre nous misent
avant; c'est à savoir: le pooir 1870C le roy de France, et ce que
il vous estoit priés, et avoit par deviers lui et tournei encontre vous si grant
partie de vo tière et de vo gens que vous savés, et le grant coust qu'il vous
convenroit mettre à warnir les villes et les lieus qui vous sont demouré, et à
vous deffendre, le défaute de deniers et d'avoir pour tel wiêre maintenir, et
del aive dou roy d'Engleterre et del aive dou duch de Brebant et des Alemans, là
où il vous convenroit mettre plus grant mise que vous ne poriés soutenir, s'il
vous voloient encore aidier, le défaute dou roy d'Alemaingne que li papes
meismes nous dist bien que il le feroit tenir tout quoit, s'il s'en voloit
encore meller, et que li pape avoit, sicomme il nos dist, teus trois ou teus
quatre prélas en Allemaingne, dont chascuns, à par lui, aroit bon pooir de lui
ensonier, se li papes voloit. Et rewardames aussi que li papes disoit que tout
sans nous il feroit le pays entre les deux roys, et que vous tous seus demouriés
en le wière, et 1870D que cil de vo pays qui estoient demouré
avoeques vous, ne vous estoient mie tant bien certain, et que, se on fust alé
avant par voie de jugement on par arbitraige pour droit faire, si vous peuist li
papes moult grever, de quoi vous ne peuissiés estre adreciés. Nous rewardames
ausi le diffamation de vous, que on diroit que vous vous efforceriés de tenir en
esmeute toute le crestienté, et le couroue et le indignation dou pape, et que
vous aviés bien à faire et piècha aviés eu de sen dangier et de tenir sen grei
pour moult de causes, et pour une raison entre les autres que vous et vos
consaus 1871A savés bien, et là où li papes, s'il se mouvoit,
prenderoit assés tost occasion pour se wière qu'il maintient, et là où il
seroient trestous. Et rewardames ausi que, se auchune sentence d'escumuniement
ou d'entredit venist de par lui encontre vous, ou pour çou ke cils ke met se
besoigne en plait, comme clère ke ele soit, il est en aventaige, s'auchune des
sentences qui sont gietées fust approuvée. Nous rewardames ke cil de vo pays li
plus grans partie, fust tors, fust drois, prenderoient ocquison de partir de
vous; et se vous courciés le pape, vous ne sariés où traire pour confort. Et une
parole dist li sires d'Escornay, devant nous et devant tout no consel, quant il
se parti dou pays, li plus gros dou pays, et qui mius vous amoient et l'estat de
le tière, li disent en ceste manière: «Vous en alés à Roume, wardés que nous ne
retournés mie sans faire pays, quèle qu'ele soit, ou, se ce non, mesrrés estre
hounis.» Et si rewardames 1871B l'aloiance ke on porcache, et
pour le roi dou conte de Hollande encontre vous, si comme vos nos aveis mandé,
et tous li pays. Nous rewardames aussi que devant tout le boine gent, si comme
devant les cardenaus et les messages le roy d'Engleterre et nous et no consel,
il nous promist qu'il vous sauveroit vo honneur et vo estat, et rewardames que
par ces paroles il convenoit que vous reussiés toute vo tière, et en tel estat
que francement et paisivlement vous le peussiés tenir, et que riens ne vous fust
a nenri, par quoi il apparust que vous fuissiés de riens meffais contre le
roy. Et toutes raisons rewardées, les unes encontre les autres,
par le conseil de toute vo gent et des gens le roy d'Engleterre et de maistre
Gérard de Parme et maistre Mathieu d'Aigue-Esparsse, et par l'avis de nous trois
frères meismes, nous de coer courcié, quel sanlant que nous en feisiens devant
le pape, pour seu gré tenir, nous nous acordames à otrier le 1871C requeste le pape, comme en le mains périlleuse partie des deus;
car l'une ou l'autre nous convenoit-il prendre, et sans arrest, ne n'en peuismes
eschapper. Et volentiers euissiens eu tant de délai que nous en peuissiens avoir
envoié à vous, pour le grandeur de le besoingne; ma s en nulle manière nous n'i
peuismes avenir, ne que d'avoir respit une toute seule eure outre ce que nous
avons chi estei. Sire, nous avons livrei au pape no procuration pour vous; et
encore en veut-il avoir une autre pour plus grande seurté de le besoigne; car,
quant à lui, li soufist bien li procurations qui li est ballié; mais encore
veut-il avoir une selonc le transcrit que nous vous envoions enclos en ces
letres. Si i ferés mettre le date dou jour que vous ferés saieller cèle
procuration, et les nous envoierés sans délay. Et sachiés que pour ce ne demoura
mie ke le papes ne voist avant en le besogne, ce pendant, pour ordener et
terminer le besoigne, si comme il nous a dit. 1871D La troisième lettre,
rédigée en forme de mémoire, reproduit le récit de l'audience accordée par le
pape, le 25 juin 1298, aux fils du comte de Flandre, et les paroles prononcées
en leur nom, afin que Gui de Dampierre fût compris dans le traité de paix des
rois de France et d'Angleterre. L'an de l'incarnation mil deux
cens quatre vins dis-wit, merquedi, c'est asavoir l'endemain de le Nativetei
saint Jehan Baptiste, au matin, mesires Robers, ainsnés fils ou conte de
Flandres, mesires Phelippes et mesires Jehans de Namur, fil et message audit
conte, vinrent devant le pape, en se cambre à Sains-Pière, et amenèrent avoec
eaus le seigneur d'Escornay, le castellain de Douay, monsr 1872A Gérart dou Verbos, monsr Jehan de Menin et un
seigneur de loy que on appielle monsr Bassian, et i furent ausi
présent devant li pape li message le roy d'Engleterre: c'est à savoir l
archevesques de Duvelines, li évesques de Winciestre, li cuens de Savoie, li
cuens de Bar, mesires Ottes de Granson et mesires Hues de Vier. Et là furent
monstrées pour le conte de Flandres au pape, en le présence de toutes les
personnes devantdites, tels paroles: «Sire, pour ce que li cuens de Flandres n'a
peu droit avoir ne raison dou roy de France, et qu'il a tant esté fourmenés par
le roy, si est la cose à tel desconvenue et à tel meschief tournée, com il pert,
si chil qui chi sont ont le besoingne par vostre volenté, sauve le honneur et
l'estat dou conté et l'aliance qui est faite entre le roy d'Engleterre et lui,
de qui il ne se voelent partir, mise en vostre main, com en celui en qui il ont
fiance souverainement et avant tous, et vous l'avés emprinse. 1872B Or entendent, sire, que vous véés faire le pais entre le roy de
France et le roy d'Engleterre, sans le conte, ne eaus mettre ens à ore; laquèle
cose seroit trop griés au conte pour moult de raisons. Premièrement, que li
cuens s'en demourast en le wière, et fust afoiblis de tèle aiuwe et de tèle
aliance comme dou roy d'Engleterre, liquèle a esté faite et jurée par boinne
cause et par boinne raison, et encontre celui qui droit, ne raison n'a volu
faire. Après, sire, pour ce que li triuwe a esté prinse entre les deus roys, et
se pais est entre eaus, il sera à douter que li roys de France ne tiègne nulle
triuwe au conte, car il ne li a nulle en convent, mais au roy d'Engleterre, sans
plus pour lui et pour ses aloiés; et, se pais est, dont n'a li triuwe nul lieu,
et parmi tout ce que li triuwe dure encore, et que li roys d'Engleterre se melle
pour faire tenir, si l'enfraint li roys de France et se se gent, tous les jours
et en moult de cas, que on poet clerment monstrer. 1872C Après,
sire, se li cuens demeure hors de le pays, cil de se pays qui à lui se tiènent
s'en poront desconsentir et descourager. Cil ausi qui n'ont mie le coer bien
ferme avoec le conte, poront prendre coer d'iaus tourner contre lui, et meisment
cil qui, avant que li wière apparust, eurent traitiet et convenence au roy, et
prisent lettres de lui, si comme il vous a esté autrefois monstre. Et avoec tout
ce, sire, si sera-ce grans diffamations et grans laidure au conte, et mains l'en
priseront et douteront se anemi; et porra li cuens chaïr en grant péril. Et
quant li cuens vous voet de tout obéir, li roys de France, qui droit ne veut
prendre par devant vous, ne ne se veut mettre on vous, ne par mise, ne par
composition, ne par ordenance, ne par traitiet, ne doit mie porter tel avantage
dont li cuens fuisse chaïr en si grant peril ne en si grant meschief de sa
besoingne. Se vous prient et requièrent que vous, en qui li 1872D cuens et il ont toute leur fiance, i metiés tèle remède et tel
consel qu'il affiert; car, sire, le pais ne refusent-il mie, ne ne voellent
empeschier; mais il prient que leur pais soit faite avoec le pais le roy
d'Engleterre, et qu'il ne demeurent mie sans lui en le wière, pour raison
devantdite; car, sire, se vous faisiés le pais des deux roys, se convenroit-il
que li roys d'Engleterre s'en mellast de le wière, et aidast le conte encontre
le roy, à cui il aroit fait pais, comme aloiés le conte. Et à vous, segneur, qui
estes de par le roy d'Engleterre, requièrent-il que vous parliés à no saintpère
qu'il face nostre requeste, et que no pais soit faite avoec le vostre, et que
vous ne voelliés mie que nous seriens desevré de vous; car de vous nous ne
volons mie partir, ne de l'aliance qui est entre le roy et monseigneur; ains
l'avons 1873A expresséement retenue en le mise à tous jours, et
tant soit-il ensi que nous vous otriames à faire mise, pour ce ne vous
otriames-no mie à faire, ne à prendre pais sans nous, et à nous laissier en le
wier. Laquèle cose de faire pais sans nous, vous ne poés, ne ne devés faire, par
le raison des convenences qui sont en l'aliance. Et vous requérons encore qui
nous tiegniés le convenance le roy, à warder le sien honneur et le vostre, tel
gent que vous estes.» Ces paroles dites, li archevesques de Duvelines dist au
pape: «Sire, nous vous prions que vous faciés no pais avoec le pais le conte,»
et li autres l'ensuivirent. Aprères ces paroles, li papes s'esmeut à se volenté,
et dist que pour ce il ne laroit mie à faire le pais entre les deus roys. La
quatrième lettre, qui retrace également les efforts tentés près de Boniface
VIII, nous apprend 1873B qu'ils ont été stériles: elle annonce en
effet, par quelques mots ajoutés à la hâte, que le pape a prononcé au palais de
Saint-Pierre la sentence d'arbitrage qu'il a refusé d'ajourner plus
longtemps. Très chiers sires, nous Robers, Phelippes et Jerhans
vo fil, vous faisons savoir pour vérité et pour certain, que l'endemain dou jour
de le Nativitet saint Jehan-Baptiste nous fumes avoecques les gens le roy
d'Engleterre devant le pape, et li monstrames, pour ce que nous aviens entendu
que il entendoit à faire le pays entre le roy de France et le roy d'Engleterre,
sans vous mettre en le pays, les griés qui vous en poroient avenir, et li
priames que il ne le vausist mie faire, et qu'il li pleuist attendre dusques à
donc que li vostre pais fust apointé, et que les pais se fesisent toutes
ensanle, pour moult de raisons. Et requesimes as gens le roy d'Engleterre que à
ce il vausissent travellier, pour le honneur 1873C dou Roy et
d'iaus meismes, et pour le raison de vous: car tant fust-il ensi que nous
fuissiens assenti qu'il peuissent mettre leur besoingnes sour le pape, pour ce
ne leur otriames-nous mie que sans vous il fesissent pais, et vous laissassent
en le wière et ou débat, ainsçois leur contre-désires, et que tèle estoit li
obligations de l'aliance entre le roy et vous, liquèle fu faite dou roy et de
vous, pour vos drois à deffendre encontre le roy de France, de qui vous ne poiés
avoir eu droit. Li message le roy requisent illeuc au pape que leur pais et le
vostre il fesist tout ensanle. Li papes, nos paroles oïes, nous respondi dur, et
dist que nous estiens mal conseillet, et que, pour le contei de Flandres, il ne
lairoit mie à faire le pais des deux roys, et que le pais il feroit et
pronuncheroit entre eaus, et, se aucune cose i avoit encore à dire, qu'il diroit
en un autre tans, et le truwe de vous et des aloiés il feroit tenir, et de vo
besoigne il ne pronunceroit nient 1873D orendroit, car il
convenroit que par autre voie il vous aidast. Et dist encore, se nous nous
repentiens de ce que nous aviens mise vo besoigne sour 1874A lui,
il s'en osteroit volentiers de tant comme à vous, mais le pais des deux roys ne lairoit-il, ne ne targeroit
à faire pour nullui. Et tenés, sire, pour certain que li pais sera faite, dedens
ceste semaine où nous sommes, des deux roys. Si rewardés, sire, à vo pais et à
vos besoingnes, ensi que vous quiderés que boin sera, et ne vous esmouvés
de nouvielle que on vous die, qui d'autrui vous viègne que de nous; car nous
vous en ferons adiès savoir le vérité. Et meesmement avens espérance de bien
besoigner, mais aucun délay i sera, et pour Dieu, sire, pour ce ne laissiez mie
que vous ne nous envoiez les deux procurations que nous vous avons mandées, si
chier que vous avés vo besoingne et vo honneur, et le aive et le graze dou pape,
et ces procurations nous vous mandames par Ghiselin et Cambier, vos propres
messages, qui vos lettres nous apportèrent, et murent de Rome le jour de le
Nativité saint Jehan-Baptiste. Sire, celui jour de le 1874B Nativité, au soir, nous rechumes vos lettres que Micheles, nos
messagiers, nous apporta, qui parolent dou segneur de Saint-Venant, et d'autres
qui doivent estre venu ou avoir envoiet à Rome, pour diffamation de vous, et
pour grever chiaus qui avoeques vous se tiènent. Sachiez, sire, c'est une cose
qui ne fait mie moult à douter, selonc ce que nous entendons, et nous en serons
moult bien sour no warde: il i a bien venus gens
de Bruges, Graut Cant et Pol de le Walle: li castellains de Bergues est outre passés en Puille, et des autres
nous ne savons nient. Sire, pour lo haste de le besoingne des roys, nous ne vous
escrisons à ore autre cose, et ces coses, sire, faites savoir à medame et là ou
vous quiderés que boin soit. Sires, puis ke ces letres furent escrites duske à
lui, nous eumes consel d'atendre encore pour savoir quier li dis se joroeroit
des dois rois, lequel dit li papes le venredi matin ensuivant après, pronuncha
1874C en le manière qui est contenue en un escrit chi dedens
enclos. Sire, Nostres-Sires soit warde de
vous. Escrit à Rome le samedi vegille saint Pière et saint
Pol. Peut-être les
fils de Gui de Dampierre accusèrent-ils le comte de Savoie de les avoir secondés
avec trop peu de zèle. On leur reprocha du moins d'avoir fait entendre des
plaintes assez vives; et, comme ils voulaient rester fidèles à l'alliance
d'Edouard ler aussi longtemps qu'il y avait quelque espoir
de la conserver, ils crurent devoir démentir les paroles qui leur étaient
attribuées. Le lundi après le jour Saint-Piere et Saint-Pol
, à eure de viespres, mesires Robert de
Flandres, mesires Phelippes et messires Jehans de Namur, fil au conte de
Flandres, vinrent au palays 1874D de Sainte-Sabine, en l'ostel le
conte de Savoie, et parlèrent audit conte et al archevesque de Duvelines, à
monsr Otte de Gransson, et monseignr Hue 1875A de Vier, messages le roy d'Engleterre, en ceste fourme, et si fu
avoec eaus, des gens de Flandres, li sires de Escornay, li castellains de Douay,
et Jehans de Menin: «Seigneur, on nous a donnei à entendre que vous avés entendu
que auchunes dures paroles et estraingnes ont esté dites de nous et de no gens
encontre vous. Nous vous prions que vous ne le créé mie; car il n'est mie ensi,
ne talent, ne volentei n'en avons eu, ne se arons. Voirs est que li papes a
prononchiet un dit entre le roy de France et le roy d'Englettere, ensi que vous
savés, où il a auchune durté encontre nous: encontre le dit nous ne disons
nient. Bien avons espérance que li cose venra à bien al aive de Dieu et parmi le
boin droict que nous avons. Vous savés les aloiances et les convenances qui sont
entre le roy et monsr
de Flandres. Nuls descors n'en a estet, ne mise faite, et là n'appartient nuls
dis. Nous créons certainement et avons bien fiance que li roys les tenra pour se
loiauté et pour 1875B se honneur, et ce li priera et requerra
adiés mesires. Et nous vous prions que vous i metiés vo aive et vo boin conseil,
et que là où vous porés vous nous voelliés tenir boni lieu. Et ensi
vauriens-nous faire à vous, là où nous ariens le pooir comme à nos boins amis.»
Et il respondirent qu'il le feroient volentiers, et pourcaceroient à leur pooir
le bien le conte et désirant en estoient de boin ceer, et que encore n'estoit
mie par le dit li besoingne mise à se fin. La sentence arbitrale du pape ne renfermait
aucune réserve en faveur du comte de Flandre. Dans une
bulle séparée et fort courte, le Pape s'etait borné à proroger les délais de
l'appel interjeté par Gui de Dampierre, afin de pouvoir poursuivre plus tard
l'aplanissement des difficultés. Cette bulle 1875C était ainsi
conçue: Bonifacius episcopus, etc. Dudum inter karissimum in
Christo filium nostrum Philippum, regem Francorum illustrem, ex parte una, et
dilectum filium nobilem virum Guidonem, comitem Flandriae ex altera, super
certis articulis dissentionis materïa, litibus etiam et contestationibus
exortis, plures appellationes pro parte ipsius comitis et ei adhaerentium
fuerunt occasione hujusmodi ad sedem apostolicam interjectae. Nos autem certis
ex causis quae ad id rationabiliter nos inducunt, volumus ut hujusmodi
appellantibus tempora prosequendarum appellationum et juris statuta non currant,
et quod omnia super quibus appellatum est, et illa contingentia, in eo in quo
nunc sunt statu consistant, donec super hiis aliud duxerimus ordinandum. La mission de Robert de
Béthune et de Jean de 1875D Namur était terminée. Tandis que
Philippe de Thiette se rendait dans le midi de l'Italie, espérant encore de
pouvoir servir la cause de son pére en se rendant utile à celle du pape contre
Frédéric d'Aragon, ils reprirent tristement la route de la Flandre, Ils avaient
épuisé toutes sommes qui 1876A leur avaient été confiées, et ie
30 juillet, afin de suffire aux frais de leur voyage, et au payement de quelques
dettes qu'ils avanient laissées à Rome, ils recoururent à Florence à un emprunt
de 4,000 florins d'or, que Gui Bardi, qui s'intitulait chevalier aussi bien que
les Louchard d'Arras, leur avança à l'intérêt de 4 p. 0/0 par mois. Une fièvre
ardente, résultat des inquiétudes et des fatigues, avait saisi Robert de
Béthune: à peine parvint il à traverser les gorges du Mont-Saint-Bernard et à
atteindre Lausanne, où il dicta, le 27 aoû, son testament. La
lettre suivante fut écrite à Lausane par Robert de Béthune: il annonce à son
père sa maladie et les retards qu éprouve son retour en Flandre: A très-haut, très-noble et très-poissant sen très-chier seigneur et
père, Guy, conte de Flandre et marchis de Namur, Robers, ses aisnés fils, salut
amour et obéissance de fil. Très-chiers sires, autre fois avons
fait demouree ou chemin de venir à vous plus longe que nous ne quidiens par le
maladie de nous et de no frère, qui est, benois soit Diex, tout nètement waris,
et je meismes en estoie en assés bon point; or, me reprist, cest mercredi qui
passés est, entrens que je passoie le Mont-Saint Bernart et avoie geut à Aoste
et vinc gésir a Saint-Brantier, une fièvre qui adieès puis m'a tenu aigrement
double tiertène, si que je ne me puis partir de Losane, là où je sui, dusques
adonc que Diex me ara mis en autre estat. D'autre part, chier sire, au partir de
Rome mestre Jaquèmes, Bieck nous kierka deus lettres de vos appiaus, lesquèles
nous fesimes warder pour apporter à vous. 1876C Faites, s'il vous
plaist, rewarder à vo consel, parquoi vous en usés avant que li mois d'octembre
commence, si vous n'avés usé d'autre lettre sanlant à ceste, ou qu'il doive
soufire à vos besoingnes, ou ce non, desdont en avant vous ne vous en poés
aidier, ne del appiel, quant à ces lettres, pour lettrespas de l'année dont
lesdites lettres parolent en le date. Et nous le vous envoions en haste,
pourceque nous ne porons mie venir à vous si tost que nous aviens en pensée.
Sire, si emparlés tost à vo consel. Sire, nous entendons par chiaus qui viènent
de le cour de Rome, et qui murent puis que nous en partismes, que pays est entre
le roy de Sécille et Frédéri d'Arragone, mais nous ne savons mie le certaine
fourme comment. Le 6 septembre, Robert de Béthune et Jean de Namur étaient arrivés à
Besançon, où ils se virent de nouveau réduits à un emprunt. Peu de jours 1876D ils, adressaient de Baume à Jacques Beck et à Michel As
Clokettes, qui étaient restés à Rome, une lettre que nous croyons devoir
reproduire: Robers, aisnés filz le conte de Flandres, et Jehans, sires de Namur,
fils audit cout, à leurs boins maistre Jaque Bieck et mons Michiel As Clokètes,
1877A demourans en le cour de Rome pour ledit conte, salut et
boine amour. Nous vous envoions, adjoint à ces lettres, le
transerit d'une lettre que Jehans de Menin, chevaliers, rechut de no chier
segneur et pére devantdit, à Plaisence, èsquèles lettres vous verrés et voires
est, qu'il a plusieurs coses qui portent grant grief à monseigneur, et dont il
est grans mestiers que li ententions no saint-père le pape soit seue et
manifestée et wardée, et que li évesque de Vincense, ou autres hom souffissans,
soit tost ou pays, por faire tenir le truwe ou le soufrance, et pour faire
adrecier les entrepresures que on a fait et fera al encontre, et pour mettre en
estat deu. Si vous mandons et prions que à monsegneur de Parme, à cui nous envoions lettres, et à nos autres
amis et au pape vous parlés et faites parler, et pourcachiés que il i mette
remède hastivement, car li cose est en grant meschief et en péril, et ne poet
longuement demourer 1877B ensi; et al information de vous, nous
vous ramentevons et mettons à mémoire sour les articles qui sont contenu es
devantdites lettres: premièrement, de le présentation des bénefices no
sains-pères li apostoles a ordené que les coses demeurent en pendant et sans
préjudice, dusques à dont que on porra veir comment on ira avant, et quel fin on
porra mettre à le question principal, qui est entre le roy et monsegneur, de
lequèle li papes par se grâce se veut entremettre. Or sanle-il, bien par raison
que sour ce li prélat ne doivent riens faire ou préjudice des présentations, et
de chiaus qui doivent présenter et de chiaus qui vauront présenter, et que li
volentés dou pape doit apparoir sour ce par se bulle, et que sour ce ait-on
exécuteur de par lui, ou autrement li prélat aront cause de non savoir le
volenté dou pape sour ce. Item, d'endroit les aires de chiaus qui ne se sont
rendu au roy et se sont tenu avoec no chier segneur et père, et de leurs biens
qu'il ont 1877C tenu en le obéissance de no chier segneur, devant
les truwes, c'est apperte oevre que cil de Franche font contre le truwe ou
contre le soufrance, et de oe qu'il veulent dire que, puisqu'il ont Bruges et
Courtray ou autres boines villes en Flandres, il doivent avoir le castélerie et
le pays entour, come les membres sivans au chief, il ont tort qui ce dient et
troevent ocquisons cavilleuses, qui ne sont mie fondées en raison, comment il
puissent aler contre le truwe et faire fraude as convenences de le truwe, car
voirs est, et vous savés, Bruges est une ville francie par les anchisseurs no
chier segneur ut père, et par monsegneur meismes, dedens les certaines bonnes
qui i sont, il a eschievins et administreurs qui hors des bonnes n'ont ne
cognissance, ne jugement, ne administration, no pooir nul, ne de riens ne
représentent le université dou pays dehors, ne de leur cors ne sont, ne obligier
ne les poent, ne faire fait ne meffait dont il soient tenu, et, s'il se
rendirent au roy par leur malice ou de leur volenté, 1877D ce ne
touke riens à chiaus de dehors, et pour ce n'a riens li roys conquis sour chiaus
qui ne se sont rendu ou trait à le partie le roy, ne à monsegneur cui li ville
est et li pays, sans qui s'en il ont fait accort au roy, et qui n'estoient mie
en lieu le comte, ne pooir n'avoient de riens faire ou nom dou conte qui en sen
préjudice deuist estre, à cui il despleut ce que cil de Bruges en fisent, si
tost comme il le seut, et desplaira à tousjours. Et cil de la chastèlerie et dou
pays de Bruges sont uns autres cors, 1878A tous desevrés de
chiaus de Bruges, et ont eschievins à par eaus, et eschevinage et loy et
coustumes autres qui cil dedens. Et tout ensi est-il de Courtray et de Lille et
des autres villes et des chastèleries dehors. Et ces coses sont notores, et vous
les savés, qui estes dou pays, par quoi cil des chastèleries et dou pays dehors
ne doivent porter, ne sivir le fait de chiaus dedans les villes, et nient plus
que cil dedans le fait de chiaus dehors, car, ensi com dit est, il sont tout
d'autres conditions et d'autres loys li un as autres, et ont autres jugeurs et
autres administreurs. Item, dou fait de Rosnay, il oevrent encontre le truwe,
car mesires en fu saisis au commencement de le truwe, et encore puis que débat i
a entre les deux eswardeurs de le truwe, mesires a effiert et vauroit que la
cose fust tenue en main commune le débat durant, ne sour le segneur de Nielle il
ne s'est riens mis, ne ne vauroit mettre. Dou renouvèlement des sentences le
évasque de 1878B Tournay, il s'en deveroit bien soufrir le
question pendant. car, tout soit-il ensi que li papes en ait donné juges, se
convenra-il en le poursuite dou plait touchier et esmovoir le question principal
qui est entre le roy et monsegneur, et c'est encontre l'entention le pape, qui
veut que pour ceste cause nuls tans ne coure des appiaus. Et de ce, s'il
plaisoit au pape, seroit boin avoir se bulle et exécuteur, et nomméement de ce
que il constraint les appielans et les aherdans à renunchier as appiaus: laquel
cose est moult encontre le révérence et l'obéissance qu'il doit et a jurée à
l'église de Rome, et chis evesques a fait moult de outrages et fait tous les
jours, et tout ce fait-il sour le fiance dou roy, et dou grant avoir qu'il a
tolu et reubé en la terre de Flandres par se évesquié, et moult vauriens que on le peust troubler au pape, et que li
papes li donnast à soufrir, car il l'a bien désiervi. Item d'endroit les deus
cincquièmes que li roys veut avoir et les aires qu'il en fait, li ententions le
pape est que li 1878C roys ne les ait mie, ains soient paiet au
Temple. Se li papes voloit de ce donner lettres, par quoi no gens ne fuissent
mie destraint par le roy, ne par ses gens, qui sont leur anemi et li no, et
mander a no chier seigneur et père que vous et nous aidissiens ces exécuteurs à
ce faire lever par no pooir séculer, il feroit bien, et nous en feriens
apparliement le volenté dou pape. D'endroit le délivrance dou seigneur de
Blanmont et des autres quo on tient encontre le convenence de le truwe, pour le
roy d'Escoce, c'est une escusance qui n'est mie vraie, car dou roy d'Escoce ne
fu onques parlei, et si grosse cose et si notable comme dou roy d'Escoce ne doit
mie estre entendue en généraus paroles de le délivrance ou de le récréance des
prisonniers d'une part et d'autre. Pour Dieu, biau segneur, nous vous prions que vous soiés
soingneus de ces besoingnes et hastéement, car il en est besoins. D'autre part,
mesires nous a fait savoir que le crois 1878D de me dame, vous
mesire Mikiel, de certain, ou li uns de vous, avés racaté pour VIe
lb; il plairoit moult à monseigneur que pour mains vous le faciés, se estre
peut; si en rabatés ce que vous poés, et le faites savoir à monsegneur ce que
vous en arés fait. Encore nous a fait mesires savoir que nous saichons à vous
deus quel cose vous avés fait des deniers que li recheveurs a délivrei à vous,
mesire Michiel, puis que vous partistes ore darrainement de Flandres; si en
escrisiés à monsegneur entre vous deus 1879A ce que fait en est.
Segneur, vous savés que, un pau devant ce que nous partismes de Rome, nous
euismes consel as fréres prêcheurs des besoingnes qui sont encontre le roy. Là
fu rewardée li demande que mesires Baissans avait faite, et que li consaus de
Rome feroit ausi une autre demande, et que, avant que on entrast au plaist,
auchunes gens disoient que, de par monseigneur, on feroit une monition au roy
pour raison dou péchiet selonc les paroles del Evangile, qui sont contenues en
une décretale. De ce devoit maistres Jaques, c'est-à-dire maistre Jakes dou
Castel, faire un
escrit et mettre en escrit clèrement le prochiés et les paroles, et comment on
deveroit aler avant en cele monition, et prendés accort de consel se on ira
avant en cele monition, et comment et par qui, et de no prochiés ausi et de no
besoingne mesire Bietremius de Caple nous devoit envoier un escrit.
Prendés et aiés toutes ces coses en escrit, et le nous envoiés 1879B le plus tost que vous poés, et en retenés entre tans pardevers
vous, en aventure se li messages ne venoit à nous. Item, vous savez que de le
mise que nous avons faite ou pape, sauve le honneur et l'estat de monsegneur,
nous li donnames une procuration, et li papes en vaut avoir une autre qui
principaument parlast de le question monsegneur, et mesires sour ce nous a
envoiés II procurations, li une est qui especiament parole en le fin de le
teneur de le procuration, que mesires tient à grei et à estable ce que fait et
dusques à ore par nous, et est li date dou tans que elle fu saillée; li autres
procurations ne contient mie ces paroles, ains est toute simple, quant as autres
coses, sanlans à celi dont li date est dou tans de la
primeraine procuration qui fut baillé au pape et laissié au tabellion.
Conselliés-vous sour ces deus procurations, et donnés au pape celi qui mius li
venra à, grei, car mesire veut faire se volenté, et nous ausi à no peoir, et
faites que de 1879C cèle mise, vous aiés le instrument publique
qui faice espécial mention que, parmi ce qui li papes i doit sauver le honneur
et l'estat de monsegneur, li mise est faite en le personne de lui, et que li
papes l'a ensi rechut, et faites esclarcir, se vous poés comment il
l'entreprent, ou comme papes, en non de se dignité, par quoi li mise demourast
en le personne de sen successeur qui papes seroit, ou en le personne de lui
singulère, comme en monsegneur Bénédic . Segneur, pour Dieu
et pour pité, ensi que nous vous desimes au partir, les besoingnes que vous avés
entre mains, faites les amiavlement ensanle et par accort, et vous portés
ensanle boinement, si que il affiert al avanchement et à le seurtei des
besoingnes que vous avés entre mains et qui tous jours vous viènent et
croissent, et al honnesté de tel gent que vous estes et ensi créons-nous que
vous l'aiés fait et que vous le doiés faire en aprés, car, segneur, en trop
périlleuse main sont besoingnes 1879D de messages qui ne sont
d'accort, et, s'il i avoit auchune cose entre vous de quoi li uns ne se tenist
mie bien à paié de l'autre, faites le savoir à nous ou à l'un de nous, et nous i
mettrons tel remède de quoi vous vous tenrés à paié se tort n'avés. Encore vous
envoions-nous une lettre close qui va au pape de par monsegneurs, et une
procuration de par medame, et une lettre close qui va à no trère. Et encore vous
envoions-nous griés appiers et nouviaus, 1880A par lesquels il
appiert que les gens le roy de Franche ne tiènent nulle truwe, ne mie pour ce
que nous nous en plaignons encore au pape, mais pour ce que li papes envoie plus
tost ou pays pour faire tenir les truwes et adrecier les tors fais. Maistres
Alexandres de Gand moru à Fournoue le jour Saint-Lorent; ne porsivés nulle
pétition por lui, mais les autres poursivés et hastés à vo pooir. Et faites
savoir à monsegneur ou à nous ce que vous en arés fait des besoingnes
descuredites et d'autres et des nouvelles de court seurment. Si encore vous
faisons-nous savoir ke nous avons envoiiet une lettre de marchans de le
compagnie des Mages . . . . . . à leur compaignons demourans en le court de
Rome: lequele lettres . . . . mesires Guys de Bardes de Florence, chevalier,
doit percevoir ou faire percevoir à Rome, et que cele lettres nous devons avoir
IIIIm florins d'or. Dont nous vous mandons, mesire Mikiel, que vous
en prendés dusques à VIe lb., pour 1880B le crois
medame racater ensi ke mandé l'avés à nostre chier segneur et pére, se pour
mains ne poés faire, car se par mains le poés faire, il plairoit moult à nostre
chier segneur et père desusdis, si que mandé nous a, et ensi mandons-nous audit
monsigneur: mandés ke il le vous délivre et le remanant il détienne pour ce que
il nous a presté à Florence à autre fois pour nos despens faire. Encore vous
envoions-nous un transcript d'une lettre lequelle nos chiers sires et pères nous
envoie li argent à nostre segneur Gérart de Parme: car li reis de France, par le
convenanche de le truwe, poet faire alloiance à nullui le truwe durant, et non
pour quant li rois de France s'est de noviel aloiés à no neveu le conte de
Hollande, si que vous
poiés voir par les lettres dessusdites. Et ensi apiertil ke li rois ne warde ne
foi, ne letres, ne trièves, si que vous ferés dire audit mesigneur Gérart et
monstrer, et nous li prions moult à croire ke il ces 1880C veul
oïr: si nous faites savoir response de tout. Item nous vous demandons ke vous
faites faire une citation et fourmer cele aparement, s'ensi, est ke il convienne
le rois de Franche ajourner. Et pour Diu, tout ausi tost que vous savés ou porés
savoir le response dou roi ke il ara fait au pape, si le nous faites savoir sans
délai. Et Dix vo gart. Escript à Baume le mardi après la nativité Nostre-Dame et délivrés le plus tot
ke vous porrés les mesages, car Malis a à faire à Boulonne le Crasse, si k'a il
dit. Nous avons vu Robert de Béthune se rendre, après la sentence du Pape,
au palais de Sainte-Sabine, pour déclarer aux ambassadeurs anglais qu'il espère
encore qu'Édouard Ier remplira ses engagements. Gui de
Dampierre, à son exemple, tente un nouvel effort près du roi d'Angleterre, en
qui, 1880D comme il le dit lui-même, il place ses dernières
espérances. A très-haut et très-poisçant prince, son très-chier
et très-amei seigneur, monseigr Edward, par la grâce de Diu, roy
d'Engleterre, seigneur d'Irlande et duc d'Aquitaine, Guys, coens de Flandre et
marquis de Namur, salut et bien apparillié à faire son plaisir selonc son pooir,
si com drois est. 1881A Très-chier sires, li
très grans griés et li annuis de cuer que je voi à mes iels, et que on me
recorde ausi chascun jour, que li rois de France et se gent me font, me maine à
chou que si souvent je envoie à vous, comme à chelui en qui apriès Diu j'ai
souverainement fiance et espérance, se recouvrier doi avoir, qu'il me veinra par
vous. Très-chiers sire, li grief, briefment à parler, sont teil que li rois de
France et si gent ne me tiènent de riens la souffrance que vous fesistes, ains
en vont chascun jour plainement encontre. Car, sire, par celle parole qui
contenue est en le souffrance: qui tient, il tient et doit
tenir, la souffrance durant, chil de me terre qui demoret me estoient, et
qui avoec mi se sont tenu adiés et qui jusques à ores assés par raison
paisivlement ont estei sour le leur, et joï dou leur, li rois leur a fait à
chest aoust prendre tous leur biens que il avoient sour leur terres, et les
demande trestous avoir par-devers lui, et dist que par-devers 1881B lui doit-il estre, et spéciaument les nos biens, en plusieurs
lius. Chiers sires, sour ches griés et sour autres, mesire Gofrois de Genvile
parla tout au connestable, par quoi jornée fu mise à Arras, là où li rois devoit
envoyer chevaliers, cognisçans en armes et sachans de droit de wiere, et clers
de droit, et nous autre teil. Sire, à chelle jornée, liquèle fu tenne li mardi
des octaves de le Magdelaine, nous i envoiames chevaliers et clercs, car bien
aviems fiance que, se raison vosissent rewarder li gent le roy, selonc le parole
de le souffrance, que no drois seroit sauf; mais, sire, che ne pot estre, car,
comment que li chevalier d'une part et d'autre se fuissent bien acordei, li
acors ne pooit demorer; ains dist li connestables qu'il convenoit que li chose
demorast, et fust ensi com il fist mettre en un escript, et ensi nous le
presissiems se nous voliems; et se nous ne voliems, nous le laiscissiems; car on
n'en feroit autre chose, fust tors, fust drois. Sire, et le 1881C escript teil com il le fist, nous le vous envoioms en cheste
lettre enclos. Sire, et quant nos gens eurent veu chel escript, il en assaierent
s'il poroient en aucune manière venir à accord, se prisent priès en laiscant
partir un grantment de no raison, fisent un autre escript et le présentèrent au
connestable et as gens le roy par le conseil de monseigneur Jofroi: lequel
escript, sire, nous vous envoioms en ces lettres ausi enclos. Mais, sire, chis
escript ne leur pleut mie, ains disent adiés que autre chose ne nos en feroient.
Certes, sire, ches paroles sont moult dures, et li fait sont moult greveus à
nous et à no gent, et en perdons che tant de gens qui demorei nous estoient, et
sommes en péril de plus perdre. Très-chiers sire, avoec tous ches griés
desusdis, nous sont venues moult dures nouvèles de Roume, qui moult nous ont
esbahi et cheaus de no terre et tous nos amis. Sire, che est que li papes a
prononchié pais entre vous et le roy de France, et par alliances de mariages,
sans faire no pais avoec le 1881D vostre. Et puis que tels
nouvèles furent venues à nous, les gens le roi nous ont assaiés et assaient tous
les jours de emfraindre le souffrance, et nous saisiscent nos villes et ochient
nos gens, et premdent leurs biens et as cans et ès moisons, et les eschevins de
nos villes prendent et metent en prison et par peur et par distrainte de prison
leur font jurer féautei au roy. Certes, sire, sour che ne
convient-il mie que je maingtiègne moult de paroles d'escrire à vous, car,
certes, je ne crerrai jà, ne onques ne créi que je ne doive trouver en vous
confort et aiwe, et que adiés vo devoir ferés envers mi selonc les convenenches
qui sont entre vous et mi. Et vous, très-chier sire, que par le misericorde de
Nostre-Sengneur, vous voelliés avoir compacion de mi et de 1882A men estat, et me voelliés comforter, comme chius en qui j'ai mis
men estat et men honneur. Chiers sire, et apriès che que ches
choses chi desus furent escriptes, revint à nous nos chiers et foiables Waleran,
sire de Montjoie et de Faukemont, qui revint du duc d'Ostriche, qui paisivlement
est esleus cou roy d'Alemagne de trèstous les esliseurs entirement, et a assis
le jour de son couronement à Ays, le diemenche après le . . . del mois d'aoust.
Et nous a dit pour certain que li devantdis roi a très-grand volontei de faire
allyance à vous par mariages, et en toutes autres bonnes manières, et à nous
ausi, et monstre grand sanlant de ces besoingnes entretenir, qui porteroient
honneur et profis à vous et à nous, et ne maintient mie, sire, paroles que il
ait volontei de prendre avanteige, ne bienfait de vous, ne de autrui, si com
lidis sire de Faukemont nous a dit. Et sachiés, sire, qu'il a jà envoié à nous
et à no neveu de Haynau, pour le 1882B discors qui est entre nous
deus apaiser, et violt sans faille que pais i ait, et voet en toutes fins que
nous soiems à son couronnement à Ais por nous ensamble apaisier; car il violt en
toutes manières que pais i soit Chiers sire, si vous requier et
prie ke vous toutes ches choses voelliés considérer et rewarder pour vo honneur
et le nostre, car il ne fu onques mais mius poins, et tant faire que Dius vous
en sache gre, et nous en soioms a tousjours tenu à vous. Les réponses d'Edouard Ier
furent vagues, faibles, peu satisfaisantes. Il se sentait d'autant
moins porté à venir en aide à Gui de Dampierre qu'il le voyait plus près de sa
chute. Les lettres que le comte de Flandre recevait de Rome
n'étaient guère plus favorables. Celles que 1882C nous mettons
sous les yeux de nos lecteurs embrassent les cinq mois qui s'écoulèrent depuis
le 19 février 1298 (v. st.) jusqu'au 23 juillet 1299. Très-chier sire, je ai atendu apriès le message dont les daraines
lettres que vous me envoiastes, faisoient mention, et qui devoit hastéement
venia apriès cèles, dont je me mervueil moult quant il n'est venus. Car li
cardinal me demandent souvent nouvièles comment vos besoingnes se portent en vo
tière, et je ne leur en sai mie bien répondre: dont il me poise. Et ciertes,
sire, li rois a si le court pervertie que à paines i a-il nul qui en apiert ose
de li dire fors que loenge; mais cascuns connoist bien et seit que ce est li
volonteis dou souverain. Chier sire, je me sui travailliés, et travaille encore
à men pooir, à ce que aucun de vos priviléges fussent renouvelei, mais je n'en
triuve mie teil faveur que je vauroie ou tans de ore. Chier sire, une lettre
1882D qui a estei mout demenée et débatue et empéechié et à grant
paine et à . . . . . délivrée, je le vos envoie. Et sachiés que des lettres que
vous me mandastes que je empétrasse encontre l'évesque de Tierewane, il n'i
avoit que une dont par droit on peust . . . . . . . . . lettre de justice, et
cèle fust faite, et en le audience contredite par le procureur l'évesque. Et à
tant . . . . . li besoingne que li papes mandast. ces lettres, et quant il les
eut veues, il dist qu'il ne voloit mie que elles passassent, et les retint. Et
dist qu'il voloit que li . . . . . dou poursuivir ne courust mie contre vous, et
que ce fust sans vo préjudice. Je requis et requier que nous en ayons sour çou
se bulle; mais encore ne le puis-je avoir, ne ne sai se je le porai, pour le
petit de faveur que vous trouveis orendroit en li. Et sour toutes aventures je
ai fait protestation 1883A devant le auditeur des contredites, et
en ai ses lettres. Chier sire, s'il vous plaist, envoiiés plus seurement à
court, et lettres au pape et as cardennaus; et, s'il n'i a secrés et il vous
plaist, si m'en envoiiés les transcris, pour ce que, se il m'en demande, je
puisse le matère poursivir. Nostre Sire soit warde de vous et vos doinst boine
vie. Escrit à Lateran, le joesdi apriès Septuagesime. Non seulement l'influence de Philippe le Bel domine à la cour de
Rome, mais l'on voit aussi le comte de Hainaut profiter des malheurs de Gui de
Dampierre pour revendiquer le comté de Flandre. Tres-chiers
sire, je vos ai par pluseurs lettres fait savoir l'estat de le court et de vos
besoingnes, liquès estoit assés petit mués au point que ces lettres furent
faites, fors tant que je ai tant fait que, quant au point de ore, je ai empêchié
le lettre que vos niés, mesire de Haynau, voloit empétrer contre 1883B vous. Et ai dit à monsigneur Gui et as aultres qui sont pour li
en court, que, se il font tèle lettre passer, que je empétrerai aussi en vo nom
contre li sour toute le conté, et que je en ai commandement ; mais pour ce ne le feroie-je mie, se vous
ne me mandeis que vous voleis que je le fache, ou se messires, mesire Phelippes
vos fius, ne le conseille. Mais je croi que pour le cremeur qu'il ont que je ne
le fache, il se soetrent et soufferront de empétrer contre vous. Et si ai, chier
sire, parlei au cardennal qui fu légas en Alemaigne, et de cui il se avoent
qu'il geta le sentense dont il voelent empétrer confirmation, qui a dit que çou
que il en fist fu à forche et par destrainte de peur et de manaches, et que,
tantost comme il fu hors du pooir le roi de Alemaigne et de ses gens, il les
rapiela, et m'en a proumis à donneir lettre qu'il fu ensi fait. Et mestre Jehan
de Pize, vos procurères, dïst que vous en deveis avoir de le révocation lettres.
Si m'en 1883C voeliés, chier sire, faire savoir et de ce et de
toutes les aultres choses vo plaisir et vo volentei. Chier
sire, li portères de ces lettres est li varlés que messires, mesire de Nevers,
retint à vallet, sicomme je vous ai autrefois escrit, et fu mesire Reniers de
Pize ses oncles. Sire, vous me mandastes par vos lettres que bien vos plaisoit
que je li délivrasse reubes à deus saisons, et je l'ai fait de le Toussains
prochainement passée et de ces Paskes. Et vous vausistes, chier sire, que je
pourvéisse aussi monsigneur Estiène, le maistre huissier, si l'ai fait; mais à
monsigneur Gile ne ai-je fait riens, pour ce que vous me mandastes par une
lettre que vous me envoieriés un siergant à keval, qui aporteroit reubes et
mailles; n en aporta nules. Si en faites, sire, vo plaisir. Chier sire, il
seroit besoins que vous escrivissies au pape et as cardennaus en 1884A le manière que je vous ai autrefois escrit, et que une
procurations me fust envoiée nouvièle, et pour me signeurs tous vos enfants, et
que li cours fust pourveue des despens qu'il convient faire; car ele se devoit
partir le mardi après le date de ceste lettre, et aler en un très kétif liu et
mausain, s'il est à savoir à Anagne, le cité dont li papes est nés. Chiers sire,
Dius soit warde de vous et de quant que vous amés. Escrit à Roume, le merkedi
après Paskes. Une lettre de Jean de Menin, qui reproduit le récit d'une audience
accordée par Boniface VIII le 13 juin 1297, à Anagni, présente la situation sous
un aspect moins menaçant, mais à peine les paroles du Pape ont-elles fait naitre
quelques espérances qu'elles semblent s'évanouir. 1884B Très-haus et très-nobles sires, jou Jehans de Menin, vos
chevaliers, vous fach à savoir ke le jour ke je viench à Anaigne, c'est à savoir
le semedi après le jour de la Trinitei, je parlai au pape par grant loisir, et
li fis vo requeste sour trois coses: l'une que vous réusissiés me damoiselle vo
fille; l'autre ke par recréance vous réusissiés monsegneur de Blanmont et les
autres prisonniers selone les convenances des triewes, le tierche k'il fesist ke
on vous tenist les triewes et adrechier chou k'on avoit fait al encontre et
rendre. Et li dis moult de raisons pourquoi on vous devoit chou faire, et
pourquoi il i devoit entendre, et entre les autres ke, par sa requeste et par
son conseil, vo enfant premiers pour vous, eus après quant vous le seuistes,
aviés mis vos besoignes sour lui, sauve vo honneur, vo estat et vo hyretage; et
ke en ceste forme il avoit pris sour lui, et que ke il avait dit à vos enfants,
quant il se partirent de lui, ke ces trois coses ke je li requeroie il feroit
faire. Sires, quant il m'avoit moult bien oïst et par 1884C grant
losir, il me respondi tout au commenchement, ke tout estoit vérités comme que je
li avoie dit: et comment ke je li dis ke li évesques de Vincenze, requis de par
vous, avoit dit ke riens il ne li avoit kerkiet de vos besoignes, il dist ke il
li avoit kerkiet k'il fesist tenir le trieuwe; et je croi, à chou ke je puis
entendre, ke ce soit voirs ke en général il li avoit kerkiet, et non mie de vous
en espécial; et pour che il ne se veut mie meller de vous en espécial. Et
toutevois me dist-on ke li évesques de Vincenze vous aime miels k'il ne fache le
roy. Et li papes meismes me dist k'il est homs sans souspechon. Et parla li
papes moult courtoisement de vous, et dist ki'l feroit pour vous quant k'il
porroit, et ke adiès en avoit esté en grant volenté, et estoit ore plus ke
oncques mais: et me dist ke je li apportasse mes pétitions en escrit et vo
désir, et il i 1885A metteroit volentiers consel. Le nuit
Saint-Jehan, sire, au matin, je li apportai me pétition, et il le lieust
tantost, et me respondi k'il se conselleroit sour che; et je cuidoie adonc
très-bien besoigner et tost, parmi che ke je requeroie raison, et che k'il
devoit faire, et parmi che qu'il me reconnissoit en véritei tout che ke je li
disoie, et parmi les bèles paroles k'il me disoit et le beau sanlant k'il me
monstroit el non de vous. Mais oncques puis je n'oï novièles de vos besoignes;
je ne sai que Dieu li mettera en cuer, mais je n'i ai mie si bonne espéranche ke
je avoie au commenchement, ne je ne sui mie aise de cuer: et le cause pourquoi
li espéranche me faut, vous poés bien savoir, et vo enfant ki connoiscent le
court. Et je le vous dirai, s'il plaist à Dieu et à vous, assés tost; car, en
nulle manière, je ne le metterai en escrit. Et toutevois, sire, partout là où je
envoie lettres, mes paroles sunt de boin confort d'avoir boine délivrance pour
1885B vous et tost. Mais, sire, à vous ne voel-je nulle riens
céleir de vos besoignes et de mon cuer, si en parlerés avant, sire, à vos
enfans, et là où bon vous sanlera: et bien porra avenir ke li besoigne vendra
miels ke je n'espoire, et Diex le doinst. Et s'il est ensi, sire, ke je n'aie
gracieuse délivrance pour vous, il n'est rien ou monde ke je li doie requerre,
ne pour vous, ne pour autrui; ains me partirai à son congiet dou miels ke je
porrai. Rien n'est
venu confirmer l'espoir qu'exprimait Jean de Menin. Il considère sa mission
comme terminée et se prépare à quitter la cour pontificale troublée par
l'évasion des Colonna. Sire, des novièles de le court et dou
pays de châ vous fache à savoir, ke c'est venredi passei chil de le Columbe, ki
tout ont perdu, et viles et castiaus, et tenoient par le commandement dou pape
prison à 1885C une vile k'on apièle Tyble, s'en partirent, et furent encontré à tout grant
gens d armes près de Rome, et ne set-on mie en le court de certain k'il sunt
devenus. Et en est destourbés li papes, et se doute-on de grant
tourble en pays. Le semedi, sire, devant le Saint-Pière et Saint-Pol, le roys
d'Arragonne et li dus de Calabre et mesire Phelippes vos fils, et tout che ke ly
roys de Cecile a peu mettre, entrèrent en mer à Naples, et s'en vont vers
Cecile, et Diex les wart. Et pour che, sir, mesire Phelippes n'eut pooir de
partir dou pays, par quoi il fust venus à le court pour vous. Et si estoieje
alés dusques au pont de Cypraeu pour
aller parler à lui là où il estoit, vers Naples; mais il me prinst maladie, par
quoi je ne peuch aler avant, et li envoiai en escrit les besoingnes pour
lesquels vous m'aviés envoyet à court; et me retrais tout bèlement vers Anaigne.
En Lombardie, sire, a grant gherre, et avoit quant je i passai, entre le marchis
1885D de Montferrat, le marchis d'Eest et chaus d'Akremoene , de Pavie, de Corziaus et de
Novarre d une part, et le capitaine et chiaus de Melane d'autre
part; et leur aident chil de Boloigne et chil de Plasence par une partie de leur
gent k'il ont envoyet à chiaus de Melaen. Sire, je sui à très-grant coust en
court, et pour mi et pour mon segneur Michiel ki me dist k'il n'a nuls deniers,
et je ne li puis mie faillir de che ke j'ai; et li pays i est très-durement
chiers. Voelliés faire rewarder pour que je aie fin pour avoir deniers, et n'est
nulle semaine ke nous ne sommes à L florins d'or et plus; car jà soit-il ke li
florin soient chier en Flandres, 1886A pour le mosnoie ke ore i
cuert, pour che ne valentil nient plus en le court k'il solient faire passet a
VII ans. Et je n'ai mie au jour de huy plus de trois cens florins. Et je n'ai
pooir de là demorer, ne de partir de là-endroit, se vous ne me faites tost
aidier. Sir, se je n'ai délivrance dou pape, dedens che ke vos messages revendra
à mi, m'atente n'i vaudra plus, ne je n'i vous porrai porter nul pourfit jamais;
et il m'en forra maisement partir, se vous ne m'envoyés vos lettres pendans ke
vous me mandés ke je viègne à vous pour vos besoigne, là où il convient ke je
soie en propre persone, et ke je lasse vo besoigne en le main mon segneur
Michiel, vocapelain, ki bien i tient liu pour vous, pour ramentevoir et
poursewir en avant. Si fache-on faire les lettres bien et ordenéement, s'il vous
plaist k'on les fache; car pour mi ne pour autrui li papes ne fera fors che k'il
voudra. Et sachiés, sir, ke il m'est griés d'estre en la court, et de despendre
le vostre 1886B à si pau de proufit ke je vous i puis faire d'ore
en avant; car je ne puis de vos besoignes ne hoster ne mettre, et tout iert à le
volentei dou pape. Sir, messire Guys de Henau, vos niés, est en court pour
pourcachier aucune éveskiet ou aucune dignitei; et si n'est mie si warnis des
deniers le roy de Franche, k'on disoit auwan en Flandre; car j'entench k'il a
pour les mains où mettre, et fine encore assès . . . . de ses despens. C'est au moment ou la cause du comte de Flandre paraît à jamais
perdue que l'on voit poindre les difficultés qui doivent séparer Boniface VIII
du roi de France. Philippe le bel, qui a songé un instant à
élever son frère Charles de Valois à l'empire, traite avec Albert d'Autriche;
mais Boniface VIII se plaint de cette alliance avec un prince dont il n'a pas
approuvé 1886C l'élection, et les ambassadeurs flamands ne
redoutent pas moins la confédération du roi d'Allemagne et du roi de
France. Chiers sir, li cardenal parolent moult bien pour vous
tous, et deus espéciaus amis avés-vous mon segneur Gérard de Parme et mon
segneur Mathiu d'Expert, et
si avés moult bien le grasse de le court; mais nuls n'a pooir fors li papes
seulement. Sir, on devera à le Magdaleine à mon segneur Gérard de Parme CC
florins, et à mon segneur Mathiu d'Expert, si comme j'entench, devoit-on C
livres tournois par an, de trois années dont mesire Michiel a payet une année.
Faites rewarder ke chil denier soient si payet ke che solt employet ke vous i
metterés. Faites rewarder, sir, se il vous plaist, à le besoigne mon segneur
Ponchart, et mesir Guydes,
sir, demande moult mil florins k'il presta 1886D pour le crois
Madame, cui Diex assoille, et CCCCL florins encore du prest k'il fist à mon
segneur vo fil, quant il revient de Rome. Sir, vo ami de court, cardenal et
autres, sunt moult liet, par l'amour de vous, de che ke li traitiés d'accord
entre le roy d'Alemagne et le roy de France est faillis, et je en loc Dieu; et
aussi en est li papes liés; mais je ne sais pour quoi. Et li papes ne veut mie
k'on l'apièle roy, mais sans plus duc d'Oesteriche. Et j'ai grant désir, sire,
ke je oïe vraies novièles ke li pais ne voise mie avant entre le roy de France
et le roy d'Engleterre, et ke li roys d'Engleterre fache envers vous che k'il
doit. Et je croi ke li pais ne se fera 1887A mie, par une parole
ke li papes me dist; car il me dist, ke très-autan il avoit rewardei, et
encore le véoit-il bien, ke si grans descors, comme des deux roys et de vous, ne
porroient estre apaisiés, se che ne fust là où vous tout troe en vos personnes
fussies présent devant tui; et pour che avoit-il rewardei k'il trairoit en heu
convenavle pour che faire; mais au séjour qu'il fist autant à Rome, et
espécialment pour les besoignes de eaus et de vous, dont il se traveilla adonc,
maladie le prist, et il tout aviséement se traist en sus del er dont il avoit estei nés,
pour assaiier se il porroit conduire en estrange pays; et les maladies l'ont
puissedy trop traveilliet, et menet près dusques à le
mort, ne encore n'est-il mie en point k'il se puist tirer hors dou pays, ne nuls
ne li loe, et sans doute il est très-durement au-desous, et trop cangiés de che
k'il fu quant nous partimes autan de Rome, ne nuls ne li promet k'il doit
longhement vivre, ne k'il se 1887B doit jamais aidier dou cors.
Moult me reconneut bien quant je viench devant lui, et parla privéement à mi et
longhement, et dist k'il ne me convenist mie avoir apportei lettres de créance,
car il savoit bien ke je venois de par vous. Et Diex doinst ke ses beaus sanlans
et ses bonnes paroles, il met cheà cuvre al honneur et au pourfit de vous. Et
nostre Sire soit warde de vous, sir, en ame et en cors, et de tous chiaus ki
bien vous voelent, et vous doinst joie de vos amis et de vos anemis. Chier sire,
li rois de Arragon, li dus et mesire Phelippes vos fius et mout de boine gent
ont jà pris tière en Sezile, et ont boine espéranche, si comme je enteng, de
reconquerre tout le païs. Ces lettres furent données à Anagne,
le joesdi apriès les octaves de saint Pière et saint Pol. Déjà dans la lettre
précédente, Jean de Menin et Michel As Clokètes racontaient que le pape avait
1887C annoncé le dessein de quitter Rome pour citer à son
tribunal les rois de France et d'Angleterre et le comte de Flandre. C'était à
ses yeux le seul moyen de calmer les discordes de l'Europe. Mais il était si
accablé par la vieillesse et les infirmités que ses forces trahissaient
l'énergie de sa résolution, et l'air même de la ville d'Anagni où il était né
n'avait pu les ranimer. Cependant, il réunit les cardinaux autour de lui et leur
fit part de son projet en disant que s'il devait trouver la mort dans cette
oeuvre de paix et de réconciliation, il pensait ne pouvoir mieux mourir. Il
avait appris avec peine que les affaires de Flandre ne recevaient aucune
solution pacifique, et d'autres lettres lui faisaient connaître que Philippe le
Bel, sourd à ses remontrances, 1887D poursuivait ses négociations
avec le roi d'Allemagne. Trés-chiers sires, nous vous faisons
savoir que le semmedi après le devenres que II. de Wettre, nos messages que nous avons envoiié à
vous par nos lettres, et à nos signeurs vos enfans et à pluseurs gens de vo
conseil, se parti de nous à Anagne, 1888A nouvièles certaines
vinrent de Sezile au pape tèles que li rois de Arragon, li prinches de Tarente,
et Rogiers de Lorie, qui est amiraus de mer, et cil qui avoec eaus furent, se
assenlèrent en mer as gens don Fédérich de Arragon et as Seziliens et as
Genevois, qui avoec eaus estoient, et prisent XXII galées, et furent cil qui
dedens estoient tout pris ou ochis, et si en escapèrent XVIII galées, esquèles
Fédéris estoit; et si i eut-il de ceus de ces XVIII galées un grantment de mors,
et li dus de Calabre et mesire Phelippe et li force de le chevalerie, et de
l'ost demorèrent en le tière de là, et pau ont pierdu cil de ça. De çou a-on
menei le semedi et le diemenche après les octaves S. Pierre et S.-Pol, trop
durement grant fieste à Anagne, et li papes en a ea si grant joie comme ons puet
avoir. Et a en grant espéranche que li besoingne dou reconquerre le tière doie
venir à bien. Ne onques puis on n'en a eu nouvièle qui fache à raconter. Et li
papes a ordonnei 1888B et fait légat en Puille mon signeur Gérart
de Parme, qui se partira de court le lundi après le Mazel: dont mout nous poise;
car çou estoit li plus certaine aiwe et confors que nous aviens en court. Sire,
le nuit de le Division des apostles, nous
venismes devant le pape, et li requesismes délivranche de vos besoingnes, et il
nos respondi qu'il en avoit ordonnei et kierkié à monsigneur Mathiu le Reus,
qu'il en fesist lettres, et nos dist que nous en alissions à li. Et nous li
demandasmes s'il li plaisoit que mesire Mathius nos défist le fourme de no
délivranche et l'estat de vos besoignes, et il nous respondit qu'il li plaisoit
bien. Après nous alasmes à mon signeur Mathiu, et li desismes ensi: et il nos
dist que les notes estoient jà faites, et qu'il ne nos diroient nient de no
besoingne, dusques à donc qu'il l'aroit monstrée au pape, et l'endemain le
devoit faire, çou qu'il n'avoit mie fait encore, quant ces lettres furent
escrites, et si ne l'en ciessons de 1888C poursuiwir. Sire, nous
créons certainement que mesire Mathius vous voet grant bien; mais, sire, on li
met sus que ce est li plus lons et li plus tardius om qui vive, et mainte besoingne a estei pierdue en se main par se
longèche. Et li papes de autre part est mout lons quant il voet. Et nous cuidons
orendroit que il vos fera boine délivranche de çou qu'il pora faire; mais de
ciertain, sire, nous ne vos poons nule cose faire savoir encore, et adiès sommes
en doute d'une grant alonge. Et on ne puet de nulle riens
haster mon signeur Mathiu, fors que ensi comme il li plaist. Et, sire, s'il vous
plaist, remandeis-mi Jehan par vos lettres, car je ne vos puis plus faire en
court, et bien pora avenir que jou Mikius revenrai avoec, se on voit que ce soit
bien fait. Sire, puis que
çou que ci desus est contenu fu escrit, vinrent nouvièles certaines au pape, et
lettres de par l'évesque de Vincence, et li cardinal mesmes aucun en eurent
lettres, que li roy de Franche et de Engletière ont fait pais ensanle, et 1888D tout acordei et assenti à çou que li papes en ordena et
pronunchia, présens leurs messages . . . . . . . à Roume. Et va li mariages
avant dou roy de Engletière, et celi de seu fil fera en selonc çou que li papes
en a ordenei, quant li tans s'i afferra. Ne de vous, ne de vos païs, ne de cose
que à vous touke, nule parole n'i avoit estei, si comme les lettres disoient. Et
est li rois de Escoche, et ses fius délivré 1889A en le main le
pape. Et nos sanle, à no petit sens, aussi fait-il à mout de gens, que li rois
de Franche a mius aidié le roi d'Escoche, de cui onkes paroles ne fu, ne en le
wière ne ès triuwes, que li rois de Engletière ne ait fait vous, qui en le wière
et ès triuwes aveis estei, et parmi cui li rois de Engletière est venus à se
pais. Et tantost apriès ces nouvièles, li papes manda les cardennaus et leur
monstra ceste besoingne; et quant les lettres furent liutes, si dist li papes:
«Signeur, vous véés que dou conte de Flandre riens n'est fait ne traitié, dont
il nous poise; mais, si Diu plaist, par autre voie nous li èderons et meterons
tout le monde à pais. Et se nous poièmes, nous trairiens volentiers delà les
mons, non mie en le tière ne de l'un roi ne del autre, mais en le tière de no
chier filz, le roi de Sezile, ou en nostre patrimoine nostre contei de Venise.
Et se nous moriens en le voie, nous cuideriens bien morir.» Et, sire, 1889B tout çou nos sanlent paroles encore. Sire, nous ne savons se li
ordenanche de nos besoingnes, qui est commenchié ensi comme desus est dit, se
cangera nient pour ces nouvièles. Sire, et encore avons-nous apris par mon
signeur Mathiu de Eguesparse, le cardennal, le jour de le Division
des apostles, que il avoit eu lettres que li message le roi de Alemaigne
estoient à Paris pour traitier de acort au roi de Franche; et puis sont revenues
autèles nouvièles que leur gent de leur grant conseil sont, à orendroit que ces
lettres sont données, arrière au Noef-Chastel en Loraine, pour traitier et
accordeir ensanle. De çou, sire, se nous l'osions dire par congiet, nous avons
grant merveille que nous de vo estat ne savons riens, fors par estrangne gent,
et sanle qu'il afferroit mius que li cardennal et vo ami le seussent de le voe
partie, que çou qu'il nos en convient aprendre par eaus, se aucune chose i a qui
vos sanle que à mandeir face. 1889C Chiers
sires, encore vos faisons-nous savoir que, quant jou Jehans de Menin ving en
court, jou Mikius n'avoie ne deniers ne finanche, et estoie un grantment et sui
encore kierkiés de grant dette Si nos a convenu vivre et faire encore des
dettes, que jou Jehan de Menin aportai en court. Et n'avons mie de coi nous
puissions vivre plus de trois semaines après le jour que ces lettres sont
données. Et nous quérons finance par tout et n'en poons nule trouver, si en
sommes en grant ému: pour Diu, sire, si nos faites secourre, et tost, car li
besoins en est très-grant. Mesire Gérars de Parme vous prie mout, sire, que vous
aiiés les besoingnes le prévost de Bruges pour recommandées. Sire, Jésus-Cris
soit warde de vous. Donnei à Agnagne, l'endemain de le
Mazel. Le comte de Flandre répondit à Jean de Menin et à Michel As
Clokettes, dans les premiers jours 1889D du mois d'août: il leur
apprenait que la paix était faite entre Edouard Ier et
Philippe le Bel, et qu'il ne lui restait plus d'autre refuge que la protection
du pape. Guys, coens de Flandres et marchis de Namur, à son
cher et foiable chevalier, mon seigneur Jehan de Menin, salus et amour. Nous vous faisons savoir que li évesques de 1890A Vincent a estei en France et en Angleterre, et sont les
besoingnes jà si aprochiés que pais est entre les deus roys, et est fet li pais
en Angleterre , et
se font li mariage dou roi d'Engleterre et de son fil, et les a jurés li rois
d'Angleterre et ses fiuls, et a estei Willaumes nos fiuls en
Angleterre pour savoir le entente le roy, delquel il nous sanle que nous arons
petit de confort, selone che que comtiennent li respons; car il respont que
adiès il fera vers nous che que il devera; lequel choze il nous monstre mie par
oeuvres; car il est contraires à che qu'il dist en ses fais, si qu'il nous
semble, et se voele fonder et fonde del tout sour le indulgence et sour le
dispensation le pape; et d'endroit che que il nous doit, si com vous savés, les
LX mil livres tous les ans,
il ne nous en tient convenance nulle; ains entendons par aucuns de ses gens
qu'il n'est à nous tenus de riens des LX mil livres, pour che qu'il dist que
triuwes 1890B ne sont mie weire; si que en toutes manières il
nous desloit, et tout par les graces que li papes a faites à lui et au roy de
France, si comme de dissimes et d'autres grâces, lesquels sont del tout à nostre
destruction. Et d'aultre part, por che que li rois d'Alemaigne voit que li rois
de France et chius d'Engleterre ont si grant faveur au pape, si se doute-il, si
que nous nos cremons moult, que il ne se doie mie alloier à nous, pour le
doutance de lui, et trèstoutes ches tribulations naiscent de le court de Rome,
que nous sommes si entreprins orendroit. Si n'est mie li papes qui doit tenir le
liu Diu en terre et qui doit estre auctères de pais tels comme il deveroit, ains
est auctères de guerre perpètuel, qui fin ne prendra mie: laquels chose nous ne
cuidiems mie avoir déservi à ceste court, ne nous, ne nostre antecesseur, ne li
maisons de Flandres. Pourquoi nous vous mandons que vous as cardinaus, là où
vous verrés que bon est, en parolés 1890C et monstrés ches
nostres grietés, si com vous sarés miels faire que nous ne vous savons escripre,
et le faites autresi savoir Philippe nostre fil, auquel nous n'en escrisons mie,
pour che que vous lui dirés bien de par nous. Et sour che nous faites resavoir
tantost che que vous loés à faire, et le créence le pape, che que vous en porés
savoir, et des cardenaus. Et sachiés que nous avons grant mervelle de che que,
puis que vous partistes de nous, nous n'oumes de vous nouvèles; et monstrés à
Philippe, no fil, ches lettres, et lui dites que nous n'escrivons mie à lui,
pour le péril des pertes de lettres, et lui dites ausi, de par nous, que il soit
près de le court à chest nostre besoing et ne s'en partie. Et sachiès que, se li
papes nous faut, nous
sommes del tout au-dessous; car nul espoir nous n'avons ès rois de Engleterre et
d'Alemaigne. Si entendés diligamment quele li entente le pape est, et s'il
avient que triuwes soient rallongiés, 1890D che sera no
destructions, se on ne les nos tient miels que on n'ast fait jusques à ore. Et
bien ariems besoing que nous le seuscièmes et en fuscièmes warni à tans. Si nos
faites hastement resavoir che que vous arés entendu, et sans arrest, et monstrés
ausi à mon seigneur Mikiel, no capelain, ches lettres et aiés sour tout avis
ensamble. L'éveque
de Vicence, qui avait été chargé par le pape de présider à la conclusion du
traité de paix 1891A entre Edouard Ier et
Philippe le Bel, ne tarda pas à se rendre en Flandre, et tout porte à croire que ce fut à cette époque, et
probablement de ses mains, que Gui de Dampierre reçut une bulle où Boniface
VIII, attribuant sa rébellion à son orgueil, le pressait d'éloigner tout sujet
de discordes avant la fin des trêves (elles expiraient le 6 janvier 1299, (v.
st.), s'il voulait laisser son héritage à sa postérité . L'évêque de Vicence s'était arrêté à Bruges, qui était toujours au
pouvoir des Français, et son premier soin avait été d'ordonner que la trêve fût
observée , et que les prisonniers de la bataille de Furnes
fussent relâchés, en donnant des otages, selon ce qui avait été convenu à
Paris; le comte 1891B était tenu de restituer les monnaies du roi qui avaient été
saisies, et qui dorénavant auraient cours en Flandre, et sa propre monnaie
devait être reçue, mais à une valeur réduite, en payement de ce qui était dû au
roi. Au mois de décembre, l'évêque de Vicence assista à des conférences entre
les députes du roi et ceux du comte, et voici en quels termes maître Bassan,
Baissan ou Barssien, qui avait, en qualité de seigneur de
loi, accompagné Robert de Béthune à Rome, rendit compte de ce qui s'était
passé au comte de Flandre: Très-chier sire, sachiés ke jou ai
esté, aveuc vostre gent, duskes à samedi prochainement passé, pour tenir les
journées devant le veske de Vincense, et bien sachiés ke sour plusur articles ke
fort vous 1891C atouchent grant débat ait esté entre vostre gent
et les gens le roy devant ledit veske et le conestauble de France, ki à cestui
débat estoit et mout de paroles dittes par eulx et mesire Simon de Mellun, ki
èrent mout à grant dammages de vous, et espécialement sour ce ke vous fesissiez
batre monnoies en vostre terre, lequel cose il disissent vous ne peusiés nient
faire, parce ke vous n'estiés mie en tenue ne en saisine de faire batre monnoie
en vostre terre, lequel il disent k'il est del roiaulme de France, en tans de
guerre et en tans de truwe, et pour ce disoient-il ke vostre monnoie en aucune
manière ne doivent courre en le roiaulme de France, ne en la terre ke tient le
roi de France en Flandre, et espécialment pour ce k'il dient ke vostre monnoie
est fause. Et jou leur dis k'il ne fesissent mie grant honour au roi de France,
ke par leur paroles il reconnussent ke le monoie le roi n'estoit mie boine, come
ce fu cose ke vostre monnoie fu faite sour le 1892A piet leditte
roi de France, et ke jou et nostre gent estièmes apparellié de faire assai au
fu d'une monoie et d'autre, et autrefois avons esté
aveuc vostre monnoiers et avoec vostre monoie à certaines journées, ne onkes ne
porrièmes aconvenir à faire assai, por coi, puis ke vous refusastes çou, il est
bien samblant ke nostre monoie est si boine ou miudres ke le monoie dudit roi.
Et de teile offerte et response sambla bien ke ledit veske se tient bien apaié.
Et mout autres débas furent entre vostre gent et le roi, lequel jou ne porroie
mie si bien escrire comme dire de paroles, mais toutesvois la fin fu tel k'il
doivent rechevoir vostre monoie pour sisain denier parisis en paiement de çou
k'on leur doit, et ke vostre monoie peut courre par toute le roiaulme de France
sans arres faire, mais ke ele soit saelé d'autrui sael, fors de oelui ki le
porte, et ke il ne seroit overte le mail en lequel seroit laditte monoie, puis
ke ele seroit trovée saclée. Et bien 1892B sachiés ke li bailliu
du Dam a dit à moi ke cest seul point vous vexe en cest an à dis mil livres. Et
sachiés ke argent en plait pooit-on porter à sa volenté, et celi ki vous a esté
pris vous sera rendus, par l'estimation de LXV sols le marc; et vous devés
rendre le monoie le roi ke vostre gent ont aresté et pris en vostre terre. Et
pluseur autres coses sont acordé par ledit veske, lequel jou vous envoie le
transcrit en ceste lettre enclos. Et encore sachiés, sire, ke li rechevères et
jou avons ordené ke mesire Bauduin de Quadypre doit aler au roi d'Engleterre, pour parler à li et aus gens le
roi d'Almaigne de çou ke vous savés k'il a esté ordené, et l'enformation k'il
doit dire a-il enporté en escrit, et doit movoir pour aler en Engleterre cest
prochain deluns à venir, et autel
l'avons nous en forme de çou k'il doit dire as le roi d'Almaigne et au conte de
Savoie. A Diex ki vous wart. Mandés moi votre volenté: jou sui pareillié de
faire. 1892C Donnéi à Gant, le diemence apriès
le jour Saint-Thumas. Encore sachiés k'il est ordené ke le commissions ki ont
esté faites doivent déliverer entre chi et le Masdalaine: pour coi nous vous
consaillons ke vous déliverés l'escolastre, par coi il peut déliverer les
commissions des enquestes ke vous avez entre les mains, et autrement sachiés kil
vous porra porter grant péril. Gui de Dampierre s'était retiré au
château de Rupelmonde .
Trahi par ses alliés, Édouard Ier et Albert d'Autriche,
attaqué par son neveu le comte de Hainaut, abandonné même par ses petits fils le
duc de Brabant et le comte de Hollande, il avait remis son épée au sire de
Moerseke: triste et suprême aveu de l'inutilité de sa résistance et de
l'impuissance de ses efforts. Rien n'est plus touchant que la
lettre que Philippe 1893A de Thiette adressait à l'aîné de ses
frères, le 11 novembre 1299, des plages lointaines de la Sicile: A très-haut homme et noble, mesire Robert, fils aisnez mon seigneur
le conte de Flandre, seigneur de Bétune, son très-chier seigneur et frère,
Philippes, ses frères, se recommande à li et apparillié à tous ses bons
plaisirs. Chers sires, je receu voz lettres que vous
m'envoiastes, et moult sui liez quant je entendi vostre bon estat, lequel Nostre
Sires meinteigne en prospérité et en honeur. Et d'endroit de moi, chers sires,
sachez que je m'estoie ordené de tout lessier por aller procurer les besoignes
mon seigneur nostre père à court de Rome; si me fu conseillé, et dou roi et de
mes autres seigneurs et amis par deçá, et les cardinaus meesmes le dirent à ses
procureurs à court, que le pape seroit plus favorable aux besoignes, si je
estoie à service de l'Eglise que se je fusse à court, et les en délivrerai plus
tost 1893B que se je cuidasse qu'eles n'en dussent mieux valoir,
je vousisse mieux estre à court por les procurer que là où je sui. Quar sachez,
chers sires, que suis moult amolesté de cuer, tant por les besoignes devers
vous, que ne sunt pas aleés, tant por la grante aventure et la grante confusion
où certiens fumes, se Dex ne nous aide. Et Nostre Sire en face sa volenté en
quel main nous fumes touz. Confortez-moi souvent, s'il vous plaît, de vostre bon
estat, et me mandez toute votre volenté et sui . . . . . . . appareillé de faire
à men pooir. Et seellai ces letres dou mien anel, por ce que je n'avoie mie avec
moi nostre propre seel. Et immédiatement après, Philippe de
Thiette avait ajouté ces lignes, expression d'un voeu que l'avenir ne devait
exaucer qu'à travers mille périls. Nostre Sire Dex face que je
vous puisse enquores reveoir à joie! Et sachez, sire, que moult m'en 1893C goesse et en suis en grant languissour que je ne puis . . . . .
. . conseiller ès besoignes mon sire nostre père. Et se je vousisse estre
demouré por les procurer, si comme je le porchaçai à poer . . . . . . . ou mieu
lessier; mais je i retournerai le plus tost que je porrai, por y mettre tout le
conseil et toute l'aide que je porrai . . . . . . droiz est. Et sachez, sire,
que nous avons gagniés plusours bones viles et chasteaus en Secile à quelque
meschief . . . . . . . et avons espérance que tout le païs doit venir à
commandement Escriptes à Cataigne en Secile, à la Saint-Martin
d'yver. De
l'autre côté des Alpes, une voix non moins triste s'élevait pour lui répondre:
c'était celle de Robert de Béthune, qui annonçait aux ambassadeurs flamands à
Rome que les trêves étoient rompues 1893D et que Charles de
Valois s'était déjà emparé de Douay, sans que rien pût résister à ses nombreux
hommes d'armes. Robertus Flandriae comitis primogenitus,
liberam 1894A tenens comitatus Flandrensis administrationem,
Atrebatensis advocatus, Bethuniae ac Tenremondae dominus, dilectis et fidelibus
suis dominis Johanni de Menin, militi et consiliario suo, ac Michaeli As
Clokettes, capellano suo karissimo, salutem cum sincerae dilectionis affectu.
Litteras, quas karissimo patri nostro et nobis scripsistis, vidimus diligenter,
quibus consideratis, vobis scribimus quod finaliter procuretis quod summi
pontificis amorem et gratiam ac cardinalium habeamus, et quod nobis assistant in
tanto periculo in quo sumus, praecipue cum rex Franciae et sui, contra
prorogationem treugarum sanctissimi pontificis, terram Flandriae intraverint,
pro destructione nostra et terrae nostrae, quod multum debet ipsum summum
pontificem et cardinales movere, ex eo quod dictus rex, mandatis summi
pontificis et Romanae ecclesiae inobediens est ex toto, super qua inobedientia
dicti regis et pluribus aliis per vos exponendis dicto summo pontifici, ad
informationem vestram in quadam 1894B cedula plura articulatim
hiis praesentibus litteris mittimus interclusa, super quibus cum summa
diligentia apud summum pontificem insistatis, praecipue super eo quod sciamus in
quo statu idem summus pontifex nos manere debere intendit, et quale remedium in
praesenti et in instanti in factis nostris adhibere velit, et super praedictis
dicto summo pontifici litteras scribimus, super quarum responsione instantissime
insistere velitis, quarum litterarum transcriptum vobis mittimus similiter
interclusum. Facta nostra apud summum pontificem et cardinales, sicut expedit,
sollicite, de die in diem, cum omni diligentia procuretis, quia, sicut videre
potestis, res in eo statu in quo nunc est, dilationem non recipit ullo modo
absque totius status nostri subversione totali. De pecunia, pro qua nobis
scripsistis, et de servitio, procuravimus et procurabimus toto posse; sed scitis
quod ita cito non possumus facere quod voluimus, quia multas et diversas
expensas 1894C pro terra nostra munienda et defendenda facere nos
oportet; tamen vobis mittimus summam mille et quingentorum florinorum pro
necessitatibus vestris et pensionibus cardinalium persolvendis, scituri quod, si
rex treugas per dominum papam prorogatas observasset et in nos non insurrexisset
vi armorum, summam vobis mississemus ampliorem, etiam ad servitium domino papae
et cardinalibus faciendum, sed in munitionibus nostris tot et tanta apponere nos
oportet, quod ad praesens ampliorem facere non valemus. Nova quae habebitis in
curia et voluntatem papae, quam citius poteritis, nobis rescribatis; praeterea
sciatis quod dominus Karolus, frater regis, die mercurii in festo Epiphaniae
villam nostram Duacensem occupavit, treugis non obstantibus, prout plenius
videbitis in cedula supra dicta, quod domino papae notificare curetis. Charles
de Valois, maître de Douay, s'avança vers 1893D Gand, suivi de
6,000 hommes d'armes. Nevele et d'autres riches villages furent livrés aux
flammes, et le port de Damme tomba au pouvoir des Français, qui n'y trouvèrent
qu'une vieille femme. Tous 1895A les habitants, sachant que Philippe
le Bel avait défendu de les recevoir à merci, avaient fui. Un fils du comte de
Flandre, Guillaume de Dampierre, qui avait épousé la fille de Raoul de Nesle,
les avait abandonnés pour se rendre près de Charles de Valois, et nous le
voyons, peu après, arriver à Gand, afin d'engager son père à se remettre
également entre les mains de Philippe le Bel. Un conseil, composé des amis les
plus fidèles du vieux comte de Flandre, se réunit: on y remarquait Jean de
Menin, Geoffroi de Ransières, Gérard de Moor, les sires d'Audenarde, de
Mortagne, de Nevele, de Roubaix, de Verbois, de Bondues. L'avis de Guillaume de
Dampierre triompha, et Gui se dirigea vers la France par Tournay et Arras, sous
la garde 1895B des comtes de Boulogne et de Sancerre. Gui arriva
à Paris le 24 mai 1300. Retenu quelques jours au Châtelet, pendant les fêtes du
mariage de Blanche, soeur du roi, avec le duc d'Autriche, il fut bientôt conduit
à la cour de Compiègne: «Car le roi,» dit la chronique à laquelle nous
empruntons ces détails, «rewarda qu'il ne le voloit laissier si près de
lui..» C'est au moment où la capitulation de Gand a complété la conquête de
la Flandre, c'est au moment où Gui de Dampierre s'est livré lui-même à Charles
de Valois, que l'alliance de Boniface VIII et de Philippe le Bel se rompt sans
retour. Un traité, conclu à Vaucouleurs, entre le roi de France et Albert
d'Autriche, dont le pape repousse les prétentions, 1896A a suffi
pour amener ce résultat, que Cui de Dampierre a vainement espéré pendant si
longtemps, et Boniface VIII, qui n'a plus rien à craindre ni des Colonna, ni de
Frédéric d'Aragon, conçoit le double dessein de protéger l'empire contre
l'empereur, et de châtier le roi de France en même temps que l'empereur. Les ambassadeurs flamands à Rome comprirent admirablement la
situation des choses: prenant l'initiative de la grande lutte qui se préparait,
ils invoquèrent les droits de la Flandre opprimée, comme le champ le plus noble
et le plus légitime où la souveraineté pontificale, réunissant le pouvoir
temporel au pouvoir spirituel, pût combattre les injustices et les usurpations
du roi de France. Le 1896B mémoire qu'ils soumirent au pape dans
ce but est l'un des documents inédits qui répandent le plus de lumières sur
l'histoire des dernières années du pontificat de Boniface VIII. In Dei nomine amen. Quia longum esset et nimium
gravaret benignas aures, narrare injurias et gravamina multiplicia et eorum
inaudita, illata indebite magnifico domino comiti Flandriae et comitatui, terrae
et hominibus suis per illustrem regem Franciae et gentes suas, factum summatim
perstringitur, super quo, per pietatem beatissimi patris, imploratur pro parte
comitis remedium opportunum apponi, et, siquidem quasi jam, proh dolor, per
cuncta christianorum climata notum quod idem rex, in laesionem comitis, ipsum
aliquando invitum, facultate libera discedendi non data, inrationabiliter
detinuit, et etiam filiam suam nubilem quam 1897A detinuit
invitam, hactenus et injuste detinet, discedendi et nubendi facultate adempta;
etiam in comitatum et terras et homines ipsius intulit, per se et suos, injurias
intollerabiles atque dampna, comitatum sane ipsum hostiliter, cum numerabili
multitudine et undique coacto exercitu, invasit, terras plures obsedit, ipsas et
etiam per violentiam occupavit; haereditatis etiam spoliavit proventum etiam
quod . . . . divitiae fuerunt cum . . . . plurimis et eodem incendio exustae, et
. . . . caedes clericorum, religiosorum et laicorum . . . . et crudelissimae . .
. . virginum et sanctimonialium, imparabiliter sunt secutae vastationes et
depopulationes bonorum et rerum hominum ipsius comitatus, patratae quasi usque
ad exanimationem comitatus ipsius: quae attemptata sunt, ut plurimum, et post et
contra appellationem ad hanc sanctam sedem pro parte comitis legitime
interjectam; post et contra quam appellationem idem dominus rex, in contemptum
hujus sedis, 1897B procuravit per dominos Remensem et
Silvanectensem episcopos, sine rationabili causa, terram ipsius comitis supponi
ecclesiastico interdicto, et ipsum et sibi adhaerentes de facto excommunicari,
et fuit pro parte dicti comitis iterato appellatum ad sedem eandem. Insuper, et
quod obstinatius, etiam post et contra treugas et sufferantias inter ipsum regem
Franciae et illustrem regem Angliae, pro se et eorum confoederatis, initas, et
per utrumque regem sollempniter juratas, et per sanctitatem domini nostri more
arbitrario confirmatas et approbatas, et ipsis durantibus, contra ipsum comitem
confoederatum regis Angliae et terram suam et homines, idem dominus rex
Franciae, ipsas treugas, contra sacramentum regale, violando, multa dampna et
injurias irrogavit; super quibus et aliis multis gravaminibus et ea
contingentibus supplicat idem comes, per summum pontificem, apud sedem
apostolicam, contra dictum regem Franciae sibi judicium et misericordiam
exhiberi. 1897C Quod autem sanctissimus pater
pontifex sit judex in praemissis competens, et non alius, et comes necessario
habeat in hac parte adire ejus examen, probatur per infrascripta. Et primo, quia idem summus pontifex judex est omnium, tam in
spiritualibus quam in temporalibus, inter illos qui alios habent judices
seculares. Est enim Christi omnipotentis vicarius, ut extra. de translatione praelati, c. Quarto,
et adeo plena est sibi hujusmodi vicaria commissa, quae explicite et expressim
commissa est suis successoribus in persona Petri; idem est successor per omnia
jura terreni et coelestis imperii, quodcumque ligaverit,
et caetera, 22, d. c. 1, q. 40, d. c. 1, et juxta illud: ecce
duo gladii hi, et juxta illud: Constitui te super
gentes, etc., ut c. Sol. Et quamvis reges temporalem
exerceant jurisdictionem, et subditi sint regi tanquam praecellenti, et ducibus
ab eo missis, hoc 1897D tamen datum est a Petro, et concessum a
Deo, summo principe, cujus Dei, non puri hominis, ipse pontifex vices gerit in
terris ut d. c. Sol.; et sic, cum omnis potestas a domino
Deo sit, apparet quod jurisdictio quorumlibet, tam temporalium quam
spiritualium, sibi sicut soli vicario ejus, plenarie sit data, et sicut dominus
papa non perdit ordinariam jurisdictionem, si praelaturam ecclesiasticam
committit alicubi, sed adiri potest per simplicem querelam, ab omnibus, ut
dicunt jura, sicut et in aliis potestatibus erit, quia ab ipso sunt, quia, sive
lex dat haereditatem, sive datam approbat, dare videtur, ff. De vera signi., l. Obvenire, et ff.
De jure communi, 3, 1, juxta illud divinum, Per me reges regnant, etc., c. De s. tibi
inter cl. De hac summa et plenissima potestate, quia resideat in summo
pontifice, nulla debet esse dubitatio apud quoscumque fideles. Secunda ratio est quod contra illos qui judices 1898A non cognoscunt, sine haesitatione aliqua erit judex summus
pontifex, unde imperatorem, quo nullus inter principes seculares est superior,
judicat et deponit summus pontifex ut extra. De re
judic., c. Ad apostolic. et De
judiciis, c. Novit et De major. et
obed., c. Sol. Rex etiam Franciae, qui nullum
superiorem recognoscit, ut dicitur extra. Qui f. sint . . .
per venerabilem tamen pontificem judicatur et deponitur propter demerita
15, q. Alius. Et ideo de Romano pontifice dictum est: Constitui te super gentes et regna, et judicem eum esse
oportet ita super magnum sicut super parvum, et aliquis potest esse acefalus qui
non supra se judicem habeat constitutum, ut in d. c. Novit.: alias perirent jura et justitia, si non esset qui ea
redderet, ff. De. ori. jur., l. II, §§ Et originem. Tertia ratio est quod, ante
illationem hujusmodi injuriarum et dampnorum, vel saltem plerorumque ipsorum, et
postea, fuit pro parte dicti comitis ad 1898B hanc sedem legitime
appellatum. Et quod etiam ratione appellationis dominus noster sit in hiis
judex, constat de jure quia omnis oppressus libere appellare potest ad Romanam
sedem, ut 2, q. 6, c. Omnis oppressus, etc., ad Romanam ecclesiam omnes oppressi, et est hoc verum de
clericis et laicis, maxime cum deficit judex, ut extra. De
foro competenti, c. Licet. Deficit autem in
proposito judex, quia rex superiorem non cognoscit, ut dixi supra de hoc, no.
pr. no. dec. Omnis oppressus. Quarta
ratio est, quia notorie et patenter peccavit rex Franciae in comitem, propter
praemissa, et notum est quod ad summum pontificem spectat quemlibet corripere de
peccato, ut in c. Novit, et ipse requisivit et requiri
fecit comes regem quod emendaret injurias, et nichilominus, tanquam manifesta et
notoria, potest summus pontifex facere emendari, ut no. domini Innocentii, in c.
Novit, absque ammonitione partis, quia in notoriis non
1898C est ordo juris usquequaque servandus, ut extra. De jur. jur. Quinta ratio est propter
sacrilegium commissum in exustione ecclesiarum, occisione clericorum et
religiosorum, quod crimen ecclesiasticum est, et coram judice ecclesiastico
debet tractari, 15, q. 1, c. In canonibus, extra. De foro comp., c. Consistit, et sic
generaliter ibi. no., et 11, q. 3, c. Canonico, et 17, q.
4, Omnes ecclesiae, et extra. De summa
excommunicationis, c. Conquesti, praeterea quod pro
filia comitis detenta specialiter est implorandum judicium ecclesiasticum,
ratione pietatis et libertatis cui favent jura; enim quilibet potest petere ut
liberetur homo captus, ff. de libero homine, l. III, §
Omnibus sit, et judicium est ecclesiastici judicis de
hoc, ut c. De epi. audi., l. Christianos, et De episcopis et clericis,
si liberi captivi, et extra. De arbitriis c. Exposita, et maxime, si nubere intendat, ponenda est in loco
tuto et securo, ne per timorem dicat 1898D sibi placere quod
odit, extra. De spons. et De
procuratoribus, accedit et facit ff. De pet. haered.
l. Haereditatis. Sexta ratio est quia,
antea quam ad tot et tanta illicita procederet dominus rex contra comitem, et
incepisset domino comiti injuriari et super ipso comitatu, comes requisivit sibi
per regem concedi judicium parium, quod in hoc erat competens, quod idem rex
sibi facere denegavit, pluries requisitus, et licet aliquando promisisset
servare justitiam per judicium parium, tamen ad ultimum id ei denegavit, et ideo
successit justitia ecclesiastica, et ipse rex, jure quod habebat in comitatu,
ratione feodi, fuit privatus, ut extra. De foro compet.,
c. Licet, et c. Exteriore, et in usi. fe. si. de. fe. contraria ferentur, c. Domino committente et qualiter dominus prope fe. p., c. 1,
cum multis similibus, nec potest dominus rex dicere se judicem super hiis, qui
in causa sua judex esse non potest, ut c. Ne quis in sua 1899A causa, in rubro et nigro, et maxime cum agatur vel agi
intendatur de suis excessibus, et maxime etiam cum notorie in hac causa esset
judex suspectissimus, ut pote qui comiti est notorius persecutor et hostis, et
qui nequaquam incorrupti judicis posset nomen proferre, ut extra. De ap., c. Cum speciali, et c. De asse l. f. Imploratur etiam judicium
contra regem et suos, qui hiis durantibus treugis multa in eumdem comitem et
terram suam injuriose fecerunt, quam treugam facta pace rex forte dicet non
durasse; sed quod duraverit treuga, etiam postquam pax inter reges fuit, constat
per terminum, qui terminus adhuc durat, et quod dominus noster possit procedere
contra regem, . . . . tum quia treugas praemissas juratas a se constat, tum quia
fides etiam hosti servanda est, tum propter religionem sacramenti, propter quod
judicium est ecclesiae, extra. De tra. et pa., c. 1, 22,
q. 4, c. Invocans, et 23, q. 6, 1899B c.
Noli extimare, et extra. De
electione, c. Venerabilem, et De
foro compet. et clericis laicos, domini Bonefacii papae VIII; praeterea rex
non solum tenetur ad emendam dampnorum quae comiti intulit post treugas, ipsis
durantibus, sed incidit in poenam in compromisso appositam, quia laudem domini
nostri non servarit, et
est judex tum rationibus supradictis ad rationem contractus, vel quia hic in
curia (ff. De judiciis, l. Omnem,
extra. De foro compet. c. f., et c. Romanam, § Contrahentes apud sedem istam) fuerunt ista
compromissa praemissa et laudata, nec dicat dominus rex quod treugae fuerint
finitae pacifice inter reges, quia illud posset habere locum quoad reges, sed
quoad confoederantes, praesertim qui fuerint nominati in treugis, ut sunt comes
Flandriae et comitatus suus, donec pacificatum esset cum rege, adhuc durant,
quia jus erat quod . . . per expressionem . . . per factum regis Angliae non
potuit sibi tolli, ff. De pace, l. f. cum multis.
Praeterea forma treugarum seu sufferentiarum juratarum 1899C hoc
habet explicite quod inter reges et confoederantes, utrum de guerra ecclesiae
ducatus Aquitanniae, item comitatus Flandriae, essent de regno ad regnum, de
terra ad terram, de gente ad gentem, etc.. Et ideo a nobis sic juratis non licet recedere, cum papae soli
liceat de juramento judicare, et interpretationem facere, ff. Admin., l. Imperatores, et in c. Venerabilem 3, f., et facit pr. ab. c.
Innocentes, ibi, sacramenti
religione, etc. Quod autem possit dominus noster tempus treugarum prorogare
vel compellere ad prorogandum, probatur, quia potestatem habet ex forma
reservationis quam sibi fecit, ut apparet ex forma, quia reservavit sibi addere
et minuere, et semel et pluries laudare, etc., ut ff. De
arbitrio, et lex Expens., l. Terminato, 3, f. c. Potest et de jure, etsi hoc non haberet
ex arbitraria potestate, cum videat tantam et sic displicentem discordiam inter
regem et comitem, unde possit in posterum guerra subscitari, et 1899D inter reges maxime, quod non sit credibile quod dominus rex
Angliae possit vel debeat tolerare comitem, cui fide data defensionem promisit,
totaliter per dominum regem Franciae conculcari. Ne videatur dominus
dissimulando ipsi favere, potest compellere ad treugas competentes prorogandas,
ut extra. 1900A De judicio, c. Novit. in fine. Similariter dominus noster posset regem
Franciae compellere ad compellere ad pacem cum comite, videtur indubitanter,
quod sic per dictum c. Novit. hoc idem facit imperator,
quia pacem indicit subjectis, ut in usibus, de pace
tenenda. q. c., immo et mandat hiis qui regunt pro inimicis, quod
provideatur ne populi civitatum aliis guerram seu subjectionem faciant, sed
omnino habeant pacem. (In aut. d. Principium, c. De in. et ff. De offi. praesid., l.
Congruit.) Hoc dicit ff. De us.,
l. Aequissimum: Praetor prohibet et cohibet sua jurisdictione
ne aliqui veniant ad arma et rixas. Hoc docuit semper ille summus magister,
et verbo et opere, qui semper dicebat: Pax vobis, pacem meam
do vobis, pacem relinquo vobis, quae verba sunt attendenda, quia mandatum
important, quod exequendum est per vicarium, et hujusmodi haereditas relicta non
est refutanda, nec negligenda, sed manutenenda et approbanda. 1900B Praedicta colligit scribentis inscitia secundum
sui modicitatem intellectus, cum ubi viget apex, ubi omnis perfecta in pectore
condita peritia, ubi omnis potestas et omne pastorale officium, ubi summa pietas
et clementia est, inter jus et aequitatem interpretatio clementius et subtilius
consideretur, et pro filio semper devotissimo ecclesiae, comite Flandriae,
exposito nequiter ad ruinam, celere capiat et ponat opportunum consilium pii
patris potestas. Une lettre écrite par les ambassadeurs
flamands dans les premiers jours du mois de janvier 1299 (v. st.), nous apprend
comment fut accueillie cette déclaration solennelle où l'on invoquait l'autorité
pontificale placée par Dieu au-dessus de toutes les nations et armée des deux
glaives trouvés à la montagne des Oliviers, c'est-à-dire de la puissance
spirituelle et de la puissance temporelle, non-seulement 1900C comme l'unique refuge des opprimés contre les princes qui ne
reconnaissaient aucun juge au-dessus d'eux, mais aussi comme le pouvoir supréme
investi du droit de déposer le roi de France et l'empereur. Très-chiers sires, nous vous avons, par pluseurs lettres et par
pluseurs messages, escript et fait savoir l'estat de vos besongnes pour quoy
nous sommes à Rome de par vous, et atendons et avons attendut piécha de savoir
vo volentei, sans lequele nous ne pooins ne ne savoins aler ne avant ne arrière
de vos besoignes; et de che poés vous bien iestre certains, se vous ne rewardeis
et faites rewarder les lettres ke nous vous avoiens envoiés puis le Saint-Remy
en encha, et tant de tans a passei puis ke vous aveis recheuwes les lettres. Or,
pluseurs de ces ke au tans de ches présentes lettres furent faites, nous en
deussiens bien avoir seut 1900D autre chose. Et d'autre part,
sire, nous vous avoins adiès fait savoir le grand besoing et le destroit où nous
sommes de nos pourvéances. Et de tout ce, sire, nous n'oons nulle nouvièle. Nous
n'osons mie dire, sïre, ke nuls n'a cure des besoingnes et de nous par dechà;
mais nous avoins grant peur ke 1901A vous n'ayés essoigne, dont
Dius vous deffende, qui trop seroit grande à che ke ele vous empechât à faire
savoir à nous vo volentei sour les choses deseuredittes. Ou nous doutons, se
vous aveis à nous envoiiés messages, k'il ne soient pris ou mort, ensi comme il
est autrefois avenut. Et, sire, nous attenderons dusques à Paskes, se vous,
sire, ne nous en remandés chi en dedens. Et de che et d'autres coses nous avoins
envoiés nos lettres à vous et à mon signeur vo fil par Ghiselin de Locres et par
Marischal, qui se partirent de nous le diemence après le XIIJe jour
dou Noël, auquel XIIJe jour
messire Mathius de Aighesparte preecha en apiert, devant le pape et les
cardinaus et devans tous, en l'église Sainct-Jehan de Latran, que li pape tous
seus est sire souverains temporeus et spirituels deseure tous, quelque il
soient, ou liu de Diu, par le don ke Dius en fist à saint Pierre, et as
apostoles après lui. Et quiconques se voet encontre ce deffendre, par exemption
ne par cose nulle, quelque il soit ne 1901B comme grans, saincte
Eglise puet aler encontre lui, si comme encontre mescréant, par l'espée temporel
et spirituel, del autoritei et dou pooir de Diu. Et ches paroles sont bien pour
le premier aiwe de vos raisons ki sont données au pape, dont nous vous avons
envoiet autrefois les transcris. Joesdi ore que passa dairainement, nous
parlames au pape, et luy ramenteumes vo besoingne, et li desimes ke vous estiés
en wiére ouverte, et par le roy. Li papes respondi k'il en estoit bien
ramenteus, et k'il attendoit message prochainement, et ke sour ce il
s'aviseroit, et nous responderoit assés tost. Et dist qu'il vooit bien que li
rois usoit de mauvais conseil, et ce pesoit au pape; aujourdewy, sire, li pape a
fait (sire, c'est le samedi après le vintisme jour) li pape a fait archevesque
de Trièves de frère Thétier , jadis frère au roy Adoulf, ki fu rois d'Allemagne, et dist-on, et
nous le tenoins pour certain, ke li acors et amistei ki est faite entre les rois
1901C d'Allemagne et de Franche lui desplait, et ke pour mal dou
roy d'Allemagne il a fait cest archevesque, et ke il li pourcacera empeecement
ou emcombrier, s'il puet, et que, se aucuns lui fasoit emcombrier, li pape en
seroit bien lies et li église de Roume, et bien leur sanle ke il et li rois de
Franche voellent tout esbranler. Chiers sire, souviègne-vous, s'il vous plaist,
de vos besoignes par dechà et de nous, et Nostre Sires ne vous ouvli, et soit
warde de vous et de tous cheaus ki bien vous voelent. Sire, nous 1902A n'escrivoins à autruy ke à vous. Vous fereis savoir avant vo
volontei là où il vous plera. Ches lettres furent données à Roume, au Lateran le
samedy devantdit. Chers sires, autèles lettres vous
envoions-nous par monsigneur Willaume de Jullers, le prévos de Treit, vo neuveu,
ki les vous apportera ou envoiera par avanture avant, car nous entendons k'il
doit à Boulogne demorer escoliers. Sire, nous avons entendunt, et tenons pour
véritei, ke li pape a faict réservation de faire archevesque à Coulogne et à
Mayence, et he li liu seront vaghe plutost que on ne quide, et ke li pape i
mettera personnes dont il se pora aidier contre le roy d'Allemagne; mais il ne
treuve mie personnes bien appareillié; car il n'y mettera nul del acort le roi
d'Allemagne, ne dou roy de France, ne d'Engletierre, ne Lombart; anchois vorra
querre personnes poissans dou pays, qui puissent et doient estre contraire au
roy d'Allemagne, dont il porra 1902B bien avenir que vos niés
venist al une de ches dignitez par l'aiuwe de vous, de vos amis et des siens,
s'il est bien maintenus en escole, et, ensi ke on devera, on ne fera mie morir
les archevesques, mais li pape en fera bien ordener par qoi li liu seront vaghe.
Ches choses créons nous ensi, mais nous ne savons de certain comment il en
avenra. Et messire Guis de Haynaut, vos niés, eust eu l'archeveké de Trièves,
ensi comme nous l'entendons de certain, se ne fust li alliances ke ses freres a
au roy de France
et voluntatem vestram cum fiducia remandetis, scientes quod ex
toto corde facerem quae vestro commodo cederent et honori. Valete in Domino.
Salutate michi omnes quos videritis salutandos. Datum feria tertia post
Mathiam. Bientôt
le discours du cardinal d'Aqua-Sparta reçut une éclatante sanction. Le pape
parut au milieu du grand jubilé de l'an 1300 avec les doubles insignes de
l'autorité spirituelle et temporelle, et répétant à haute voix: Ecce duo gladii; hic vides, o Petre, successorem tuum; tu,
salutifer Christe, 1902C cerne tuum vicarium. Toute l'Europe
était accourue à Rome, et le nombre des pèlerins qui se pressaient aux portes
des saintes basiliques avait effacé les plus pompeux souvenirs de la cité, deux
fois reine du monde. C'était à la fois la manifestation d'un immense
enthousiasme religieux et la manifestation de la puissance dont l'autorité
pontificale restait armée aux yeux des peuples. 1903A Boniface VIII a envoyé l'évêque de Pamiers ordonner au roi de
France de rendre la liberté à Gui de Dampierre: mais Philippe le Bel ne répond
qu'en jetant dans une prison le légat du pape, et en appelant les Colonna à sa
cour. Boniface VIII, en même temps qu'il accueille les plaintes du comte de
Flandre, se souvient des plaintes non moins vives et non moins fréquentes de
l'ordre de Cîteaux . Le 4 décembre 1301, il suspend tous les priviléges accordés au roi
pour la levée des dîmes; le lendemain deux autres bulles sont publiées. Par la
bulle Ausculta fili il expose la puissance dont il est
dépositaire, comme vicaire de Jésus-Christ et comme successeur de saint Pierre:
Constituit nos Deus super reges et regna ad evellendum, 1903B destruendum, dissipandum atque aedificandum sub ejus nomine et
doctrina. Fili carissime, nemo tibi suadeat quod superiorem non habes. Mais il ne faut pas croire, comme
l'ont trop souvent répété les historiens modernes, que la papauté dût être aux
yeux de Boniface VIII la réunion, ou pour mieux dire, la confusion des deux
pouvoirs exercés simultanément. Boniface VIII disait lui-même qu'on ne pouvait
lui attribuer une si grande ignorance ou un si grand aveuglement que de ne pas
connaître la séparation des deux pouvoirs. L'empereur et les rois exerçaient seuls
la puissance temporelle: à eux l'usage, l'action, le domaine des
faits. Le droit, toutefois, restait subordonné à l'autorité spirituelle, appelée
à distinguer ce qui était juste 1903C de ce qui était injuste, et
investie d'une juridiction incontestable, ratione
peccati, soit qu'il convînt de rappeler un chrétien obscur à la pénitence,
soit qu'il fallût briser la couronne des princes les plus puissants. Cette théorie s'appuyait sur ce principe,
alors universellement admis, que la société reposait sur la religion, elle était
à la fois modératrice pour les princes, protectrice pour les 1904A peuples, à qui elle offrait l'égalité vis-à-vis du tribunal
suprême qui représentait sur la terre celui de Dieu. La bulle:
Ausculta fili offre d'ailleurs un intérêt tout spécial
dans la question qui nous occupe; car elle aborde successivement les deux griefs
qui s'élevaient contre le gouvernement de Philippe le Bel; d'une part
l'oppression de Gui de Dampierre, c'est-à-dire, celle des grands vassaux;
d'autre part l'oppression du clergé et des ordres religieux. Lorsque Boniface
VIII disait à Philippe le Bel: Gravas pares, comites et
barones . . . . cum in judicio esse debeat distinctio personarum, tu tamen in
propriis causis jus tibi dicis, et in proprio judicio partes actoris et judicis
sortiris, il répétait ce qu'avait dit Gui de Dampierre dans l'acte d'appel
du 29 décembre 1299- 1904B Lorsqu'il adressait au roi de France
d'autres reproches, ainsi conçus: Ecclesias et ecclesiasticas
personas opprimis . . . , decimas fieri facis, licet in clericos nulla sit
laicis attributa potestas . . . , ecclesiasticae personae quasi sub jugo
servitutis premuntur . . . , ecclesiae nunc factae sunt sub tributo, il
reproduisait assez exactement les termes de cet autre acte d'appel qui avait été
soumis au siége pontifical par l'ordre de Cîteaux. La seconde
bulle, du 5 décembre 1301, semble rappeler la mission plus modeste que Boniface
VIII remplissait au nom des communes flamandes avant son exaltation au trône
pontifical: Ante promotionem nostram ad summi apostolatus
officium, dum adhuc nos minor status haberet, multa sunt reserata 1904C fide digna, assertione multorum, super injuriis atque damnis
quae per Philippum regem Francorum multipliciter inferuntur. Jacques de Normanno,
archidiacre de Narbonne, à qui ces bulles avaient été remises, reçut l'ordre de
quitter la France, et la bulle Ausculta, fili fut
publiquement brûlée par l'ordre du roi, le dimanche 11 février 1301 (v.
st.). On trouve dans les preuves 1905A de
Dupuy un mémoire rédigé à cette occasion par un avocat de Coutances, nommé
Pierre du Bois ou du Bos, où on lit: Forte expediret Romanos pontifices
fore pauperes, sicut olim fuerunt, ut sancti essent. Des
recherches plus récentes faites par M. de Wailly permettent d'attribuer aussi à Pierre du Bois
un opuscule dans lequel il engageait Philippe le Bel à réunir au royaume de
France, Rome et le patrimoine de saint Pierre, et où l'on trouve, de plus, dès
la première page, la maxime si vivement reprochée aux ministres de Philippe le
Bel dans l'acte d'appel de l'ordre de Cîteaux: Qui principi
non obedierit, morte moriatur. Ce travail d'un avocat de Coutances, qui fut
peut-être le confident et le secrétaire d'Enguerrand de Marigny (Enguerrand 1905B le Portier avait pris son nom du bourg de Marigny, situé à
quatre lieues de Coutances) est d'autant plus important que Philippe le Bel
semble y avoir puisé plusieurs de ses ordonnances, et il est un aperçu qu'il faut
signaler, parce qu'il donne 1906A lieu à un rapprochement tout à
fait nouveau. Philippe le Bel, qui, dans son langage et dans ses violences,
devança tant de fois Henri VIII, eut, comme celui-ci, la pensée qu'en supprimant
le célibat ecclésiastique, il ferait entrer le prêtre tout entier dans la
société civile, et qu'il romprait les liens fondés sur l'abnégation et
l'obéissance qui unissent le sacerdoce à la suprématie de l'autorité religieuse.
Philippe le Bel se faisait remontrer par maître Pierre du Bois que les voeux du
célibat n'avaient d'autre source que l'erreur de quelques vieillards qui avaient
oublié les passions de ce monde, qu'il en résultait un grand danger pour les
âmes, et que le pape, et le roi à défaut du pape, avait le droit de les abolir,
puisque tant de règles prescrites dans l'ancienne 1906B loi
avaient été modifiées dans le Nouveau Testament. Une bulle fut composée, et elle
s'est conservée dans les manuscrits de la bibliothèque de l'université de
Gand, plura sapere quam oporteat contra doctrinam
apostoli appetentes, more haeretico dicunt et credunt Romanum pontificem,
illosque qui ad sacros ordines sunt promoti, non posse per dispensationem Romani
pontificis matrimonialiter copulari, Nichenum concilium, Carthaginasiaque
concilia, pluresque constitutiones nostrorum praedecessorum advertentes, idcirco
nos, habentes sollicitudinem pastoralis officii, utendo potestate nostra, contra
quam nullus princeps vel aliquis debet vel potest ausu aliquo contraire,
volentesque huic morbo haeretico medelam 1906C congruam adhibere,
considerantes praedecessores nostros in suis constitutionibus nos ligare
nullatenus potuisse, sacrumque matrimonium, generaliter per institutionem in
paradiso a Deo approbatum, et apostolorum actuali exemplo roboratum,
ecclesiasticis personis non interdici, sed tanquam salubri favore subnixum
cunctis christicolis fore permissum licitumque debere: nos igitur, ad perpetuam
rei memoriam, praesenti decreto, de fratrum nostrorum consilio, statuimus
Romanum pontificem, omnesque personas ecclesiasticas, seculares et regulares,
utriusque sexus, cujuscumque dignitatis, ordinis seu religionis existant, si
voluerint, posse cum unica vel unico virgine matrimonialiter copulari, dummodo
personae praedictae tricesimum annum in suis ordinibus non compleverint. In die
tamen quo celebrare debebunt, a suis uxoribus abstineant, ut facilius quod a Deo
postulant valeant adipisci. Si vero filii vel filiae in talibus matrimoniis
fuerint procreati, parentibus suis, in bonis 1906D patrimonialibus et de rebus ecclesiasticis nullatenus
augmentatis tantummodo succedant. Quod si parentes nulla bona patrimonialia vel
minus sufficientia pro praedictis filiis dimiserint: si summi pontificis aut
cardinalium filii fuerint, a successore Romano pontifice nutriantur, omnes
quoque religiosorum liberi in ipso caenobio assignata eis condecenti pensione,
educentur, proviso tamen moderamine ne ipsi egestate pereant, et quoque sacrum
monasterium nimium non gravetur; sin autem plebanorum seu curatorum liberi
remanserint, parochiani eis victualia, aliaque necessaria administrent. Nulli
ergo homini liceat hanc nostrae constitutionis paginam infringere, aut ei ausu
temerario contraire. Si quis autem aliud tradiderit, indignationem omnipotentis
Dei noverit se incursurum, nosque contra eum quasi haereticum processuros, 1907D quodque cunctis haec licere jussimus, nostris successoribus
indicamus. Datum Romae apud Sanctum Petrum, tertio ydus maii, pontificatus
nostri anno tertio.. Dès les premières lignes, la rédaction ne
permet pas de douter qu'on n'ait voulu l'attribuer à 1907A Boniface VIII; l'avis de maître Pierre du Bois confirme cette
hypothèse. Peut-être les Colonna, alors réfugiés en France, lui firent-ils
donner une date qui était celle des poursuites dirigées contre eux par le pape,
et l'on comprendrait ici d'autant mieux l'intervention des Colonna, que Boniface
VIII, en appelant au cardinalat son neveu François Gaetani, l'obligea de se
séparer de sa femme, soeur de Raynaldo Supino, l'ami et le compagnon de Sciarra
Colonna. Dans tous les
cas on ne peut se tromper, ni sur sa source, ni sur sa véritable date, en la
reléguant à côté de la fausse bulle: Scire te volumus quod in
spiritualibus et temporalibus nobis subes . . . . aliud credentes haereticos
reputamus. 1907B Nous avons bien le droit
de nier la bonne foi et la loyauté de Philippe le Bel, puisque nous trouvons, au
has de ses manifestes contre Boniface VIII, le nom de Jean de Pontoise, abbé de
Cîteaux, et celui du fils ainé de Robert de Béthune, double mensonge, digne des
légistes qui avaient déjà contrefait les bulles pontificales. Les états
généraux ayant été réunis à Paris le 10 avril 1301 (v. st.), Pierre Flotte leur
adressa en termes emphatiques un long discours fort injurieux pour le pape, et
leur fit signer un mémoire qui avait été préparé d'avance. Le clergé même y
adhéra, bien qu'en un langage plus respectueux pour l'autorité pontificale. Boniface VIII répondit, soit directement, soit par
la bouche des cardinaux, aux 1907C plaintes des trois ordres, et
c'est probablement à cette époque qu'appartient une grande bulle, où, en
défendant aux évêques de quitter dorénavant leurs diocèses, il s'exprime en ces
termes: Bonifacius, episcopus, servus servorum Dei, ad
perpetuam rei memoriam: Traxit hactenus sancta mater Ecclesia in plerisque
partibus orbis terrae profunda suspiria, cujus praesunt nonnulli regimini, qui
pastorum solum nomen obtinent, et commissum sibi gregem dominicum, discurrentes
per loca dispersi varia, pervagando tanquam mercenarii, proh dolor, lupis oves
exponunt, imperatorum, regum, principum et baronum ac aliorum potentium
obsequiis insistentes, ac aliis exquisitis coloribus, quos ex causa tacemus ad
praesens, se frequenter absentant, ac spirituali temporale, transitoriumque
commodum anteponunt, aut minus prudenter 1907D attendunt, quod
pastor discipulis suis ac eorum successoribus per eosdem declaratis ait: Bonus pastor animam suam pro ovibus suis ponit, et scriptum
alibi reperitur pastorem teneri vultum sui recognoscere pecoris, quod impleri
nec possit ydonee quasi continue separati ab eo, sicque passim obliti, nec absit
suae salutis dispendio quod de 1908A temporalium ac spiritualium
administratione quam negligunt, in districti judicis examine respondebunt, quae
non absque dura cordis angustia recensemus, attenta meditatione pensantes quod
inde populus christianus periclitatur multotiens ob defectum regiminis juxta
illud: Populus cui non est gubernator corruet, et scandala gravia prodierunt. Ne
igitur tam dampnosum, tam dampnabilem sustinendo defectum, divinam, quod absit,
incurrere nos contingat offensam, qui locum ejus, licèt immeriti, obtinemus in
terris, cui Dominus omnes oves suas pascendas commisit, de fratrum nostrorum
consilio, irrefragabili constitutione statuimus, tam pastorum quam gregum omnium
animabus providere salubriter cupientes, ut omnes patriarchae, primates,
archiepiscopi, episcopi, abbates . . . . . in ecclesiis quibus praesunt,
continue resideant ac fideliter amodo deserviant infra mensem a die quo praesens
salubre statutum ad notitiam devenerit eorumdem, alioquin patriarchatus,
primatiae, archiepiscopatus, 1908B episcopatus, caeteraque
beneficia post elapsum terminum praetaxatum libera sint et vacantia ipso jure.
Nec volumus quod a quocumque super residentia in eisdem beneficiis minime
facienda sine licentia sedis apostolicae speciali eis valeat dispensari . Dans les derniers jours
du mois d'août, le pape tint un grand consistoire en présence de l'évêque
d'Auxerre, envoyé du roi et des députés du clergé. Après un discours du cardinal
Matthieu d'Aquasparta, il prit lui-même la parole pour dire que, s'il avait
beaucoup aimé le roi de France, Philippe, son père, et saint Louis, son aïeul,
il savait aussi qu'il avait le droit de le déposer, et que ce droit deviendrait
peut-être pour lui un devoir impérieux et une triste nécessité, et il ajouta:
Si rex non resipiscat, 1908C pro tempore futuro
responderemus: Nos scimus secreta regni, nihil latet nos, omnia palpavimus; nos
scimus quomodo diligunt Gallicos Allemani, et illi de Lingadoch et Burgundi,
qui possunt dicere illis quod B. Bernardus dixit de Romanis: Amantes neminem,
amat vos nemo . . . Volumus quod iste Petrus Flote puniatur temporaliter et
spiritualiter, sed rogamus Deum quod reservet nobis eum puniendum, sicut justum
est. Satellites istius Achitophel sunt comes Attrebatensis (qualis homo est
totus mundus scit) et comes Sancti Pauli. Sans
doute, ces paroles parurent plus tard prophétiques à la plupart de ceux qui les
avaient entendues. Peu de jours après ce consistoire, peutêtre 1908D la nuit qui le suivit, un messager arrivé de Flandre annonça au
pape que l'armée française avait été vaincue sous les remparts de Courtray par
quelques bourgeois et quelques laboureurs, réunis à la hâte et à peine armés. Un
frère convers de l'ordre de Cîteaux, transfuge enrôlé dans la vaillante 1909A phalange qui
sauva la patrie, avait renversé à ses pieds le comte d'Artois, et Pierre Flotte
avait partagé son sort. Boniface VIII, sans perdre une heure, fit réveiller Michel As
Clokettes, et le fit
conduire au palais du Vatican pour lui apprendre le triomphe des communes de
Flandre, que suivit de près, comme II l'avait annoncé, l'insurrection du
Languedoc. Boniface VIII avait convoqué un
concile à Rome aux fètes de la Toussaint 1302. Malgré les menaces de Philippe le
Bel, on y vit les archevêques de Tours, de Bordeaux, de Bourges et d'Auch; les
évêques d'Angers, de Nantes, de Vannes, de Rennes, de Quimper, de Léon, de
Tréguier, de Saint-Brieuc, de Toulouse, de Pamiers, de Périgueux, de Saintes,
1909B de Comminges, de Rhodez, d'Agde, de Lescar, de Lectoure,
d'Oloron, d'Aire, de Mende, de Nîmes, de Carcassone, de Bazas, du Puy, d'Autun,
de Châlons-sur-Saône, de Mâcon, d'Alby, d'Aix, de Clermont, les abbés de
Cîteaux, de Cluny, de Prémontré, de Marmoutiers, de Beaulieu et de la
Chaise-Dieu . Le 21 octobre, le roi de France donna à
ses baillis l'ordre de prendre possession des biens des prélats et des abbés qui
s'étaient rendus à Rome, attendu, disait-il, qu'il craignait que ces biens ne
souffrissent de leur absence, et que, dans sa prévoyance, il jugeait de beaucoup
préférable de s'en réserver lui-même la garde. 1909C Cette mesure paraît avoir été principalement dirigée contre
l'ordre de Cîteaux. Philippe le Bel 1910A n'avait pu oublier que l'acte
d'appel des religieux cisterciens avait provoqué la bulle Clericis laicos, et il n'ignorait pas que depuis cette époque
leurs plaintes n'avaient cessé de retentir à Rome. C'était un ancien moine de
Cîteaux, Simon de Beaulieu, évêque de Palestrine, qui était venu, à la fin de
l'année 1296, menacer le roi de France d'excommunication. Enfin, parmi les
cardinaux, il en était un, jadis abbé de Cîteaux, qui se faisait remarquer par
son dévouement au pape. Si nous recherchons jusque dans la Flandre les traces de
la résistance de l'ordre de Cîteaux, nous ferons remarquer que l'abbé des Dunes,
Jacques de Biervliet, opposa les protestations les plus énergiques à la levée
des dîmes royales, et la chronique de ce monastère
1910B ajoute qu'il avait été pendant longtemps attaché comme
pénitencier au pape Boniface VIII.
L'inébranlable fermeté de l'abbé de Cîteaux, Jean de Pontoise, qui avait
succédé, en 1299, à l'abbé Ruffin, n'excitait pas moins la colère du roi de
France: il voulait punir l'ordre tout entier de la fidélité que Jean de Pontoise
conservait au siége pontifical, et on comprend aisément qu'il ait voulu le
frapper en lui enlevant les vastes propriétés territoriales qui couvraient le
sol de la France. Peut-être même Philippe le Bel avait-il formé le projet de
s'attacher les nobles en leur restituant, dans une confiscation générale des
biens de l'ordre de Cîteaux, tous ceux que les abbayes devaient à la pieuse
générosité de leurs ancêtres 1910C . 1911A Rien ne révèle davantage la gravite du péril que
l'énergie que mit Boniface VIII à le conjurer. Le 8 janvier 1302 (v. st.), il écrivit aux abbés de
Saint-Étienne, de Dijon, de Saint-Victor, de Marseille, de Saint-Paul, de
Besançon, et à d'autres abbés, pour qu'ils prissent sous leur protection les
biens de l'ordre de Cîteaux, qui se trouvait en butte aux persécutions les plus
coupables et les plus impies. Que les
temps étaient changés depuis que saint Louis avait pris plaisir à élever cette
magnifique abbaye de Royaumont (regalis mons), où il
jeûnait et priait avec les moines de l'ordre de Cîteaux, de même que, plus tard,
il voulut mourir selon leur règle, étendu sur la cendre, comme sa mère, Blanche
de Castille, était morte elle-même entre les bras 1911B des
religieuses cisterciennes de Maubuisson! Au même moment, l'évêque
de Tournay, obéissant aux instructions secrètes de Philippe le Bel, ordonnait à
toutes les autorités ecclésiastiques de la Flandre de cesser les fonctions de
leur ministère. Le 7
décembre 1302, on lut solennellement à Bruges, dans le choeur de l'église de
Saint Donat, la protestation suivante: In nomine Domini, anno
MoCCCoIIo, die septima mensis decembris, ego
Michael . . . . . . clericus, procurator villae Brugensis, in praesentia notarii
publici: quia reverendus pater, dominus Guido, Dei gratia, venerabilis
Tornacensis episcopus, seu ejus vicarii, omnes decanos christianitatum in terra
Flandriae existentes, nuper ab officio decanatuum suspendiderunt, ac sigilla
quibus uti consueverunt 1911C sibi Tornaci transmitti
mandaverunt, ipsos decanos monendo ut infra certum tempus ad hoc praefixum, sub
poena suspensionis et amissionis suorum beneficiorum, suis mandatis parerent,
cum populus terrae Flandriae sine pastore, aut vices ejus gerente, salubriter
regi nequeat, nec ad invicem communicare, et, propter justum metum, qui potest
et debet cadere in constantem, et viarum pericula, ac guerram notoriam et
manifestam, quae jam diu fuit et adhuc est inter Francigenas et Flandrenses,
nemo totius comitatus Flandrensis, propter beneficium, sibi impertiri et impendi
si indigeat, habendum et impetrandum, etiam propter bannos matrimoniales, de
personis extraneorum decanatuum et 1912A dyochesium, ita quod
secure ad sollempnisationem matrimoniorum procedi poterit, habendos et
impetrandos, quod saepe contingit in dicto comitatu, et specialiter infra villam
Brugensem et territorium ejusdem, ac fieri est consuetum, etiam et propter
curatum seu rectorem habendum in parochiali ecclesia, quae per mortem sui
rectoris fuerit desolata, liberum ad curiam Tornacensem, quae est de districtu
illustris principis, domini Philippi regis Francorum, aditum nequeat habere, nec
recessum: de quibus omnibus supradictis unusquisque decanus in suo decanatu,
populo, vice et nomine episcopi, solebat providere et praestare juvamen, et
talia et consimilia ab antiquis temporibus per decanos christianitatum provideri
et fieri consueverunt, etc. Lorsque peu après Philippe de Thiette revint à Bruges, une décision
plus importante fut prise: on résolut de supplier Boniface VIII de créer en 1912B Flandre des évêques qui, au lieu d'être les constants
instruments de la politique étrangère, entretiendraient chez les populations
probes, laborieuses et simples la foi religieuse qu'elles avaient conservée
intacte, malgré tant d'excommunications et tant d'interdits, au milieu des
guerres les plus sanglantes. Supplicant sanctitati vestrae
clerus et populus Flandrensis, Tornacensis, Morinensis et Attrebatensis
dyocesium, etc., cum plurimi eorum excommunicationis, suspensionis et interdicti
sententiis a canonibus aut statutis synodalibus vel provincialibus, vel etiam ab
ordinariis aut delegatis judicibus se dubitent irretitos, plurimae etiam
ecclesiae comitatus et diocesium praedictorum sint per effusionem sanguinis aut
saevius violatae, et in 1912C nonnullis ecclesiis ac cymeteriis
comitatus et dyocesium eorumdem propter eorum immunitatem infractam aut
interfectionem, mutilationem, vulnerationem, verberationem vel captionem
personarum ecclesiasticarum aut laycarum, per statuta provincialia aut synodalia
a divinis et sepulturis cessetur, non sine infinitis animarum periculis,
diminutione cultus divini, injuria fidelium defunctorum ac plurimo decremento
salutis vivorum, nec possint super hiis a propriis episcopis seu eorum vicariis
aut praedictis judicibus opportuna remedia obtinere, tum propter asperrimam
persecutionem domini regis Francorum illustris assidue saevientem in ipsos, tum
reverendi dicti domini episcopi, dicto domino 1913A regi plus
debito faventes, eos de die in diem graviter opprimunt et injuriis afficiunt
manifestis; quanquam ipsi parati sint et semper fuerint, praedictos dominos
episcopos tanquam patres in Christo reverendos humiliter revereri, et eorum
mandatis salutaribus obedire, nec ad horam a patriae suae defensione abesse:
dignemini, pater sanctissime, ipsis in hac parte misericorditer subvenire,
committendo aliquibus qui auctoritate apostolica eis de absolutionis,
reconciliationis, dispensationis, si opus fuerit, et relaxationis beneficiis;
per se vel per alios, provideant opportune. Item supplicant
sanctitati vestrae clerus et populus, ut supra, ut, cum personae electae ad
ecclesiasticas dignitates aut ad ecclesias parochiales vacantes vel alia
quaecunque ecclesiastica beneficia, et quaelibet regulares et seculares,
comitatus et dyocesium praedictorum praesentari non valeant, venerabilibus
patribus, propriis episcopis, seu eorum 1913B vicariis, ut
institutionem canonicam et ordines consequantur, et causae eorum matrimoniales
aut aliae quaelibet spirituales expediri non possint, non patent eis ad
praefatos dominos episcopos seu eorum vicarios aut judices competentes accessus,
propter guerram asperrimam illustris domini regis Francorum ipsis assidue
ingruentem; ex quibus contingit dictas ecclesias propriis defraudari rectoribus,
Christique fideles propriorum sacerdotum cura destitui, cultum divinum diminui,
ac plurima provenire pericula animarum: dignemini, pater sanctissime, ipsis
contra haec misericorditer providere, mandando alicui vel aliquibus, qui
cuilibet ipsorum auctoritate apostolica vices dictorum dominorum episcoporum et
judicum, per se vel per alium aut alios, suppleant opportune. Item, supplicant sanctitati vestrae Philippus, natus comitis
Flandrensis, Theatae et Laureti comes, ac clerus et populus comitatus
Flandrensis, sibi de 1913C vestrae sanctitatis benignitate
concedi, quod, cum ad sumptus defensionis terrae Flandrensis contra potentiam
domini Philippi regis Francorum illustris, propriae praedictorum Philippi ac
populi laycorum non suppetant facultates, possint licite ab ecclesiis,
ecclesiasticis personis dicti comitatus opportunum ad hoc subsidium exigere et
percipere, ac praedictae ecclesiae et personae ipsius valeant licite exhibere
constitutione vestra super hiis, pro immunitate ecclesiarum tuenda et personarum
hujusmodi, edita non obstante, ac de relaxatione sententiarum et
irregularitatis, si quas faciendo contra constitutionem eamdem, necessitate
urgente, et postea miscendo se divinis, incurrerunt, sibi misericorditer
indulgere. Petitio creationis unius novi episcopi vel duorum in
comitatu Flandrensi: inductiva tamen ad id videntur haec posse proponi. 1913D Quod licet comitatus Flandrensis in pluribus
dyocesibus se extendat, sedes tamen episcopales, ad quas propter necessarium
episcopale officium et ecclesiastica sacramenta ac plura alia oportet haberi
recursum, sitae sunt in terris inimicorum suorum. Item, posito
quod, dante Domino, pacificetur guerra, metus tamen erit ne habitatores hinc
inde remaneant ad mutuas contumelias priores, ex quibus posset periculosa
turbatio suscitari. Item, quod maxima pars comitatus habet in
usu ydioma theutonicum, quapropter non valent ydonee salutaribus monitis per
suos episcopos informari, qui sui ydiomatis sunt ignari. Item,
quod dyoceses ad quas . . . . pertinent ita diffusae sunt, et episcopatus ita
pingues, quod sine 1914A gravi incommodo potest fieri eorum
divisio opportuna. Item, quod in comitatu Flandrensi sunt
plures dignitates et ecclesiae seu monasteria ita dotatae, quod sine gravi
praejudicio ipsorum possit uni episcopo aut duobus de parte aliqua proventuum
suorum congrue subveniri. Supplicant sanctitati vestrae clerus
et populus comitatus Flandrensis ut, cum in comitatu eodem sint plures ecclesiae
ac cymeteria Tornacensis, Morinensis et Attrebatensis dyocesium per effusionem
sanguinis et saevius violata, et in nonnullis ecclesiis et cymeteriis comitatus
ejusdem propter eorum immunitatem infractam, aut propter interfectionem,
vulnerationem, verberationem vel captionem personarum ecclesiasticarum, per
provinciales aut synodales constitutiones a divinis et sepulturis cessetur,
propter quae cultus divinus minuitur, tepescit devotio, pululat insolentia
minimi 1914B rectorum . . . . . multiplicantur animarum pericula,
et fideles defuncti carent opportunis suffragiis et ecclesiasticis sepulturis,
nec non a venerabilibus patribus, propriis episcopis, aut eorum vicariis,
possint istis temporibus super hiis remedia obtineri: dignemini, pater
sanctissime, alio aut aliis committere, qui auctoritate apostolica vices
praefatorum dominorum episcoporum suppleant in praemissis. Supplicant sanctitati vestrae clerus et populus comitatus
Flandrensis, Ternacensis, Morinensis dyocesium, ut, cum personae electae ad
ecclesiasticas dignitates aut ad ecclesias parochiales vacantes, vel ad alia
quaecumque beneficia ecclesiastica, et quilibet clerici, regulares vel
seculares, comitatus et dyocesium praedictorum, propter guerram asperrimam
domini regis Francorum illustris contra Flandrenses, praesentari non valeant
venerabilibus patribus, propriis episcopis, seu eorum vicariis, 1914C ut institutionem canonicam et ordines consequantur; ex quibus
contingit dictas ecclesias debitis defraudari rectoribus et ministris,
Christique fideles propriorum sacerdotum cura destitui, cultum divinum minui, ac
plurima opera salutis . . . . . . . . , et tam ipsis ecclesiis et patronis
earum, clericis vel laycis, quam electis et clericis praedictis multiplex
praejudicium suboriri: dignemini, pater sanctissime, misericorditer providere
quatinus hiis et similibus dictorum dominorum episcoporum vices congruo
suppleantur in comitatu praedicto. Item, quod, cum personae
ecclesiasticae ad ecclesiasticas dignitates aut ad ecclesias parochiales
vacantes, vel ad alia quaecumque beneficia ecclesiastica, et quilibet clerici,
regulares vel seculares, comitatus et dyocesium praedictorum presentari non
valeant venerabilibus patribus, propriis episcopis, seu eorum vicariis, ut
institutionem canonicam et ordines consequantur, et causae eorum 1914D matrimoniales et aliae quaecumque spirituales . .
. . . . . Cependant les evénements, qui se précipitent vers un
dénoûment trop prévu, ne laissent point à Boniface VIII le loisir de donner à la
Flandre, libre et indépendante, ces évêchés qu'elle recevra, deux cent soixante
ans plus tard, de la domination espagnole. Philippe le Bel, qui a longtemps
dissimulé, Philippe le Bel, que Guillaume de Nogaret dépeignait comme une
personne humble et bénigne, miséricordieuse et douce, pleine de religion, animée
du zèle de la foi, tout entière aux prières, à la patience 1915A et à la modestie, ne se vante plus de ne pas savoir se
venger. Le 14 juin 1303, dans
une assemblée convoquée dans l'église de Notre-Dame, il reçoit, non plus comme roi, mais comme champion de la foi
et comme défenseur de l'Eglise (Henri VIII invoqua aussi ce titre au
XVIe siècle), l'acte d'accusation où Guillaume de Plasian reprochait
au pape d'avoir voulu réunir la puissance temporelle et la puissance
spirituelle. Les députés des trois ordres de l'Etat entendirent l'énumération de
tous les chefs d'accusation, la plupart si infâmes qu'on ne peut los reproduire:
puis le petit-fils de Louis IX, dont ce même pape Boniface VIII avait proclamé
la béatification ,
déclara que, bien qu'il eût voulu, fils 1915B respectueux, cacher
au peuple la nudité de Noé, il se trouvait obligé, par sa conscience, de déférer
au voeu formé par Guillaume de Plasian, pour
la convocation d'un concile qui jugerait le pape. Les évêques présents
adhérèrent après un peu d'hésitation . Une seule voix s'était élevée avec
courage pour défendre l'honneur de la papauté et pour protester contre
l'usurpation sacrilége des droits et des libertés de l'Eglise: ce fut celle de
l'abbé de Cîteaux. Philippe le Bel, qui était décidé à ne s'arrêter devant aucun
obstacle, ne respecta ni sa pieuse conviction, ni sa courageuse persévérance.
Tandis que le roi faisait publier une sentence de mort contre tous les
ecclésiastiques qui sortiraient de France, parce qu'il avait besoin de leurs
services 1916A dans sa guerre de Flandre, tandis que la même
peine était commuée contre les officiers royaux qui ne s'y opposeraient
point, le chef illustre de l'ordre le plus puissant de
l'Europe était traîné aux tours du Châtelet, que gardaient quatrevingts sergents
à cheval et quatre-vingts sergents à pied, c'était, sans doute, ce
que le roi appelait, de même que lorsqu'il avait fait arrêter l'évêque de
Pamiers: offrir à Dieu le meilleur de tous les sacrifices par la voie de
justice. Boniface VIII voulut honorer le dévouement de Jean de Pontoise, en
lui accordant deux priviléges qui passèrent à ses successeurs: le premier était
de sceller en cire blanche, le second était de
placer sur son sceau l'image du pape, assis dans la 1916B chaire
de saint Pierre, et revêtu des ornements pontificaux, et Boniface VIII
expliquait ce privilége par ces paroles mémorables adressées à Jean de Pontoise:
Mecum sedisti, mecum sedebis! Enfin, lorsque
Sciarra Colonna, caché quelque temps chez l'usurier florentin Musciato Francesi,
autre complice de l'avidité et de la violence de Philippe le Bel, pénétra dans Agnani en criant: Mort au pape! on
y trouva la bulle Super Petri solio, où la captivité de
l'abbé de Cîteaux était mentionnée parmi les attentats qui appelaient sur le roi
de France les foudres de l'Eglise. Boniface VIII ne survécut que quelques jours à l'attentat d'Anagni.
Ses contemporains l'avaient accusé d'ambition et d'avarice: il s'était
réhabilité 1917A aux yeux de la postérité, en offrant au martyre
un front chargé de quatre-vingt-six années. A peine la tombe est-elle ouverte pour lui, que
le comte de Flandre et l'abbé de Cîteaux l'y suivirent. Il semble que le dernier
représentant de la puissance temporelle de la papauté ait entraîné avec lui les
derniers représentants de la puissance des grands vassaux et des ordres
religieux. Gui de Dampierre acheva ses jours dans la tour de
Compiègne, et ce fut dans une abbaye de l'ordre de Cîteaux qu'il reçut la
sépulture. Jean de Pontoise avait déjà cessé de vivre. Plus
heureux que Gui de Dampierre, il avait vu s'ouvrir les portes de sa prison, et
le continuateur de Guillaume 1918A de Nangis raconte qu'il avait
abdiqué la dignité abbatiale pour préserver son ordre des funestes conséquences
du ressentiment du roi. Cependant le
souvenir de sa sainteté et celui de son courage se conservèrent entourés de
respect, et il fut inscrit dans le martyrologe des bienheureux de Cîteaux, où
l'on a résumé, en quelques mots, l'histoire de sa vie: Per
multos labores et varia rerum discrimina, ad pietatis monasticae fastigium,
indefesso studio, ascensus. C'est à peu près ce que la chronique des Dunes dit
aussi de l'abbé Jacques de Biervliet, mort vers le même temps que Jean de
Pontoise, et réduit, comme lui à se démettre de son autorité: Senio et 1919A tonga aegritudine fractus, et cette plainte suprême,
aussi vraie pour l'abbé de Cîteaux que pour l'abbé des Dunes, pour le pape que
pour le comte de Flandre, n'est que l'histoire de la fin du 1920A XIIIe siècle, ce siècle remarquable entre tous ceux
du moyen âge par sa science et sa gloire, ses vertus et son génie.
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